Michel Barnier nommé Premier ministre : tour des réactions des politiques ultramarins

Michel Barnier lors d'un meeting du parti Les Républicains en vue des élections présidentielles de 2022, le 9 novembre 2021.
Deux mois après des élections législatives anticipées qui ont vu la victoire du Nouveau Front populaire, le président de la République a nommé Michel Barnier Premier ministre. Une décision qui fait vivement réagir les femmes et hommes politiques des Outre-mer.

Au 51e jour d'une crise politique sans précédent, le nouveau nom du Premier ministre est enfin tombé : Michel Barnier. À 73 ans, cet habitué de la politique connaît bien les arcanes du pouvoir.

Ancien ministre de l'Environnement (1993 – 1995), des Affaires européennes (1995 – 1997), des Affaires étrangères (2004 – 2005), et de l’Agriculture et de la Pêche (2007 – 2009), Michel Barnier a également été Commissaire européen chargé de la Politique régionale (1999 – 2004), vice-président de la Commission européenne (2010 – 2014) et enfin négociateur en chef pour l’Union européenne du Brexit en 2019 – 2020.

C'est aussi et surtout une figure des Républicains, groupe politique qui ne compte que 47 députés dans la nouvelle Assemblée nationale. Tour d'horizon des réactions.

"La démocratie en danger"

Pour Karine Lebon, députée réunionnaise du Nouveau Front Populaire – coalition qui était arrivée en tête du scrutin et compte 193 députés -, il s'agit d'un "coup de force" de la part du chef de l'État. "En rejetant les résultats des urnes et en nommant Michel Barnier, il persiste dans le tournant autoritaire et fasciste de sa politique et s’isole définitivement des Français", écrit-elle sur X (ex-Twitter).

Même réaction scandalisée de la part du Réunionnais Younous Omarjee, député européen LFI et vice-président du Parlement Européen, sur X : "Aujourd’hui, en France, la démocratie est en danger. Le pouvoir exécutif français entre dans une crise de légitimité sans précédent."

Le socialiste réunionnais Philippe Naillet ajoute par ailleurs que Michel Barnier "n'a pas participé au front républicain" lors des législatives anticipées.

Ce dernier avait en effet appelé les Républicains, au soir du premier tour, à faire "barrage à la fois à LFI et au RN", mettant sur le même plan les deux formations politiques. 

En attente de la feuille de route

Moins virulent que ces homologues de gauche, Stéphane Lenormand, parlementaire de Saint-Pierre et Miquelon et président du groupe LIOT (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires), estime que l'ancien négociateur du Brexit "coche les cases". "Mais nous serons vigilants sur la politique générale, avertit-il. On n'acceptera pas au groupe LIOT que Michel Barnier reproduise la même politique qu'a conduite Emmanuel Macron."

Le 1er vice-président du même groupe, le Guadeloupéen Max Mathiasin, parle lui aussi de vigilance et même de scepticisme dans son communiqué diffusé sur Facebook : "Michel Barnier sera-t-il capable d’incarner la politique de rupture attendue par les Français ?, questionne-t-il. Nous avons des raisons d’être sceptique. Nous attendons donc avec impatience sa feuille de route." 

Du côté du Rassemblement national (RN), pas de censure de principe non plus comme l'explique le député réunionnais Joseph Rivière en direct sur Réunion La 1ère : "Nous allons attendre effectivement la feuille de route et sa politique générale et nous verrons au cas par cas : quand ce sera bon, ce sera bon, quand ce ne sera pas bon, ce ne sera pas bon."

Pour le politologue guadeloupéen Georges Calixte, le parti d'extrême droite devrait en tout cas être le grand gagnant de cette nouvelle donne politique : "Il [le RN] ne votera le budget qu'à condition qu'un certain nombre de ses propositions soit intégré dans le futur budget. Deuxième gain du Rassemblement national, c'est que c'est lui l'arbitre."

"Un homme qui fait consensus"

À l'inverse, les forces de la droite et du centre sont plutôt satisfaites de ce choix de Michel Barnier à la tête du gouvernement. Le sénateur territorial LR de Guyane, Stéphane Augustin, voit cette nomination comme "un apaisement après toutes les difficultés qu'a connues notre gouvernement". La sénatrice de Saint-Martin Annick Pétrus estime quant à elle que le nouveau Premier ministre a été choisi pour ses "qualités d'homme qui fait consensus".

La sénatrice de Saint-Barthélemy Micheline Jacques partage cette vision : "J’ai toute confiance dans sa capacité à co-construire avec les parlementaires une politique guidée par l’intérêt supérieur de nos territoires."

Stéphane Fouassin, sénateur de La Réunion et soutien d'Emmanuel Macron, salue sur Réunion La 1ère "la présence d'un homme de la ruralité [...], un véritable politique mais aussi quelqu'un qui n'est pas dans le parisianisme".

Le sénateur attend surtout de savoir "quel sera le ministre de l'Outre-mer pour les années à venir". Une question que se pose aussi la députée polynésienne LIOT Nicole Sanquer : "On voit que ce sera un gouvernement de coalition. Et pour nous, ce qui est important, c'est de savoir qui occupera le poste de ministre des Outre-mer pour enfin commencer à travailler sur les dossiers polynésiens."

La vice-présidente du gouvernement polynésien, Chantal Minarii Galenon, est optimiste au regard des 50 ans de carrière politique de Michel Barnier : "Avec l'âge, il a acquis une certaine sagesse et je compte sur cette sagesse. Et ce matin, en écoutant son premier discours, ce qui m'a interpellée, c'est qu'il a parlé du respect des pays d'Outre-mer. Et je trouve que ça, c'est une bonne chose, surtout que c'est son premier discours."

Pour la suppression du droit du sol à Mayotte

À Mayotte, les réactions sont diverses, mais plusieurs élus semblent également satisfaits de cette nomination car le nouveau Premier ministre s'était prononcé pour la suppression du droit du sol sur l'archipel.

"C'est un homme engagé pour l'Outre-mer, en 2022 lors des primaires des LR, il s'était engagé à soutenir Mayotte dans le cadre de la suppression du droit du sol, c'est quelqu'un d'expérience", a ainsi déclaré Madi Madi Souf, maire de Pamandzi et président de l'association des maires de Mayotte. La députée LIOT Estelle Youssouffa se dit quant à elle "impatiente de travailler" avec Michel Barnier "sur la loi Mayotte et l'abolition du droit du sol".

Certains élus locaux espèrent du nouveau chef du gouvernement qu'il agisse, à l'instar de Serge Letchimy, le président du Conseil exécutif de la Martinique. "J'attends beaucoup de lui et de son gouvernement. Très rapidement, on lui fera savoir nos revendications de fond, pour rentrer soit dans un dialogue [...] soit dans une négociation [...] et sinon dans un affrontement de revendications."

Parmi les revendications, il pense certainement à l'évolution institutionnelle des Outre-mer, tout comme Louis Mussington, le président de la collectivité de Saint-Martin : "Ce qui me préoccupe le plus, c'est comment gérer les Outre-mer et surtout par rapport aux choix politiques, c'est-à-dire l'évolution institutionnelle de chaque territoire."

Une reprise en main du dossier calédonien

L'évolution institutionnelle, c'est ce qui se joue actuellement en Nouvelle-Calédonie, traversée par une crise depuis le 13 mai dernier et au bord de l'effondrement économique. Avec Michel Barnier à la tête de l'exécutif, les loyalistes saluent un bon choix, à l'instar de l'ancienne secrétaire d'État chargée de la Citoyenneté sous le gouvernement Borne Sonia Backès. Elle indique sur X être "très heureuse de la nomination de Michel Barnier à Matignon". ""La France doit réaffirmer son attachement à la Nouvelle-Calédonie, territoire français du Pacifique Sud" disait-il en 2021 ! C’est le moment…"

Le nouveau Premier ministre avait en effet affirmé lors du 3e et dernier référendum qu'il apportait son "plein soutien à ceux qui voteront pour que la Nouvelle-Calédonie reste française".

À l'inverse, les indépendantistes du FLNKS jugent par la voix de sa porte-parole qu'il y a un "déni de démocratie" de la part d'Emmanuel Macron qui a choisi un homme de droite alors que c'est la gauche qui a remporté les législatives anticipées. Surtout, ils tiennent à "rappeler à ce Premier ministre que la Nouvelle-Calédonie est dans un processus de décolonisation irréversible et donc qu'il faut se projeter vers une indépendance pleine et entière du pays".

La crise en Nouvelle-Calédonie tout comme la mobilisation contre la vie chère seront quelques-uns des dossiers ultramarins que devra traiter en priorité le nouveau Premier ministre, s'il n'est pas rejeté par une motion de censure de l'Assemblée nationale.