[Reconfinés] Se faire des amis et draguer en temps de coronavirus : les étudiants ultramarins racontent

Couvre-feu, reconfinement, fermeture des bars… La crise sanitaire complique les interactions sociales et les étudiants sont les premiers à en pâtir. Comment rencontrer des personnes alors que les cours sont en visio ? Comment draguer avec un masque ? Des étudiants ultramarins témoignent.
J’hésitais beaucoup avant de partir de Guadeloupe. J’étais à deux doigts de rester”. Lorie, 18 ans, est arrivée fin août à Paris pour entamer sa première année de fac à la Sorbonne. “Mes parents étaient un peu réticents à mon départ par rapport au coronavirus, raconte-t-elle. Moi ça ne m’inquiétait pas plus que ça.

Ce qui préoccupait davantage la timide jeune femme, ce sont les liens sociaux. Se faire des amis. Et la crise sanitaire, avec son lot de masques, de couvre-feu et de cours à distance, n’a pas facilité la tâche aux étudiants de première année qui, comme elle, ont débarqué dans une ville et une université où ils ne connaissent personne ou presque.
 

Rencontres masquées

 

Quand on pense à l’université, on pense aux rencontres avec les gens, aux soirées d’intégration... Mais avec le coronavirus il y en a eu qu’une ou deux et j’ai préféré ne pas y aller pour limiter les risques. 


Les premières semaines de septembre, Lorie a pu les passer sur les bancs des amphithéâtres, une semaine sur deux, avant de passer totalement en cours en distanciel en octobre. L’occasion de faire la connaissance d’autres étudiants mais, mesures barrières obligent, tous masqués. “C’est bizarre de rencontrer pour la première fois des personnes avec un masque. On ne voit pas les expressions”, confie l’étudiante. 
 

Quand on s’est échangé nos comptes Instagram et Snapchat, on a enfin pu mettre les noms sur des visages, car on n’avait jamais vu nos têtes sans masque. J’avais l’impression de connaître le visage de certaines personnes et en fait pas du tout. C’est très bizarre.


Même sentiment chez les jeunes ultramarins qui sont étudiants dans l’Hexagone depuis quelques années déjà.

J’ai eu le temps d’avoir une bonne vie étudiante mais, c’est vrai que là, c’est la merde”, raconte Camille, 24 ans, étudiant en commerce à Montpellier. Très sociable, le Guadeloupéen “adore rencontrer de nouvelles personnes”. “Après le confinement, quand j’ai eu une semaine de vacances en Guadeloupe, j’ai tout donné, se remémore en souriant l’étudiant. Je n’ai pas dormi, je voulais voir mes potes.

Pendant le premier confinement, les étudiant ultramarins se sont retrouvés "massivement" isolés, à des milliers de kilomètres de leurs proches. "On a eu beaucoup de cris de détresse d'étudiants. Certains étaient déprimés et ont choisi de ne plus suivre leurs études dans l'Hexagone", rapporte Annecie Boyer, co-présidente de l'Union des Etudiants Réunionnais de l'Hexagone. Pour lutter contre cet isolement, l'association a mis en ligne une plateforme où jeunes ultramarins et membres de l'équipe peuvent échanger. Suite au reconfinement, elle est de nouveau active. 
 

Une période de construction

Pour Camille, la vingtaine est une période de construction mise à mal par la crise sanitaire : “C’est une période d’apprentissage, on change énormément. On devient plus mature. On se remet en question, on voit nos erreurs. Donc les liens sociaux sont ultra importants. Le coronavirus modifie ce processus. Et nous, on doit combler, sûrement avec les réseaux sociaux.” 

Paradoxalement, la crise sanitaire a aussi été l’occasion pour certains de resserrer des liens d’amitiés. 

Pendant le confinement, on ne se voyait pas avec nos amis. Donc on s’appelait beaucoup”, raconte Lorenza, 20 ans. “Il y a quand même des choses qui sont nées pendant le confinement qu’il n’y aurait pas eu sinon”, estime la Réunionnaise. Pour elle, les relations entre les jeunes ont simplement changé.
 

C’est une relation différente. Il y a un côté corporel quand on va dans les bars alors que là, quand on se retrouve dans les appartements des uns et des autres, ça va vraiment être beaucoup plus cérébral. On va beaucoup plus discuter.


Avec le coronavirus on limite les déplacements. Donc, avant le reconfinement, je ne voyais que mes amis proches. Mon cercle d’ami s’est renforcé, c’est un côté positif”, reconnaît Camille. 

Autre point positif pour l’étudiant guadeloupéen : la crise sanitaire l’a paradoxalement un peu aidé à draguer plus aisément. “Récemment je me suis révélé, explique-t-il en souriant. Le fait de ne plus voir personne, ça m’a un peu poussé à parler aux filles par messages”. 
 

Draguer en temps de covid

Mais comment se déroulent les rendez-vous galants en période de Covid-19 ? Et surtout, avec la fermeture des bars et le couvre-feu, où se déroulent-ils ? La situation s’est présentée à Camille fin octobre : “Je paniquais un peu en mode : “est-ce que je dois juste dîner chez elle ? Est-ce que je dois rester dormir si on dépasse 21h? Si on n’accroche pas, est-ce que ça ne va pas être la soirée la plus gênante de toute ma vie vu qu’on sera obligé d’être ensemble jusqu’à 6h?”” L’arrivée du reconfinement aura finalement réglé son dilemme. 

On rigole beaucoup de ça entre nous”, confirme l’une de ses amies, Ludmila, 21 ans. “On se demande si on doit faire des “petits-déjeuners dates” du coup”, raconte la Guadeloupéenne en riant. “Les rendez-vous sont devenus plus engageants.

Etudiante en Psychologie, elle a vu sa vie sociale “complètement chamboulée”. Avant le reconfinement, elle sortait beaucoup après les cours, prendre des verres avec ses amis pour “combler la solitude”. 

Alors, comme l’affirmait Emmanuel Macron le 14 octobre dernier, est-ce que c’est “dur d’avoir 20 ans en 2020” ? “C’est bien gentil de penser à nous mais lui il a une Brigitte à la maison”, rétorque Ludmila. 

On souffre oui mais on n’est pas à plaindre, estime de son côté Camille. On est jeune on ne peut pas sortir en boîte… Ouin ouin. Il y en a qui voulait ouvrir des restos par exemple et ça ne s’est pas fait. On est les derniers à plaindre. On souffre mais comme tout le monde”, conclut-il.