Minute Santé. Quand la mort subite foudroie les sportifs

Le 12 juin 2021, en plein match de foot de l'Euro, le Danois Christian Eriksen s'effondre : il est victime d'un arrêt cardiaque. Ses coéquipiers l'entourent pendant les secours tentent de le sauver, ce qu'ils parviendront à faire.
Selon le centre d'expertise mort subite (CEMS), plus de 40.000 personnes sont victimes d'une mort subite chaque année en France, parmi lesquels un millier pendant une activité physique. Le sport est pourtant unanimement reconnu comme bon pour la santé. Comment expliquer ce paradoxe ?

La mort subite ne touche pas que les nourrissons. Même les athlètes de haut niveau, comme les footballeurs professionnels qui participent actuellement à l'Euro-2024, peuvent être victimes d'un décès brutal. C'est d'ailleurs lors de l'Euro précédent que Christian Eriksen, un joueur danois, s'est effondré brutalement sur la pelouse.

Victime d'un arrêt cardiaque, il est resté sans vie quelques minutes avant d'être sauvé par les secours. Mais tous n'ont pas eu cette chance : le Franco-Camerounais Marc-Vivien Foé, décédé à 28 ans lors de la Coupe des confédérations 2003 ; le Hongrois Miklós Fehér, mort en 2004 à 24 ans lors d'un match du championnat portugais ; l'Espagnol Antonio Puerta, décédé en 2007 à l'âge de 22 ans à l'issue d'une rencontre de Liga.

Comment est-ce possible que ces jeunes athlètes professionnels puissent disparaître ainsi brutalement, alors que le sport pratiqué de façon régulière est préconisé pour diminuer les risques de maladies cardiovasculaires ? C'est ce qu'on tente de vous résumer dans cette Minute Santé.

Profil type : un homme amateur

Premier point : la mort subite ne concerne qu'un millier de sportifs sur les 40.000 personnes touchées chaque année en France, selon le centre d'expertise mort subite (CEMS). "La pratique d'une activité sportive régulière est unanimement recommandée, pour ses bénéfices cardiovasculaires en particulier", rappelle la Société française de cardiologie.

Mais l'exercice physique peut exceptionnellement entraîner des complications, surtout "lorsqu'il est important et brutal chez un sujet peu entraîné" : il déclenche alors un trouble du rythme cardiaque, puis le cœur s'arrête brutalement. Sans prise en charge immédiate par les secours, c'est la mort subite.

Cela arrive à des gens qui ont des maladies sous-jacentes à cause de leur mauvaise hygiène de vie, par exemple les artères bouchées parce qu'ils mangent mal. Mais cela peut être dû aussi à des malformations génétiques du cœur.

Dans 95 % des situations, la mort subite concerne des hommes : les femmes ne représentent que 5 % de l'ensemble des cas, selon la Société française de cardiologie.

La proportion est la même entre le sportif du dimanche ou amateur (95 % des cas de mort subite) et celle de l'athlète de haut niveau (pas plus de 5 %). Il y a en effet une différence entre l'athlète de haut niveau, habitué aux exercices intenses à répétition, et le sportif du dimanche qui réalise un effort physique sans préparation et qui est plus à même d'être victime d'une mort subite. 

Le frère Thuram

Mais les athlètes professionnels sont médiatisés, d'autant plus qu'ils sont connus, même s'il n'y a pas d'accident fatal. On sait ainsi que Lilian Thuram a arrêté sa carrière à l'été 2008 quand une anomalie avait été détectée lors de la visite médicale avant la signature de son contrat avec le PSG.

Si les examens approfondis ont montré qu'il n'avait pas exactement la maladie génétique de sa mère – une hypertrophie cardiaque – le Guadeloupéen avait reconnu que son cœur restait "épais" et qu'il préférait ne pas prendre de risques au vu des antécédents dans sa famille.

L'un des frères du champion du monde, Antonio, est en effet décédé au milieu des années 90 d'un arrêt cardiaque pendant un match de basket, à cause de cette malformation cardiaque non décelée. Toute la famille avait alors subi des examens dont les résultats s'étaient avérés à l'époque négatifs pour le footballeur.

Cette détection, près de 15 ans après, d'un cœur "épais" avait fait réagir, car les sportifs de haut niveau sont censés être surveillés de près d'un point de vue médical. Interrogé alors que les résultats définitifs de Lilian Thuram n'étaient pas encore connus, le médecin du club parisien avait précisé que l'hypertrophie du cœur était une maladie "évolutive" et, qui plus est, assez dure à détecter.

20 maladies "silencieuses"

Un autre médecin du sport, Jean-Claude Chatard, spécialisé en cardiologie, évoquait en effet des maladies "silencieuses", lors de son interview sur France Culture en 2021, juste après l'arrêt cardiaque du footballeur danois.

"Dans la mort subite du sportif, il y a 20 maladies qui sont à peu près toutes génétiques. Ces 20 maladies sont très souvent silencieuses, résumait-il. Il y en a beaucoup qu’on peut découvrir avec un électrocardiogramme, au repos ou à l’exercice, ou lorsqu'on interroge les gens, c'est-à-dire qu'il y a des symptômes qui sont très importants : quand vous faites un malaise pendant l'exercice, quand vous avez une douleur thoracique, quand vous faites des contre-performances..."

Ces "signes d'appel" doivent conduire toute personne à se faire examiner rapidement, car ils sont une chance de détecter la maladie. Parfois, le premier symptôme est malheureusement l'arrêt cardiaque pur et simple. 

Si certaines maladies se soignent, la plupart ne sont pas totalement curables, mais l'on peut parfaitement vivre avec, à condition de ne pas faire d'exercices intenses. Pour les athlètes de haut niveau, cela est souvent synonyme de la fin de leur carrière professionnelle.

Vaty décède 10 ans après la détection

Mais les risques persistent, comme le montre le cas du basketteur Ludovic Vaty. Évoluant en Pro A (première division du championnat français) et sélectionné à neuf reprises en équipe de France, le Guadeloupéen doit arrêter le basket en 2013, quand les médecins découvrent qu’il souffre d’une cardiomyopathie – une malformation qui empêche le muscle du cœur de pomper efficacement le sang.

Il est ensuite autorisé à rejouer mais en amateur et de manière très encadrée : un match par week-end avec un temps de jeu maximum de 25 minutes, et pas plus de trois entraînements par semaine.

Malgré toutes ces précautions, c'est lors d'un entraînement qu'il est victime d'un malaise cardiaque, fin août 2023. Placé dans le coma, il est finalement décédé le 1er septembre 2023, à 34 ans.

Comment réagir en cas d'arrêt cardiaque ?

Si vous êtes témoin d'un arrêt cardiaque, "il faut agir vite, souligne la Fédération française de cardiologie. Au-delà de 5 minutes d’arrêt du cœur, si on ne fait rien, les lésions cérébrales commencent à être irréversibles, puis la situation s’aggrave ensuite jusqu’au décès." Sur sa page consacrée à la mort subite du sportif, elle rappelle les trois gestes qui sauvent :

  • Appeler le 15

Le SAMU vous posera des questions sur l'état de la victime et l'adresse pour pouvoir envoyer des secours au plus vite. Si nécessaire ou si rien n'a été fait, il vous guidera pour réaliser l'étape 2.

  • Faire un massage cardiaque

Allongez la victime sur le dos sur une surface dure.

Mettez-vous sur le côté de la victime, vos genoux contre elle.

Positionnez vos mains l’une sur l’autre, un peu en-dessous du milieu du thorax, les bras bien tendus.

Enfoncez les mains de 5 à 6 cm dans la poitrine et relâchez complétement le thorax entre chaque compression. Vous devez appuyer de tout votre corps, pas uniquement les mains et les bras.

Effectuez les pressions sur le rythme de la chanson Staying alive des Bee Gees (si, si). Même si vous avez l’impression de mal effectuer le geste, continuez. Un massage imprécis vaut mieux que pas de massage cardiaque du tout.

  • Utiliser un défibrillateur

Pendant le massage cardiaque, un autre témoin a pu avoir le temps d'aller chercher un défibrillateur automatisé externe (DAE), cette boîte souvent marqué d'un logo vert et blanc avec un cœur traversé d'un éclair. Il suffit d'ouvrir l'appareil, vous entendrez alors des instructions vocales qui vous guideront sans risque.

Pour savoir s'il y a un DAE autour de vous, deux solutions : installer l'application Staying Alive ou scanner ce QR code.

    QR code à scanner pour accéder à la cartographie nationale des défibrillateurs.