Mayotte est "sur le fil depuis des semaines, mais nous avons évité la saturation", selon Dominique Voynet

A Mayotte, les renforts et les évacuations sanitaires ont permis d'éviter la saturation du seul hôpital. Si l'épidémie semble avoir atteint un plateau, il est "hors de question" de relâcher le confinement, affirme Dominique Voynet, la directrice de l'Agence régionale de santé, à l'AFP.

Début février, vous affirmiez que le virus "nous avait échappé". Comment la situation a-t-elle pu se détériorer si vite, alors que Mayotte semblait relativement épargnée face à la seconde vague de Covid-19 ?

Ce terme est un peu malheureux... Je voulais dire que nous connaissions la contagiosité du virus sud-africain de manière théorique. Mais nous n'avions pas mesuré sa rapidité de diffusion. Vers le 10 janvier, nous avions quelques cas chez des voyageurs. Une semaine plus tard, 15 à 20% des prélèvements étaient positifs au variant, et quinze jours après, nous en étions à 95%. C'est donc bien cette nouvelle souche du virus qui est en cause, vu la vitesse à laquelle elle a galopé à Mayotte. Nous avons aussi noté un épuisement général face aux gestes barrières et à la réduction de la vie sociale. Et c'est encore plus vrai pour toute une catégorie de population qui vit dans des conditions précaires. Difficile de se laver les mains avec du savon plusieurs fois par jour quand vous n'avez pas l'eau courante !

Le préfet de Mayotte a annoncé la prolongation du confinement pour deux semaines, jusqu'à la fin des vacances scolaires. D'ici là, peut-on espérer que l'épidémie sera à nouveau sous contrôle ?

J'aurais aimé confiner plus tôt et moins longtemps. Mais il a fallu attendre que tout le monde soit convaincu, jusqu'à grimper à presque 900 cas pour 100.000 habitants. La décision de poursuivre le confinement a été plus simple, car nous voyons qu'il commence à être efficace. Nous sommes sur un plateau depuis deux semaines, nous sommes repassés sous la barre des 800 de taux d'incidence. Le R0, cet indicateur qui montre combien de personnes contamine un cas positif, laisse à penser que l'épidémie régresse lentement. Certes, le centre hospitalier de Mayotte reste sous pression, et tient grâce à l'augmentation des capacités en médecine et en réanimation. Nous avons reçu plus de 50 personnes avec la réserve sanitaire, au moins autant avec le service de santé des armées et 35 personnes avec l'ESCRIM (Élément de sécurité civile rapide d'intervention médicalisée, NDLR). Nous sommes sur le fil depuis des semaines, mais nous avons évité la saturation. Nous tenons de cette manière et il est hors de question de relâcher le confinement tant que nous n'arriverons pas à sevrer les patients sous respirateur.

Les évacuations sanitaires vers la Réunion ont joué pour éviter la saturation complète du seul hôpital de l'île. Alors que l'île Bourbon fait elle aussi face à une recrudescence de l'épidémie, où en est la décision d'évacuer des patients vers Paris ?

C'est une décision très difficile à prendre. Une évacuation sanitaire n'a rien d'anodin, cela requiert un effort très long pour le personnel comme le patient manipulé. Le corps humain n'aime pas les variations de pression. Pour l'instant, nos patients supportent le voyage, mais cela demande une mise en condition fine. Mais personne n'a jamais fait une évacuation sanitaire pour un patient ventilé aussi longue que celle vers Paris. La décision n'est pas encore prise mais nous nous orientons, en lien avec les ministères de la Santé, de l'Intérieur, les préfets de zone, et le Samu de Paris, vers des "evasan" perlées, avec en priorité des patients non-Covid. Etant donné que le pic épidémique est intervenu plus tôt à Mayotte, nous pouvons aussi espérer ne plus avoir besoin d'envoyer de personnes vers La Réunion... voire de leur rendre la pareille !