On la surnomme la "Harvard noire". Fondée en 1867 à Washington à l'origine pour les esclaves affranchis, l'université Howard ou Howard University est présentée comme la plus prestigieuse école à former des Afro-américains jusqu'à la fin des lois ségrégationnistes dans les années 1960.
Aujourd'hui, elle fait partie de ce qu’on appelle les HBCU, les Universités Historiquement Noires. Elle accueille environ 12.000 étudiants chaque année, dont deux tiers de Noirs pour 1 % de Blancs selon Le Monde, et elle se targue de former le plus grand nombre d’élèves afro-américains du pays.
Parmi les figures à y être passées : la première écrivaine afro-américaine à recevoir le prix Nobel de littérature Toni Morrison ; le premier juge noir-américain nommé à la Cour suprême Thurgood Marshall ; et bien sûr l'actuelle vice-présidente des États-Unis et candidate démocrate à la présidence américaine Kamala Harris.
Discours sur le colonialisme d'Aimé Césaire
Parmi ses professeures, Marilyn Séphocle. Cette Martiniquaise qui enseigne à la Howard University se rappelle le contenu du cours vu qu'elle sélectionnait ses auteurs préférés : "J'ai enseigné à Kamala Harris en 1986. Il s'agissait d'enseigner aux étudiants l'analyse critique à travers les textes de littérature. Parmi les textes de littérature que j'enseignais, il y avait par exemple Discours sur le colonialisme d'Aimé Césaire."
"Je ne sais pas si elle s'en souvient, sourit la professeure qui précise que cet enseignement était obligatoire. Ce n'était pas un cours spécifique sur Aimé Césaire mais où l'on abordait Aimé Césaire. C'est un cours où on essaye d'aiguiser un peu l'esprit critique des étudiants et on essaye aussi de leur donner un petit goût pour la littérature et un certain appétit pour ce qui relève de la société. Le cours s'intitulait Individual and Society."
Le chantre de la négritude a donc été cité lors la construction de l'esprit critique et citoyen de l'actuelle vice-présidente des États-Unis qui, cette même année, était diplômée en sciences politiques et en économie.
Une fierté pour les étudiants
Pour Kimathi, étudiant à l'université Howard qui discute avec Marilyn Séphocle dans les allées arborées du campus, suivre les traces d'une "potentielle présidente" des États-Unis est une fierté "parce que ça veut dire que tout le monde peut être président si on va à Howard".
L'enseignante martiniquaise espère, elle aussi, que son ancienne étudiante sera élue. Elle s'est d'ailleurs personnellement impliquée dans la campagne en publiant notamment des messages en créole où elle dit : "On sait quel genre de personne est Donald Trump donc il faut voter pour Kamala Harris."
"Nous faisons beaucoup de vidéos qui sont très ciblées vers chaque communauté, par exemple pour les Éthiopiens Américains, pour les Allemands Américains, pour les Américains d'origine française, d'origine haïtienne, d'origine caribéenne, explique Marilyn Séphocle. On se sent concerné parce que c'est un grand moment pour l'histoire des États-Unis, c'est un grand moment pour l'histoire de l'université Howard dont je fais partie depuis 39 ans."
Périmètre quadrillé
Un campus qui prend depuis quelques jours des airs de bunker. Pas de cours en présentiel, un périmètre quadrillé, des hautes grilles érigées, des agents de la Metropolitan Police qui barrent l'accès avec leur voiture… "C'est pour Kamala, pour qu'à son arrivée le campus soit entièrement sécurisé", explique l'un des policiers sur place.
Car la candidate démocrate a choisi son ancienne université comme QG de soirée électorale, ce mardi 5 novembre. "Non seulement elle tient à Howard University mais Howard University représente énormément pour elle, se réjouit la Martiniquaise. C'est la confirmation que Howard University joue, a joué et continue de jouer un rôle très important dans sa vie et donc c'était pour nous une grande fierté."
Cette école qui forme l'élite afro-américaine au sens large a déjà vu passer un président, celui du Guyana élu à l'issue du premier scrutin libre du pays. Surtout, Howard n'est située qu'à trois kilomètres de la Maison-Blanche. Tout un symbole.