Après avoir fait beaucoup de scène en Nouvelle-Calédonie, développé le slam, Paul Wamo est parti plusieurs années dans l’Hexagone avant de poser ses valises depuis cinq ans en Polynésie.
Meurtri par la crise politique et sociale qui paralyse et endeuille la Nouvelle-Calédonie, Paul Wamo écrit sur les réseaux sociaux ce qu’il ressent. "J’ai bien plus de facilités à écrire ou à m’exprimer sur scène qu’à répondre à des questions de journaliste", nous dit-il. Mais le poète a pris le temps de nous dire son malaise, mais aussi son envie de croire à un meilleur futur pour le Caillou dans notre troisième épisode.
1 Slam de Marc Levin
Paul Wamo est né à Lifou en 1981, la plus grande des îles Loyauté. Il sait qu’il a appris à marcher sur l’île, mais ne garde aucun autre souvenir de sa petite enfance. Il fait partie d’un clan dont son père était le chef. En tant qu’aîné, le titre lui revient, même si, installé à Tahiti, son petit-frère gère l’intérim.
Paul Wamo est arrivé très jeune à Nouméa, "Aemoun" comme il dit souvent en verlan ou encore la "petite capitale". À la maison, ses parents lui parlent en drehu, la langue de Lifou. Il comprend, mais répond en français. Son père enseigne, sa mère travaille dans un supermarché. Paul Wamo aime aller à l’école retrouver les copains, mais il a bien du mal à s’exprimer librement. Il est complexé, en surpoids, très timide et introverti. À la maison, il s’évade en regardant la télé et se souvient avec bonheur du club Dorothée et de ses dessins animés. Rien de honteux pour lui, au contraire. "Je suis un enfant de la télé" dit-il. Le club Dorothée et ses dessins animés ont contribué à développer son imaginaire.
Peu à peu, au lycée, il comprend qu’il a "des cailloux dans la tête", un gros malaise qui l’empêche de se sentir bien dans sa peau. Il commence à écrire. Deux professeurs lui donnent le goût de la littérature. Par hasard, il tombe sur un film américain qui lui ouvre des horizons insoupçonnés. Il s’agit de Slam, réalisé par Marc Levin avec Saul Williams, sorti en 1998. Un détenu survit en prison grâce à sa pratique du slam. Paul Wamo n’avait jamais entendu parler de cette manière de pratiquer la poésie. Il a très envie de s’y mettre lui aussi.
2 Le pleurnicheur
Il rencontre ensuite à l’Université le professeur Jacques Vernaudon qui contribue à sa formation de poète. Il fait ensuite la connaissance de Frédéric Olhen, un poète, romancier bien connu en Nouvelle-Calédonie et fondateur des éditions L’herbier de feu. Il propose à Paul Wamo de publier en 2006 son premier recueil de poésie intitulé Le pleurnicheur. "Le pleurnicheur, c’est moi", avoue l’auteur. À la suite de ce recueil, dont il nous scande un texte dans #MaParole, Paul Wamo ose monter sur scène.
Dans le monde kanak, dans la coutume, on prend souvent la parole au nom du groupe, mais mettre en avant ses propres réflexions et émotions, ce n’est pas courant. La démarche de Paul Wamo est pourtant comprise et appréciée. "Enfin un kanak qui ose l’ouvrir et dire ce qu’il pense du pays", entend-il. Dans sa famille, il sait qu’un grand-oncle avait le don de scander la généalogie et il s’en est inspiré dans l’un de ses spectacles.
En parallèle à l’écriture, Paul Wamo poursuit son cursus à l’Université dans l’étude des langues kanak. Le poète comprend le drehu, la langue de Lifou, mais ne la parle pas. Il peut aussi l’enseigner de manière théorique. Il choisit cette voie d’enseignant pendant quelques années, mais se sent un poil imposteur. Alors dès qu’il le peut, il quitte son travail pourtant bien payé pour une vie d’artiste bien plus risquée.
Il fait la rencontre d’une figure importante de la littérature, la culture et la politique calédonienne. Il s’agit de Dewey Gorodey décédée le 14 aout 2022, auteure en 2005 de L’Epave, un roman fondateur de la littérature kanak qui dénonçait les abus sexuels et les violences faites aux femmes. Il se souvient d’un jour en particulier lors d’un vol entre Nouméa et l’Australie. Il avait envie de tout abandonner et a confié ses doutes à Dewey Gorodey qui lui a simplement répondu : "Fais ce que tu sais le mieux faire".
Paul Wamo a suivi le conseil et persisté dans le slam et la poésie. En 2011, il embarque dans son aventure, la troupe de danseurs du Wetr (de Lifou). En 2013, il participe à sa manière avec son spectacle EkoooO à la grande exposition sur l’art kanak au musée du quai Branly. Avec EkoooO, une performance solo, il met en pratique la célèbre phrase de Jean-Marie Tjibaou lors de l'exposition Mélanésia 2000 en 1975 : "Si on ne se montre pas, on pense qu’on n’existe pas".
Cette exposition : Kanak, l’art est une parole a été proposé par Emmanuel Kasarhérou, actuel directeur du musée du quai Branly et l’un des premiers invités de #MaParole en décembre 2020.
3 La colère du 13 mai
En 2015, Paul Wamo s’installe dans l’Hexagone. Il vit un peu en Bretagne puis à Paris et Marseille jusqu’en 2019. Dans l’hexagone, il découvre Frantz Fanon, ce psychiatre martiniquais, l’auteur de Peau noire, masques blancs publié en 1952 qui a épousé la cause de l’indépendance de l’Algérie.
Un documentaire intitulé Paul Wamo, je demande la parole sort en 2018, réalisé par Julien Faustino dans lequel on redécouvre l’histoire de la Nouvelle-Calédonie depuis la prise de possession en 1853 à travers ses spectacles et quelques scènes de slam à Lifou ou Nouméa.
En 2019, lors d’un salon du livre à Tahiti, Paul Wamo décide de s’installer en Polynésie. Il traverse une dépression et passe le confinement là-bas. Depuis cinq ans, il vit à Tahiti où il dirige des ateliers d’écriture avec des enfants, mais aussi des détenus en prison.
Sélectionné pour participer à un concours de poésie organisé par l’académie des jeux floraux, une institution à Toulouse crée il y a plus de 700 ans par trois troubadours, il participe à la finale en avril 2024.
Depuis des semaines maintenant, la Nouvelle-Calédonie, vit une crise sociale et politique sans précédent depuis ce que l’on a appelé "les événements" à la fin des années 1980 qui ressemblaient franchement à une guerre civile. Paul Wamo donne son avis avec beaucoup de pudeur et de prudence sur la situation dans #MaParole.
♦♦ Paul Wamo en 5 dates ♦♦♦
►9 novembre 1981
Naissance à Lifou
►2006
Le pleurnicheur, premier recueil de poèmes
►2008
Livre CD J’aime les mots
►2013
EkoooO, spectacle présenté au musée du quai Branly dans le cadre de l’exposition Kanak, l’art est une parole