Prison de Nouméa : l'État condamné car trop lent à améliorer les conditions de détention

Par manque de place, des matelas sont souvent posés directement sur le sol en béton des cellules.
"Le délai global d'exécution" des décisions de justice concernées "s'établit à 55 mois", bien loin des "brefs délais" réclamés par la justice, note le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie dans sa décision, rendue le 24 octobre. "Un tel retard est constitutif d'une illégalité fautive engageant la responsabilité de l'État."

Trois ans pour poser des moustiquaires, un an et demi pour changer des fenêtres... La justice, qui avait réclamé des mesures rapides face aux conditions de détention catastrophiques à la prison de Nouméa, a condamné l'État pour ses délais d'exécution particulièrement longs.

Le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie puis le Conseil d'État, saisis par l'Observatoire international des prisons (OIP), avaient demandé en 2020 au ministère de la Justice de mettre en œuvre en urgence un certain nombre de mesures "pour faire cesser les atteintes illégales aux droits fondamentaux des personnes détenues" à la prison surpeuplée du Camp-Est à Nouméa.

Face au retard pris par l'administration, l'OIP avait de nouveau saisi le tribunal en février dernier. Outre les délais pour la pose des moustiquaires ou des changements de fenêtres, l'OIP reprochait aussi à l'État le délai excessif pour exécuter les injonctions de la justice concernant la possibilité pour les détenus de laver leur linge, la mise aux normes des installations électriques, le remplacement des ventilateurs cassés, la prévention des remontées d'égouts dans les cours de promenade ou encore à la résorption de l'insalubrité des points d'eau et des sanitaires du quartier des mineurs.

"Violation grave des droits fondamentaux"

"Le délai global d'exécution" des décisions de justice concernées "s'établit à 55 mois", bien loin des "brefs délais" réclamés par la justice, note le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie dans sa décision, rendue le 24 octobre et consultée par l'AFP. "Un tel retard est constitutif d'une illégalité fautive engageant la responsabilité de l'État", estime le tribunal.

L'État a été condamné à verser 1.500 euros à l'OIP, au titre du préjudice moral résultant du retard dans l'exécution des décisions de justice, "en tant qu'il porte atteinte aux intérêts collectifs défendus par l'association". Sollicité, le ministère de la Justice n'a pas réagi dans l'immédiat.

Dès 2011 puis à nouveau en 2019, la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) avait signalé une "violation grave des droits fondamentaux" à la prison de Nouméa, qui affichait en septembre un taux de densité carcérale de 164 %.

Le précédent ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, avait confirmé après une visite en février qu'un nouvel établissement pénitentiaire serait construit en Nouvelle-Calédonie pour remédier à la surpopulation carcérale. "Ce que j'ai vu" n'est "pas digne", avait-il dit. "Il faut que nous y mettions un terme". Ces travaux ne devaient cependant pas commencer avant 2028, pour une livraison en 2032, avait-il précisé.