Restitution des restes humains : les députés votent une loi généraliste, mais repoussent la question des cas ultramarins

Des milliers de restes humains sont conservés au musée de l'Homme, à Paris.
L'Assemblée nationale a adopté mardi 12 décembre une loi pour faciliter la restitution des restes humains et sortir du cas par cas. Alors que le texte exclut toute demande venant des Outre-mer, le gouvernement lancera une mission parlementaire début 2024 pour imaginer une solution juridique appropriée.

Des crânes, des squelettes, des cheveux… Des milliers de restes humains dorment dans les collections des universités et des musées français. Nombre d'entre eux ont été récoltés dans un contexte colonial et, comme pour les objets culturels, il arrive que leurs pays d'origine demandent leur retour. 

Mais la procédure est particulièrement lourde et complexe. Jusqu'à présent, pour sortir un reste des collections publiques, il fallait voter une loi exceptionnelle. À ce jour, seules deux lois de restitutions ont été votées : l'une permettant le retour de la "Vénus Hottentote" à l'Afrique du Sud, l'autre restituant des têtes maories à la Nouvelle-Zélande. Mardi 12 décembre, les députés ont définitivement adopté une proposition de loi sur le sujet. Le texte simplifie le processus et permet de sortir du cas par cas.  

Une "occasion manquée" ?

En séance, plusieurs élus ont salué l'avancée que représente le texte, mais pointé l’absence de solution juridique pour les restes ultramarins, regrettant pour certains "une occasion manquée". Parce qu'elle conditionne les restitutions aux demandes provenant d'"un État", la loi exclut toute requête ultramarine, la France ne pouvant pas "rendre" des restes à elle-même.

Le gouvernement tiendra son engagement : d’ici un an –et je l’espère, même avant- nous aurons (…) identifié les modalités juridiques précises pour restituer les restes humains originaires des territoires ultramarins.

Rima Abdul-Malak, ministre de la Culture

"Si nous allons désormais pouvoir traiter les demandes des États étrangers, nous devons entendre les revendications de nos compatriotes d’Outre-mer. Nous devons trouver une solution juridique appropriée", a reconnu la ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, assurant que "le gouvernement lancera début 2024 une mission parlementaire" sur le sujet. La mission devra "consulter les autorités administratives, politiques et coutumières des Outre-mer" avant "d’identifier le véhicule législatif le plus approprié".

"Il est plus que temps qu’ils rentrent chez eux"

La loi donne par ailleurs un an au gouvernement pour remettre au Parlement un rapport sur le sujet. Mais Jean-Victor Castor, député GDR de Guyane, reste sceptique. "Dans nos pays, nous nous méfions des rapports, car, trop souvent, en ce qui nous concerne, ces rapports ne mènent à rien", a-t-il expliqué à la tribune de l’Assemblée. S’il a voté la loi, l'élu guyanais souligne que le texte n'est qu'"une première étape", citant l'exemple de 47 Kali'na -des Amérindiens de Guyane- exposés dans un zoo humain parisien en 1882 et 1892 et pour certains morts sur place. Les restes de six d'entre eux sont encore aujourd'hui conservés au musée de l'Homme.

"Il est plus que temps qu’ils rentrent chez eux", a estimé Jean-Victor Castor, soulignant le "travail formidable" de l’association Moliko Alet+po. Cette association, créée par Corinne Toka Devilliers, l'une des descendantes des Kali'na exposés à Paris à la fin du XIXe siècle, se bat pour le retour en Guyane des restes conservés au musée de l'Homme. Restes que Corinne Toka Devilliers a pu identifier en recoupant des témoignages et en épluchant des archives. Pour le député, ce minutieux travail d'identification dit en creux ce qu’il reste à faire. "Le travail d’identification est réalisé par une association alors qu’il relèverait plutôt des pouvoirs publics, regrette-t-il. Nous attendons un véritable travail d’inventaire pour les Kali'na et pour toutes les populations des territoires colonisés."

L'une des Kali'na exposée au Jardin d'Acclimatation en 1892.

La question de l'identification est au cœur du problème. La très grande majorité des restes humains conservés dans les collections françaises le sont de manière anonyme. Même les musées ne savent pas précisément ce que contiennent leurs réserves. Comment attendre des descendants qu'ils réclament les restes de leurs ancêtres s'ils ignorent qu'ils sont conservés dans un musée ou une université française ?

Face aux députés, la ministre de la Culture a promis des moyens -sans donner de chiffres précis-  pour permettre aux musées d'enquêter sur l'origine et le contenu de leurs collections. Un travail colossal quand on sait que rien qu'au musée de l'Homme, à Paris, environ 20 000 restes humains s'entassent.