Après deux mois d'une attente inédite sous la Vᵉ République, Michel Barnier vient d'être nommé Premier ministre ce 5 septembre par le président de la République. Ce dernier l'a chargé de "constituer un gouvernement de rassemblement au service du pays et des Français".
Au-delà de la question pure de la composition du gouvernement, avec oui ou non un ministre des Outre-mer de plein exercice, se pose celle des problématiques ultramarines à gérer.
Michel Barnier a déjà une certaine expérience en la matière puisqu'à travers les quatre ministères par lesquels il est passé entre 1993 et 2009, il est intervenu en 1996 en tant que ministre délégué aux affaires européennes sur la reprise du dialogue avec les pays du Forum du Pacifique Sud et sur l'engagement de la France à signer le traité d'interdiction complète des essais nucléaires en Polynésie.
Nos essais sont maintenant définitivement terminés depuis huit mois. Nous avons fermé notre centre d’expérimentation. Nous avons agi avec la détermination promise pour la conclusion du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires. Nous avons été les premiers à demander que cette interdiction soit totale et s’appuie sur l’option zéro.
Michel Barnier, en 1996
Contre l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie
Dans ces déclarations de 1996, Michel Barnier parlait déjà de l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. "La nature du lien entre la Nouvelle-Calédonie et l’ensemble français, l’accroissement de la responsabilité locale, les moyens d’assurer à la Nouvelle-Calédonie un développement économique et social équilibré sont les principaux sujets discutés."
À l'époque, le statut du Caillou était fixé par les accords de Matignon en attendant l'organisation d'un référendum d'autodétermination en 1998, qui arrivera finalement bien plus tard.
25 ans après, dans une tribune intitulée L'Outre-mer, ce cœur battant de la France et publiée dans le cadre des primaires des Républicains pour l'élection présidentielle de 2022, le discours de Michel Barnier est beaucoup plus clair. "Sans détour ni faux semblant, j’apporte mon plein soutien à ceux qui voteront pour que la Nouvelle-Calédonie reste française", écrit-il, quelques semaines avant le 3e et dernier référendum sur l'indépendance prévu par l'accord de Nouméa.
Le fonds Barnier
Dans cette même tribune visible ci-dessous, il enchaîne certains lieux communs : "mosaïque de populations", "second espace maritime au monde", "atout majeur pour notre pays"...
Mais il rappelle aussi qu'il connaît les réalités dans les Outre-mer : "Comme ministre, en particulier de l’agriculture de l’alimentation et de la pêche, mais aussi comme commissaire européen en charge de la politique régionale, je m’y suis très souvent rendu pour défendre des dossiers très concrets et veiller à ce que ces territoires soient bien pris en compte dans le cadre des politiques des régions ultrapériphériques de l’Union européenne."
En 2007 et 2008, Michel Barnier s'était en effet déplacé trois fois en Guadeloupe et une fois en Martinique en tant que ministre de l'Agriculture et de la Pêche. En septembre 2007, il avait ainsi rencontré les pêcheurs guadeloupéens du Gosier après le passage du cyclone Dean.
À l'époque, il avait déjà donné son nom au fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit fonds Barnier, créé lorsqu'il était ministre de l'Environnement. Un fonds qui a pris en compte depuis les spécificités des Outre-mer comme les risques sismiques aux Antilles.
Pour la suppression du droit du sol à Mayotte
Le nouveau Premier ministre a également eu l'occasion de se rendre dans l'océan Indien, à Mayotte et à La Réunion pour défendre sa candidature à la primaire des Républicains avant la présidentielle de 2022.
Lors de son passage dans le 101e département français, il s'était exprimé pour la suppression du droit du sol, comme le montre ce reportage de Mayotte la 1ère.
"Je suis très frappé qu'on attende la fin du quinquennat pour annoncer un projet de loi pour Mayotte, on aurait dû le faire au tout début du quinquennat parce que les problèmes étaient déjà là !, s'exclamait-il à l'époque. Ce sont des problèmes d'immigration que plus personne ne contrôle, il va falloir marquer un coup d'arrêt, de mon point de vue supprimer le droit du sol ici de manière particulière à travers un vote d'une réforme constitutionnelle."
Un ministère des Outre-mer de plein exercice ?
Enfin, dans ce reportage tout comme dans cette tribune fin 2021, Michel Barnier tient des propos sur la politique à mener dans les territoires ultramarins. "L’Outre-mer mérite une attention, une prise en compte dans toutes les politiques nationales, un traitement interministériel attentif et de tous les instants jusqu’au plus haut sommet de l’État, écrivait-il. La France de l’Outre-mer doit être considérée et respectée. C’est à cela que je m’engage."
Il évoquait même un ministère des Outre-mer non plus dépendant de l'Intérieur mais de Matignon, s'il était élu à la primaire LR puis à la présidentielle de 2022.
Dans le nouveau gouvernement que nous mettrons en place après l'élection présidentielle, je ne veux pas que l'Outre-mer soit un petit chapitre à la fin des programmes, je veux que ce soit une réalité pour tous les ministres et dans toutes les actions publiques, il y aura un ministre chargé de l'Outre-mer qui aura la confiance directe du Premier ministre et qui sera placé auprès de lui.
Michel BarnierSur Mayotte la 1ère
Si le nouveau chef du gouvernement est confirmé à son poste par les parlementaires, va-t-il effectivement s'engager à apporter "une attention de tous les instants aux Outre-mer" et à nommer "un ministre chargé de l'Outre-mer qui aura [sa] confiance directe" ? Réponse à venir.