Calédoniens ailleurs : spécial référendum, ils témoignent

Calédoniens ailleurs : spécial référendum, ils témoignent
« Calédoniens ailleurs » fête son 3e anniversaire. Une date d’autant plus importante qu’elle coïncide avec le jour du référendum. Plusieurs anciens participants ont accepté de témoigner. Comment appréhendent-ils ce scrutin ? Quelle vie veulent-ils construire pour leur Caillou ?

 
Vous les avez découvert, il y a un, deux voire trois ans. Que deviennent ces « Calédoniens ailleurs » ? Certains sont rentrés en Nouvelle-Calédonie, d’autres continuent de tracer leur route de par le monde. Tous restent très attachés à leur Caillou et en ce jour de vote, ils prennent la parole. Comment imaginent-ils l’après-référendum ? Abordent-ils ce scrutin avec sérénité ou au contraire avec inquiétude ? Quelques-uns de ces « Calédoniens ailleurs » ont accepté de répondre.

A la question « Comment appréhendez-vous la tenue du référendum ? », nos « Calédoniens ailleurs » restent assez mitigés. « Je suis serein et je pense que les gens ont mûri (enfin j’espère) et savent que quoiqu’il arrive, nous devons vivre ensemble car nous partageons le ‘même navire’ », confie Daniel Maviet, photographe installé en Nouvelle-Zélande. « Je suis plutôt serein car c’est une consultation importante qui est prévue depuis un long moment dans l’esprit des Calédoniens et dont l’issue (en tout cas pour la première consultation) est assez claire. Quoi qu’il en soit, j’espère que le choix du scrutin sera respecté par tous », déclare le réalisateur Jérôme Roumagne qui d’ailleurs a pour projet le scénario d’un long-métrage baptisé « Destins Croisés » évoquant le référendum. Installé à Toulon, le couple formé par Joëlle et Nazaire a un avis différent sur la question. « Nous sommes tous les deux pour l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie dans un destin commun. Cependant, nous sommes positionnés différemment. Nazaire est confiant quant à l’avenir du pays si le ‘oui’ l’emporte cette année. Quant à moi, mon avis est mitigé, je pense que nous ne sommes pas suffisamment prêts pour l’indépendance », témoignent les amoureux, tous deux originaires de l’Ile des Pins.
 
Jérôme, Arthur, Daniel et Joram sont plutôt sereins quant à la tenue du référendum

« Je suis un peu inquiète tout de même, surtout avec les violences et les dégâts des derniers mois. Crainte que si les résultats ne plaisent pas à certaines personnes, les dégâts risquent de continuer ou s’intensifier », confie Ingrid Govan, manager dans les assurances, installée à Munich. « J’admets que le référendum nous fait un peu peur. On ne peut que penser aux événements de 84 et espérer de tout notre cœur que cela ne se reproduise plus jamais. Je souhaite que peut importe l’issue, tout se passe dans le calme et le respect », indique Jean-Philip Flotat, chef de quart au Panama. « Je suis assez serein, à la fois pour le référendum comme pour le devenir de mon pays. Je m’en remets au choix électoral des Calédoniens qui décideront de ce qu’il y a de mieux pour la Nouvelle-Calédonie. Si je devais être inquiet, c’est de revivre encore après le scrutin les Événements de 1984. Inquiet que le choix de la majorité ne soit pas respecté et qu’une minorité puisse utiliser la manière forte (la violence) pour se faire entendre et imposer sa vision des choses », résume Kevin Saihu, étudiant en théologie qui souhaite devenir aumônier en milieu hospitalier.
 

« J’admets que le référendum nous fait un peu peur. On ne peut que penser aux événements de 84 et espérer de tout notre cœur que cela ne se reproduise plus jamais. Je souhaite que peut importe l’issue, tout se passe dans le calme et le respect » »- Jean-Philip Flotat, chef de quart au Panama



Peu importe le résultat du vote, beaucoup souhaitent revenir vivre sur le Caillou. « La Nouvelle-Calédonie restera toujours ma terre natale donc je reviendrai qu’importe la décision de la population », déclare Romain Barachet, instructeur de vol installé dans l’Arctique. « Probablement. Pour le moment, il n’y a que là où je me sente vraiment chez moi », commente Jean-Philip Flotat originaire de Koumac. « Je continue à perfectionner des compétences utiles au développement de mon petit pays de l’autre bout du monde afin de pouvoir le moment venu y contribuer. Je prévois un retour à moyen terme. Au-delà du fait de participer aux mutations qui devront se faire sur le Territoire, c’est également l’envie de retrouver un cadre de vie simple, humain et finalement assez loin de l’effervescence parisienne », témoigne Arthur Letourneulx, ancien étudiant en géopolitique qui fait désormais parti de l’équipe de la députée de Polynésie française, Maina Sage. « Cela dépend, si on perd la nationalité française et si on devient indépendant avec une perte de taux de change, l’inflation, la fin des importations,… », soulève Joram Rivaton, développeur web installé en Bulgarie.

Tous souhaitent s’investir différemment pour leur pays. Le développement économique du Territoire est certes important pour certains mais d’autres veulent veiller à la préservation de leur culture. « Mon objectif est de partager mes racines, mes traditions à mon fils car il n'a vécu qu'en France. Je veux qu'il voit le vrai visage, les couleurs d'un pays en développement mais où l'on peut palier les coutumes et la société, chose que nous ne voyons pas en France, sans être méchante », indique Marie-Noëlle Bome, secrétaire médicale revenue en Nouvelle-Calédonie il y a trois mois. « Lorsque nous reviendrons nous installer en Nouvelle-Calédonie, dans un premier temps, nous souhaitons retrouver nos vies au sein de nos clans respectifs, et assumer nos responsabilités coutumières, dans un second temps mettre à profits nos expériences respectives », indiquent Joëlle et Nazaire, respectivement consultante Qualité Affaires Réglementaires chez Efor et instructeur-plongeur dans la Marine.
 

« Lorsque nous reviendrons nous installer en Nouvelle-Calédonie, dans un premier temps, nous souhaitons retrouver nos vies au sein de nos clans respectifs, et assumer nos responsabilités coutumières, dans un second temps mettre à profits nos expériences respectives » - Joëlle et Nazaire, originaires de l'Ile des Pins, installés à Toulon


« Aujourd'hui la Calédonie a énormément de secteur où elle peut se développer, je pense qu'une fois le vote passé, nous pourrons tous nos concentrer sur ce que l'on souhaite pour notre île. Nous sommes de plus en plus a partir avec l'intention de rapporter du savoir- faire chez nous. Quand je rentrerais c'est vraiment ce que je souhaite, pouvoir partager ce que j'ai eu la chance de découvrir ailleurs », commente Jean-Philip Flotat. « Je voudrais une vie où je pourrais contribuer avec mon expérience personnelle au développement des jeunes Calédoniens qui ne savent pas quelle voie prendre. Du coaching, du conseil ou de la formation serait une expérience intéressante », avance Ingrid Govan, Calédonienne d’origine vietnamienne. 

Marie-Noëlle, Joëlle et Nazaire veulent s’investir pour la préservation de la culture kanak


Tourisme, environnement, agriculture, entreprises, hydrocarbures, les champs des possibles sont nombreux pour nos « Calédoniens ailleurs ». « Un gros effort sur le tourisme est à faire, de luxe principalement vu les prix locaux. Un fort accent à mettre sur la culture locale, ce qui est déjà en route. Et surtout favoriser la production locale », estime Joram Rivaton qui est en train de monter une start-up de création de jeux éducatifs sur le Caillou. «Il y a plusieurs domaines dans lesquels la Nouvelle-Calédonie doit se développer. Le premier qui me vient en tête c'est le tourisme. Cette île a un potentiel gigantesque unique au monde qu'on utilise peu et dont on parle trop peu. Je pense justement que le développement de l'audiovisuel calédonien peut être un vecteur du développement culturel et touristique du caillou », témoigne le cinéaste Jérôme Roumagne qui souhaite monter sa boite de production en Nouvelle-Calédonie dans quelques années. « La Nouvelle-Calédonie doit avoir deux priorités : une politique verte comme organiser l’après nickel, protéger et préserver nos eaux, développer un tourisme vert et responsable et la valorisation de la culture kanak qui est indispensable pour vivre dans la paix. Il faudrait prendre l’exemple de la Nouvelle-Zélande très avancée sur ce sujet », juge Daniel Maviet.

« La Nouvelle-Calédonie doit avoir deux priorités : une politique verte et a valorisation de la culture kanak » - Daniel Maviet, photographe installé en Nouvelle-Zélande


« Le pays doit trouver une voie, une spécialité, un domaine particulier où il y a une niche et en faire un atout. À mon avis, si l'on veut développer le pays, il va falloir, nous Calédoniens, que l'on développe notre sens entrepreneurial mais aussi que l'on s'ouvre plus au monde et que l'on observe les besoins et les difficultés des autres pays et d'en tirer une solution. La Nouvelle-Calédonie reste encore trop centrée sur elle-même et l'on prend beaucoup de choses pour acquis », indique Ingrid Govan. « La Nouvelle-Calédonie est un pays béni par Dieu et elle est bénéficiaire de nombreuses ressources naturelles dont certaines ne sont pas exploitées. Dans son sous-sol marin, elle possède des richesses en minerais d’hydrocarbures (pétrole, gaz naturel,…) le domaine de la pêche et celui du tourisme vert ne sont pas assez diversifiés et les énergies renouvelables peu développées (courants marins, vents, soleil,…) », rapporte Kevin Saihu.

Des avis de « Calédoniens ailleurs » qui semblent partagés par un grand nombre de nos compatriotes…

par ambre@lefeivre.com