Report de la Route du Rhum : une "sage décision" saluée par les skippers ultramarins

Les Ocean Fifty dans le bassin Duguay-Trouin à Saint-Malo, le 5 novembre 2022, avant le départ de la Route du Rhum.
Le départ de la Route du Rhum est reporté à "mardi ou mercredi" en raison des conditions météo défavorables annoncées pour le dimanche 6 novembre. Une décision inédite mais bien comprise par les coureurs.

La direction de la Route du Rhum, OC Sport Pen Duick, a annoncé ce samedi 5 novembre le report du départ, initialement prévu dimanche à 13h02. Une décision inédite dans l'histoire de la course, prise en raison des conditions météorologiques très défavorables en Manche, où des creux de 7 mètres et des rafales jusqu'à plus de 50 nœuds sont attendus.

Ce gros bouleversement est relativement bien compris par les skippers, à l'instar des dix ultramarins engagés. "La Route du Rhum, ce n'est pas que les alizées au portant, où il fait beau, on a un accueil formidable, rappelle Thibaut Vauchel-Camus. Ça commence par sortir de la Manche en automne, affronter l'Atlantique et ses dépressions, il était plus sage qu'on reporte. Tout le monde veut aller en Guadeloupe, on les comprend, donc il faut se donner la chance qu'il y ait un maximum de personnes qui y aillent et profitent de la magie de cette arrivée-là." 

Une décision lourde mais sage

"C'est vrai que c'est pas facile pour l'organisation, au vu du village, des partenaires, des coureurs, ajoute Rodolphe Sepho. Ça fait quand même 138 projets à réorganiser aujourd'hui. C'est une décision lourde de conséquences, mais sage, parce que les conditions se précisaient comme vraiment techniques".

Ary Chalus, président de la région Guadeloupe, explique qu'à l'arrivée, "des dispositions" ont déjà été prises pour "accueillir les skippers". "Ce qui m'importe, c'est qu'il y ait un maximum de sécurité et ça passe avant le plaisir."

Ça aurait pu virer au drame. On est là pour vivre une belle fête, autant qu'elle reste comme ça jusqu'à la fin. On n'est pas là pour entacher l'histoire de la Route du Rhum.

Rodolphe Sepho

De son côté, le Réunionnais Victor Jost qui part pour sa première Route du Rhum, se dit "partagé" mais "rassuré" de "pouvoir partir dans des conditions un peu plus clémentes". "Je savais que ça pouvait arriver mais je m'étais fermé la porte mentalement à ça, j'avais vraiment pas envie d'y croire", raconte le skipper qui s'était préparé avec un coach à un départ difficile dimanche. 

L'année dernière à l'arrivée de la transat Jacques Vabre en Martinique, il y avait des conditions particulières avec des manifestations, là, départ de la Route du Rhum, conditions particulières... le maître mot du marin c'est s'adapter !

Victor Jost

"Je savais que ça ne passerait pas"

Un autre Guadeloupéen engagé dans la course, David Ducosson, dit aussi son soulagement. Lui-même avait déjà pris la décision "il y a presque 48h" de prendre le départ mais de faire demi-tour aussi sec pour "se mettre à l'abri" dans un port en laissant passer le mauvais temps, car "avec Trilogik Dys de Cœur, ça ne passerait pas." Il nous explique les conditions dans lesquelles les bateaux auraient dû naviguer s'ils étaient partis dimanche :

Les ports d'abris saturés

En cas de gros temps ou de difficultés, plusieurs ports de la côte bretonne ont des places pour permettre aux skippers de la Route du Rhum de s'abriter. Mais dès ce samedi matin, alors que les nouvelles de la météo s'assombrissaient de minute en minute, certains étaient déjà pris d'assaut. Vers 9h30, avant l'annonce de la décision, il n'y avait déjà plus d'accueil possible dans le port de Roscoff, et seulement quelques places disponibles dans le port de Saint-Quay-Portrieux, à quelques miles de la ligne de départ. 

"Il y avait le risque de se retrouver dans des ports saturés et de ne plus pouvoir s'abriter", explique Thibaut Vauchel-Camus. Comme d'autres skippers, il a en mémoire l'année 2002, où la casse fut particulièrement violente. Et même s'ils sont préparés aux conditions difficiles, "ce qui est prévu était quand même particulièrement violent".

"Ça casse le rythme"

Les coureurs de la 12e édition de la Route du Rhum disposent désormais d'au moins deux jours supplémentaires pour se reposer et se remettre à la préparation de leurs bateaux. "Ça casse un peu le rythme", admet, malgré le soulagement, le skipper de Solidaires en Peloton qui avait hâte de revenir sur son bateau pour prendre des repères et des sensations. "Mais on va faire sur terre comme on fait en mer, on va s'adapter."

"Individuellement, aucun marin n'aurait pris la mer avec des conditions comme ça", ajoute Damien Seguin, qui en appelle à la responsabilité collective. "Ça ne change pas grand chose, ça fait juste retomber la pression mais je pense que l'ensemble des bateaux sont prêts, nous on était prêts. On va juste partir un peu plus détendus."

Eux ont eu la chance d'avoir la nouvelle avant de sortir leurs bateaux, Ocean Fifty et Imoca, des bassins de Saint-Malo et donc, n'aura pas de manœuvre à refaire. Ce n'est pas le cas des Ultim, des Rhum Multi et Rhum Mono qui ont passé les écluses au compte-goutte depuis vendredi après-midi. David Ducosson fait partie de ceux qui venaient de sortir leur bateau, tôt ce matin, et reconnaît qu'il aurait aimé être au courant un peu plus tôt. "Ça aurait évité de se lever à 5h du matin et de dépenser beaucoup d'énergie pour faire la manœuvre inverse dans quelques heures." Il attend désormais des informations de l'organisation sur un possible retour dans les bassins. "Je pense que c'est ce qu'on va faire car c'est pas terrible de laisser le bateau à l'extérieur sur une bouée".