La revue "Présence africaine" a 70 ans : elle a notamment publié Aimé Césaire, Léon-Gontran Damas et Joseph Zobel

En novembre 1947 naissait la revue Présence africaine, vitrine intellectuelle du monde noir en France. Deux ans plus tard la maison d’édition du même nom entamait ses travaux et publiait entre autres, Aimé Césaire, Léon-Gontran Damas, Joseph Zobel et Edouard Glissant. Rappel historique. 
La revue Présence africaine fête ce mois-ci ses soixante-dix ans en toute discrétion. Pourtant, cette publication, ainsi que la maison d’édition et la librairie du même nom, basées à Paris, furent et continuent d’être d’une importance vitale pour l’expression et la diffusion des cultures du monde noir.

Présence africaine a été fondée en novembre 1947 par le Sénégalais Alioune Diop (1910 – 1980), qui fut notamment sénateur sous la IVe République française. A l’époque, dans le Paris de l’après-guerre, Africains et Antillais s’éveillent aux idées du panafricanisme, influencés notamment par l’Afro-Américain W.E.B DuBois, le Jamaïcain Marcus Garvey, le Ghanéen Kwame Nkrumah et le Trinidadien George Padmore. Dans cette ébullition intellectuelle, Alioune Diop décide de faire entendre la voix de l’Afrique et des Antilles. Dans le texte de présentation du premier numéro de la revue, il explique sa démarche : publier des études africanistes sur la culture et la civilisation noire, et passer en revue les « œuvres d’art ou de pensée concernant le monde noir ». 

>>> Retrouvez ICI tous les numéros numérisés de la revue Présence africaine de 1947 à 2015

Textes théoriques, critiques et poétiques

La revue publie à la fois des textes théoriques et critiques de sciences humaines, des textes poétiques et des extraits d’ouvrages. Les premiers numéros rassemblent la fine fleur de l’intelligentsia française, dont les ethnologues et anthropologues Marcel Griaule, Georges Balandier, Théodore Monod et Michel Leiris, les écrivains Aimé Césaire, Léopold Sedar Senghor, Jean-Paul Sartre, André Gide et Albert Camus, ainsi que d’autres penseurs et critiques africains et malgaches. « En fédérant des intellectuels d'horizons très divers et à travers ses choix éditoriaux, Alioune Diop a constitué la bibliothèque d’une histoire politique, littéraire et scientifique plurielle des intellectuels d’Afrique et de sa diaspora », précisait l'introduction d'une exposition consacrée à Présence africaine au musée du Quai Branly à Paris.

En fédérant des intellectuels d'horizons très divers et à travers ses choix éditoriaux, Alioune Diop a constitué la bibliothèque d’une histoire politique, littéraire et scientifique plurielle des intellectuels d’Afrique et de sa diaspora


La portée théorique et symbolique de Présence africaine est capitale dans une période où la France coloniale est triomphante et où pullulent les clichés racistes et paternalistes sur les Noirs. Ces derniers s’emparent de la plume et de la parole et font entendre avec talent une autre voix. « Toutes les questions qui menèrent à la publication de ‘Présence Africaine’ appartiennent à l’histoire nationale, dans un mouvement qui permet d’appréhender en même temps l’histoire coloniale française, l’histoire de l’Afrique, et les différentes situations noires que ‘Présence Africaine’ a voulu interpréter. ‘Présence Africaine’ a accompagné toute une période de l’histoire coloniale en France, aux États-Unis, dans les Antilles, en Afrique », expliquait la commissaire de l’exposition du Quai Branly, Sarah Frioux-Salgas.

Librairie éponyme

En 1949, Alioune Diop crée les éditions Présence Africaine, et, en 1962, la librairie éponyme, qui existe toujours, rue des Ecoles dans le Ve arrondissement de Paris. ​En 1956 et 1959, à Paris puis à Rome, Présence africaine organise deux événements qui font date : les Congrès internationaux des écrivains et artistes noirs, qui rassemblent des intellectuels venus du monde entier. 

La maison d’édition va publier les textes fondateurs de la plupart des écrivains africains et antillais. Aimé Césaire y publie deux de ses principales pièces de théâtre : ‘La tragédie du roi Christophe’ en 1963 et ‘Une tempête’ d'après ‘La Tempête’ de Shakespeare en 1968. En 1955, le poète martiniquais avait également publié dans la revue ‘Discours sur le colonialisme’ et en 1956 la célèbre ‘Lettre à Maurice Thorez’. Le brûlot anti-impérialiste ‘Les Damnés de la terre’ de Frantz Fanon publié aux éditions Maspéro est quant à lui traduit en anglais chez Présence africaine en 1963.

Les recueils de poésie ‘Pigments’ et ‘Névralgie’ de l’un des co-fondateurs du mouvement de la négritude, le Guyanais Léon-Gontran Damas, seront aussi publiés par Présence africaine, de même que ‘La Rue cases-nègres’ du Martiniquais Joseph Zobel - brillamment porté au cinéma par la réalisatrice Euzhan Palcy - et ‘Le sang rivé’ d’Edouard Glissant (1961). Plus récemment, la maison d’édition a aussi ouvert ses portes à d’autres talents de la littérature antillaise comme la Martiniquaise Véronique Kanor avec son récit ‘Combien de solitudes…’

>>> Le site de Présence africaine