Passe d'armes à l'Assemblée nationale autour du dossier calédonien

L'hémicycle de l'Assemblée nationale à Paris (image d'illustration).
Depuis plus d'une semaine, de violentes émeutes enflamment la Nouvelle-Calédonie. Ravitaillement, composition de la mission annoncée par Emmanuel Macron, reconstruction économique... La crise a occupé une grande partie des débats mardi 21 mai.

La situation en Nouvelle-Calédonie, en proie à des émeutes depuis une semaine, a occupé une grande partie des débats des questions au gouvernement de ce mardi 21 mai. La séance de l'Assemblée nationale s’est ouverte par un hommage rendu à "ceux qui ont perdu la vie et en solidarité avec leurs familles", alors que les violences de ces derniers jours ont fait six morts, dont deux gendarmes, et une centaine de blessés. "Tous les groupes politiques se joignent à moi pour appeler à l’apaisement et pour œuvrer au retour du dialogue et de la paix", a déclaré la présidente de l’Assemblée nationale, appelant à une minute de silence, bref moment de concorde avant des passes d’armes plus politiques.

Tour à tour, le Premier ministre, Gabriel Attal, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, et la ministre déléguée aux Outre-mer, Marie Guévenoux, sont montés à la tribune pour défendre les positions du gouvernement face à la crise. Par moments, les ministres ont dû hausser la voix pour couvrir le brouhaha qui montait des bancs des oppositions pendant qu’ils saluaient le travail des forces de l’ordre ou regrettaient le ton "polémique" employé par certains députés.

Espoir d'un "accord global"

Évoquant "des violences au goût amer" qui portent "le souvenir des déchirements qui ont endeuillé le Caillou il y a 40 ans", Gabriel Attal a salué "l’esprit de responsabilité qui parcourt l’ensemble des forces politiques calédoniennes", rappelant que "les élus, indépendantistes comme non-indépendantistes, ont unanimement appelé au retour au calme".

Les premières victimes de ces violences sont les Calédoniens. Je veux dire mon soutien aux proches de ces personnes qui ont perdu la vie. Je ne me résoudrai jamais à ce que des jeunes, parce que certains étaient très jeunes, perdent la vie dans une telle spirale de violence.

Gabriel Attal, Premier ministre.

Le Premier ministre est revenu sur la visite d'Emmanuel Macron en Nouvelle-Calédonie, annoncée en début de journée par l'Élysée. "Le président de la République s’y rend pour renouer le fil du dialogue, avec des personnalités qui l’accompagneront et qui permettront de mettre autour de la table des acteurs locaux pour avancer vers cet accord politique que nous appelons tous de nos vœux", a développé Gabriel Attal.

L’avenir de la Nouvelle-Calédonie passe évidemment par des évolutions institutionnelles qui font suite aux référendums qui se sont tenus, mais il passe aussi par un travail beaucoup plus global et par le dessin d’un chemin du pardon et d’un chemin d’avenir pour permettre à la Nouvelle-Calédonie de vivre en paix à l’avenir. C’est cela qui nous mobilise.

Gabriel Attal, Premier ministre.

La France insoumise propose des noms pour la "mission" annoncée par l'Élysée

Un discours loin de convaincre sur les bancs de l’opposition. Danièle Obono, députée La France insoumise, est revenu sur la décision gouvernementale d’avoir fait voter le projet de loi de réforme constitutionnelle qui doit dégeler le corps électoral calédonien par les députés et les sénateurs avant d’être parvenu à un accord politique entre indépendantistes et non-indépendantistes.  

L’élue a dénoncé "un passage en force" aux "conséquences dramatiques", soulignant "la responsabilité politique immense" du gouvernement. "Tout ceci était prévisible", a-t-elle jugé, sévère, accusant le gouvernement d’avoir remis en cause "la paix civile et le processus de décolonisation en œuvre depuis 35 ans". 

Demandant à nouveau le retrait du texte, ou, a minima, le report du Congrès qui doit l’entériner, la députée a proposé les noms de quatre présidents d'exécutifs ultramarins pour composer la "mission" que doit installer Emmanuel Macron sur le territoire, mais dont on ne sait pour l’instant rien. Ce week-end, la présidente de la région Réunion, Huguette Bello, le président de la région Martinique, Serge Letchimy, le président du département de Guadeloupe, Guy Losbar et celui de l’Assemblée de Guyane, Gabriel Serville ont signé une tribune demandant le retrait du projet de loi gouvernemental qui a mis le feu aux poudres. "Ces personnalités sont toutes désignées pour composer cette mission, qui doit être transpartisane", estime Danielle Obono.

Pont aérien et reconstruction économique

Au-delà des enjeux sécuritaires et politiques, les débats ont aussi porté sur la question de l'approvisionnement du territoire et de la reconstruction économique. "Nous travaillons d’ores et déjà à la reconstruction" avec le ministère de l’Économie, a assuré le Premier ministre, alors que 400 entreprises et commerces ont été détruits ou endommagés depuis le début des émeutes. Gabriel Attal se dit mobilisé pour "assurer la continuité de la vie quotidienne des Calédoniens". Une cellule interministérielle de crise a été montée et un pont aérien doit permettre de régler le problème de l’acheminement des produits alimentaires et sanitaires sur place.

L'enjeu du ravitaillement inquiète aussi dans un autre territoire du Pacifique, à Wallis et Futuna. "Le territoire connait déjà en temps normal de grandes difficultés d’approvisionnement. Depuis une semaine, la situation en Nouvelle-Calédonie nous isole du reste du monde et de la métropole (…). Nous avons des réserves, mais nous arrivons au bout", s’est inquiété le député du territoire, Mikaele Seo, qualifiant les Wallisiens et les Futuniens de "victimes collatérales du conflit". "L’archipel reste ravitaillé en produits alimentaires, matériaux et carburant depuis Fidji. Ce ravitaillement n’est pas menacé", a assuré la ministre déléguée aux Outre-mer, Marie Guévenoux, avant de promettre l’arrivée de produits de soins "avant la fin de la semaine".

Emmanuel Macron et plusieurs ministres sont attendus jeudi en Nouvelle-Calédonie. La visite présidentielle doit durer une journée.