"On avance à pas de fourmis, c'est encore minime là-bas", décrit Séverine Massol. Martiniquaise d'origine, Séverine Massol vit aujourd'hui en région parisienne, dans le Val-d'Oise. À 46 ans, elle se dit être "guérie" et raconte librement son passé compliqué avec celui qu'elle appelle son "bourreau". "La maltraitance a duré 30 ans, je l'avais connu au collège. Pour moi, ce n'était pas de la violence, je voyais ça comme des disputes. J'ai eu le déclic lorsqu'il m'a frappée alors que je tenais notre enfant dans mes bras, c'est à ce moment-là où je me suis réveillée."
#MeToo, sujet tabou
La Martiniquaise a aujourd'hui tourné la page, et reconnaît qu'il lui a fallu "du mental" pour s'extirper de cette situation. Il y a cinq ans, lors de l'explosion du hashtag "MeToo" sur le réseau social Twitter, Séverine Massol se reconnaît directement dans les histoires des femmes qui témoignent : "Je me suis dit, ça y est, les langues se délient. Il y a enfin un espace pour en parler librement", explique-t-elle. Mais aux Antilles, la déferlante #MeToo peine à monter.
C'est un sujet tabou là-bas. Ça se règle sous la table, on se tait et on subit.
Séverine Massol, ancienne victime de violences conjugales
L'ancienne victime de violences conjugales considère que souvent, les femmes antillaises ont peur de l'après, une fois la dénonciation faite. "On a peur de la famille, peur des représailles. Et puis, tout le monde se connaît, on est sur des îles."
Encore très peu de solutions
L'Outre-mer détient un triste record en matière de violences conjugales. Une femme antillaise est susceptible de subir en moyenne quatre fois plus de violences qu'une femme vivant dans l'Hexagone. Elles sont aussi huit fois plus sujettes aux violences sexuelles.
Des solutions existent, comme la plateforme téléphonique du 3919, plateforme nationale d'urgence en cas de violences intra-conjugales. Des plateformes au niveau locales sont aussi mises à disposition. Le gouvernement a aussi créé des centres de prise en charge des auteurs de violence conjugale (CPCA), qui sont déployés aux Antilles-Guyane, à La Réunion et à Mayotte. "C'est quelque chose de bien pour une personne qui a conscience de son comportement et qui a envie de guérir", précise Séverine. "J'émets tout de même des doutes, souvent les récidives sont fortes, mais pour les personnes qui reconnaissent être malades, c'est une lueur d'espoir."
Pour la Martiniquaise, l'une des solutions serait de permettre aux femmes victimes de s'expatrier vers l'Hexagone, pour mettre de la distance géographique avec leur agresseur et permettre l'anonymat. Séverine Massol pense aussi que des logements devraient être mis à disposition "tout de suite", après avoir signalé l'individu à la police. "Il existe déjà des foyers aux Antilles, mais il y en a très peu."
Ne pas se taire
Cinq ans après le mouvement #MeToo, une sorte d'omerta subsiste encore, selon Séverine Massol.
Il y a encore beaucoup de femmes qui n'osent pas parler et qui préfèrent se taire. Elles n'ont parfois pas les bonnes personnes à qui s'adresser, alors je leur dis aujourd'hui qu'il y a une issue. On peut s'en sortir !
Séverine Massol, ancienne victime de violences conjugales
Révéler au grand jour les violences de son "bourreau", la Martiniquaise avoue que ce n'est que le début d'un long cheminement : "Après l'avoir quitté, il faut se reconstruire, se retrouver et rapprendre à se connaître. J'ai mis cinq ans à atteindre ce stade. Cela passe par s'entourer de bonnes personnes, celles qui redonnent confiance en soi."
Aujourd'hui, l'ex-victime de violences conjugales est fière d'avoir acquis une "confiance absolue". La Martiniquaise a monté sa propre entreprise dans la décoration événementielle et est épanouie. "Je profite de tout ce qu'on peut m'offrir, et pour ne pas vous mentir, je suis même gourmande et j'en veux plus !", dit-elle un sourire dans la voix.
♦ Séverine Massol témoigne de son parcours dans un magazine radio, réalisé par Tiziana Marone, intitulé "Femmes battues d'Outre-mer".