Mayotte : que prévoit l’opération "Shikandra", pour la lutte contre l’immigration clandestine ?

Annick Girardin lors de sa visite à Mayotte, le 26 août 2019.
En visite à Mayotte lundi et mardi, la ministre des Outre-mer a présenté l’opération "Shikandra", pour le renforcement et l’approfondissement de la lutte contre l’immigration clandestine dans le département ultramarin.
« On pourra être 24h/24 en mer, sur des opérations de surveillance et intercepter les kwassa-kwassa qui voudraient arriver sur les côtes de Mayotte » a expliqué la ministre des Outre-mer au micro de La 1ère.

Arrivée lundi 26 août pour une visite de deux jours dans l’archipel mahorais, Annick Girardin y a présenté le Plan de renforcement et d’approfondissement de la lutte contre l’immigration clandestine (PRALIC), autrement appelé « opération Shikandra ». Cette « approche globale, civilo-militaire » visant à « relever durablement le défi migratoire à Mayotte », prévoit la protection des frontières, la réaffirmation de la présence à terre, l’approfondissement du travail judiciaire et la coopération internationale. L’objectif visé par la ministre : atteindre 25 000 reconduites d’ici la fin de l’année 2019 (contre 15.000 en 2018).

Frontières maritimes

La première étape de l’opération Shikandra implique, selon Annick Girardin, une augmentation des effectifs embarqués en mer. « Pour que cette action en mer, au-delà de la coordination, soit à haut niveau, il fallait renforcer encore nos équipes », explique-t-elle, annonçant 22 personnels supplémentaires : 12 fonctionnaires de plus pour la brigade nautique de la Police aux frontières (PAF), et 10 militaires pour la brigade de gendarmerie.

Les nouveaux effectifs devant logiquement pouvoir compter sur de nouveaux moyens logistiques, l’opération prévoit également « des intercepteurs en plus grand nombre ». Actuellement au nombre de cinq, ceux-ci devront passer à huit d’ici janvier 2020, dont quatre neufs, et quatre rénovés. Leur action sera par ailleurs renforcée par la création d’une unité littorale des affaires maritimes (dédiée au contrôle des pêches et à la lutte contre l’immigration clandestine) et par une surveillance aérienne accrue permettant la détection des embarcations illégales, le guidage des intercepteurs, mais aussi la judiciarisation des passeurs d’immigrés clandestins.
 

Présence à terre

À terre, 35 fonctionnaires supplémentaires de la PAF, dédiés à la lutte contre l’immigration clandestine, et 26 gendarmes départementaux, dédiés à la sécurité publique, seront déployés sur le territoire. Shikandra prévoit également la « présence accrue des légionnaires, intégrée au dispositif global de la LIC pour des missions d’observation, d’information et d’appui aux interpellations conduites par les forces de sécurité intérieure. »
Des mesures préventives qui seront ensuite renforcées par l’approfondissement du travail judiciaire.
 

Renforcement de la chaîne judiciaire

Une cellule de lutte contre le travail illégal sera mise en place, mobilisant ainsi la PAF, la gendarmerie, l’inspection du travail, le GELIC (groupe d’enquête et de lutte contre l’immigration clandestine) et le CODAF (comité opérationnel départemental anti-fraude) afin d’accroître la pression sur l’ensemble de l’archipel. Depuis le début de l’année 2019, ce sont 152 employeurs d’étrangers sans titre judiciarisés qui ont été recensés par le ministère
L’opération évoque aussi une stratégie renouvelée de lutte contre l’habitat illégal grâce à la création d’une cellule interministérielle, mais aussi contre les impacts environnementaux de l’immigration clandestine avec l’action de la mission interservice de l’eau et de la nature.

La lutte anti-fraude fera l’objet d’une attention particulière et la cellule dédiée à ces questions au sein de la préfecture sera renforcée par une expert de la PAF spécialisé dans la fraude documentaire.
Habitat illégal, attestations frauduleuses de résidence, marchands de sommeil et coopération entre polices municipales et forces de l’ordre seront au cœur d’un travail partenarial avec les collectivités. Le greffe du TGI de Mamoudzou sera, lui, renforcé de sept effectifs supplémentaires, permettant un renforcement complet de la chaîne judiciaire.
 
Le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, à bord d'un bateau intercepteur permettant aux gendarmes de contrôler l'immigration clandestine des Comores à Mayotte, le 15 avril 2019.
 

Coopération avec les Comores

Dernier volet de Shikandra, la poursuite et le renforcement de la coopération internationale représentent l’objectif-clé de ce programme visant à lutter contre l’immigration clandestine. Celui sans quoi les mesures mises en place en amont ne pourraient se révéler totalement efficaces.

Le plan présenté par la ministre des Outre-mer prévoit en effet une coopération étroite avec les Comores, d’où arrivent la majorité des immigrés clandestins. Coopération de sécurité, mais aussi économique et sanitaire.
Une collaboration par laquelle la France s’engage à accompagner le gouvernement comorien dans la lutte contre les filières d’immigration irrégulière, la traite des êtres humains et la sauvegarde des vies en mer.
En dépit du refus de plusieurs figures politiques comoriennes, qui y voient « une forfaiture, un bradage » pour « céder Mayotte » à la France, l'accord de partenariat signé le 22 juillet dernier, prévoyant une aide de développement économique et sanitaire de 150 millions d’euros sur trois ans, doit également être mis en place.

L’Agence française de développement (AFD) et l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) auront un rôle de premier plan dans l'exécution de ce plan. La première pour lutter le plus en amont possible contre l’immigration irrégulière en provenance d’Afrique continentale, d’Asie et du Moyen-Orient ; le second afin de gérer l’éloignement vers les pays d’origine pour limiter l’ancrage des demandeurs d’asile à Mayotte. Un plan de traitement rapide des demandes d’asile sera également mis en place afin de renforcer l’activité de l’OFPRA.

Du 1er janvier au 15 août 2019, ce sont 17 736 reconductions qui ont été effectuées, soit 150% d’interpellations en plus entre 2018 et 2019. La ministre vise les 25 000 reconduites à la fin 2019. En 2018, année marquée par un fort mouvement social contre l'insécurité et l'immigration clandestine, qui avait paralysé l'île pendant plusieurs semaines au premier semestre, le nombre de reconduites à la frontière s'était établi à 15.000.