Prison: un rapport pour "briser le silence" sur les violences de surveillants sur les détenus

L'Observatoire international des prisons (OIP) publie un rapport sur les violences commises par les agents pénitentiaires sur les détenus. Ces deux dernières années, l'OIP affirme avoir reçu près de 200 appels ou courriers de détenus. 
 
"Opacité", "omerta", "impunité" sont les trois mots que retient le rapport de l'Observatoire international des prisons (OIP) pour dénoncer les violences commises sur les détenus. 
D'après l’OIP, le Défenseur des droits a traité en 2018 autour de 250 saisines mettant en cause des personnels de surveillants. Ces deux dernières années, l'OIP indique, de son côté, avoir reçu deux signalements par semaine en moyenne, qui précise-t-il, "ne sont que la partie émergée de l'iceberg."  

L'observatoire a enquêté durant douze mois pour "faire éclater au grand jour" ce système qui permet à ces violences de perdurer, quand bien même elles seraient le fait d'un petit nombre. Ce travail s'appuie sur une centaine d'entretiens, la plupart sous couvert d'anonymat avec des détenus, avocats, surveillants, directeurs de prison, magistrats... 
 

Le premier soir au QD, quand ils m’ont frappé, j’ai passé la nuit sans vêtements, sans sweat, rien. J’étais en caleçon sur le matelas, je n’avais ni drap ni couverture.


L'association déplore "le secret" qui entoure ces violences. Les auteurs "multiplient les stratégies pour que celles-ci soient tues". Les détenus, eux, préfèrent se taire "face aux risques de représailles ou de bouleversements dans le cadre de l'exécution de leur peine". L'esprit de corps entre surveillants favoriserait également cette "omerta""Les violences font très rarement l'objet d'enquêtes et encore plus de décisions de justice".

La parole d'un détenu sera toujours dévalorisée par rapport à la parole d'un surveillant.
Témoignage d'un magistrat cité par l'OIP 


L'OIP déplore "un système où des dysfonctionnements en série font qu’aucun des acteurs et institutions ne joue son rôle de garde-fou, où chacun s’en remet à l’autre pour rendre une justice qui, le plus souvent, ne vient pas. Un système enfin sur lequel repose une véritable chape de plomb."
    
Dans la trentaine d'affaires recensées par l'OIP qui ont abouti à une condamnation depuis dix ans, les surveillants ont en majorité écopé de peines de prison avec sursis. Pour plus de transparence, l'OIP demande, entre autres, la publication de données sur le nombre de poursuites et de condamnations de personnels pénitentiaires. Pour l'association, il faut par ailleurs permettre les saisines individuelles et confidentielles de l'inspection générale de la justice sur le modèle de l'IGPN, la police des polices. 
 

Violences dénoncées 

Le directeur de l'administration pénitentiaire, Stéphane Bredin, souligne de son côté que "l'essentiel des violences en détention concerne les violences entre détenus (environ 8.000 cas par an) et celles contre les personnels (environ 4.500 cas)". Il indique, par ailleurs, avoir récemment introduit "une formation spéciale au Code de déontologie" dans le cursus de l’École nationale d’administration pénitentiaire (ENAP). Niant toute impunité, il dit ne pas hésiter à dénoncer au parquet les violences présumées de ses agents, comme il l’a fait fin 2018 pour trois surveillants de la maison d’arrêt de Strasbourg.
   

Scandaleux

Dans un communiqué intitulé "Rapport OIP un torchon de plus... Abject", le syndicat UFAP UnSa Justice a indiqué que "notre organisme n'acceptera jamais que l'on crache ainsi au visage de celles et ceux qui, chaque jour, risquent leur vie pour protéger les citoyens des transgresseurs de la loi [...] C'est purement et simplement scandaleux et cela ne reflète pas la réalité !" Et le syndicat de conclure son communiqué en précisant: "nous n'accepterons jamais que d'aucun jette l'opprobe sur une profession intègre, indispensable au bon fonctionnement de la justice et par conséquent de notre démocratie." 

 

Au mois d'avril dernier, nous avons accompagné durant cinq jours les surveillants de la Maison d'arrêt de Bois-d'Arcy. Sans porter de jugements sur le rapport de l'OIP qui dénoncent les violences de surveillants sur les détenus, il nous a semblé intéressant de vous (re) proposer la lecture de notre article "5 jours avec les surveillants ultramarins de Bois d'Arcy". 

La Maison d'arrêt de Bois d'Arcy est l'un des plus grands centres pénitentiaires d'Ile-de-France. Près de 1000 personnes y sont incarcérées. Uniquement des hommes. Chaque jour, 300 surveillants, dont la moitié est originaire des Outre-mer, se relaient pour maintenir la sécurité de l'établissement. Qualifiés injustement de "porte-clés", soupçonnés de "martyriser" les détenus, nous avons pu constater que ces hommes et ces femmes jouent un rôle majeur dans l'accompagnement et la réinsertion des détenus.