C'est une plongée dans l'enfer d'une jeunesse livrée à elle-même sur l'île de Mayotte: Tropique de la violence, le roman de Natacha Appanah (prix Roman France Televisions 2017) vient d’être adapté en BD par le dessinateur Gael Henry. Nous l’avons rencontré.
L’adaptation s’est faite avec l’accord de Natacha Appanah. Nous aurions souhaité avoir son ressenti mais l'auteure a préféré rester en retrait.
Voici le texto, pudique, qu’elle nous a laissé : "L’adaptation en roman graphique de Tropique de la violence s’est faite avec mon accord entier et total. L’objet final, comme toute adaptation, reste cependant l’œuvre de Gael Henry et c’est lui qui vous en parlera le mieux".
A charge donc pour Gael Henry et son éditeur, de nous parler de Tropique de la violence, la BD (éditions Sarbacane).
Dans cette fiction sont abordées, en creux, les questions d’immigration clandestine et la problématique qui en découle, celle des mineurs isolés. Des points noirs à Mayotte.
Dès que le projet lui est proposé, Gael est en effet séduit par le potentiel imaginaire du roman : "directement, je l’ai imaginé en bande dessinée", nous raconte-t-il. Il explique : "tout de suite, j’ai des images qui viennent en tête. Je sens que la BD peut apporter un plus, ou en tout cas une vision différente du roman... qui n'est pas une simple adaptation copiée-collée".
Pour l’illustrateur, la valeur ajoutée, c'est "toute l'intéraction autour du personnage principal, tout ce qui est un peu mystique, les fantômes, la présence de l’île, tous ces personnages qui flottent autour de lui, qui sont morts mais qui parlent quand même, qui interagissent."
Tropique de la violence lui avait été offert par une de ses filles, Marie, qui était partie à Mayotte pour son master sur l’habitat insalubre. A l’époque, l’éditeur était allé lui rendre visite et il avait été "à la fois séduit et saisi par cette île".
Pour l’adaptation, il pense à Gael : " je savais que cela pouvait l’intéresser parce qu’il y a une dimension politique forte dans ce roman". Frédéric Lavabre va alors proposer au dessinateur, dont il sait qu’il a l’habitude de voyager, de passer 15 jours à Mayotte.
"J’ai financé son voyage, explique Frédéric Lavabre, parce que cela me semblait impossible de réaliser cette adaptation depuis Paris, sans avoir mis le pied là-bas. Non pas pour le décor ou les cocotiers, mais pour rencontrer les gens et comprendre ce qui se dit dans le roman".
Effectivement, l’expérience est forte pour le dessinateur. Il découvre une île qui ne ressemble en rien à ce qu’il connaît. Pourtant, il a beaucoup voyagé: "Tu es en France mais en même temps, ce qui te rappelle que tu es en France, ce sont les institutions. Tu vois la poste, la police, mais il y a quand même une sorte de fossé entre les gens. Tu sens que ça ne se marie pas comme à d’autres endroits. "
Le paradoxe entre une île paradisiaque avec ses plages magnifiques, son lagon et "la misère que tu vois derrière". Sur place, le dessinateur tient une espèce de carnet de voyage, au gré de son périple : "Je faisais un croquis ou deux et après, je prenais des photos d’ambiance. Les dessins pour m’imprégner, les photos pour le repérage ".
Une étape nécessaire pour le jeune homme. Il raconte: "Déjà que j’ai l’impression de donner une vision de l’extérieur de Mayotte en y étant allé, alors si je n’y étais pas allé, je ne sais pas trop ce que j’aurais raconté… j’aurais été plus distant, peut-être que ça n’aurait pas été Mayotte, mais une île quelconque, qui n’a pas de nom, qui n’est pas en France".
Ici, le reportage de France Ô réalisé lors du passage de Gael Henry sur Paris:
Un reproche revient régulièrement : le roman refléterait une vision occidentale de l’île. Une vision sombre, sans contrepartie. " En gros, les Blancs ont aimé, pas les Mahorais ", conclut l'illustrateur.
Quitte même à aller plus loin dans la compréhension de son adaptation... Attention, spoiler! Gael Henry ose une interprétation: le héros, dès le départ, serait un mort en sursis. " Si on respecte ma logique narrative, finalement, Moïse meurt... Parce que je ne fais parler que les morts"
Voici le texto, pudique, qu’elle nous a laissé : "L’adaptation en roman graphique de Tropique de la violence s’est faite avec mon accord entier et total. L’objet final, comme toute adaptation, reste cependant l’œuvre de Gael Henry et c’est lui qui vous en parlera le mieux".
A charge donc pour Gael Henry et son éditeur, de nous parler de Tropique de la violence, la BD (éditions Sarbacane).
Mayotte côté sombre
L’histoire est celle de Moïse, enfant comorien aux yeux vairons, adopté à Mayotte. D’abord protégé, il se retrouve, à l'adolescence livré à lui-même. Il est alors enrôlé dans la bande de Bruce, à Gaza, quartier de débrouille et de délinquance.Dans cette fiction sont abordées, en creux, les questions d’immigration clandestine et la problématique qui en découle, celle des mineurs isolés. Des points noirs à Mayotte.
Plus qu'un "copié-collé" du roman
C'est une première pour le dessinateur de 30 ans: il n'a encore jamais réalisé d'adaptation. Il n'hésite pas à relever le défi.Dès que le projet lui est proposé, Gael est en effet séduit par le potentiel imaginaire du roman : "directement, je l’ai imaginé en bande dessinée", nous raconte-t-il. Il explique : "tout de suite, j’ai des images qui viennent en tête. Je sens que la BD peut apporter un plus, ou en tout cas une vision différente du roman... qui n'est pas une simple adaptation copiée-collée".
Pour l’illustrateur, la valeur ajoutée, c'est "toute l'intéraction autour du personnage principal, tout ce qui est un peu mystique, les fantômes, la présence de l’île, tous ces personnages qui flottent autour de lui, qui sont morts mais qui parlent quand même, qui interagissent."
Le coup de coeur d'un éditeur
A l’origine de cette adaptation, Frédéric Lavabre, directeur éditorial chez Sarbacane:D’abord, j’ai adoré l’écriture (…), j’ai adoré la façon dont le roman est construit et j’ai été intéressé par la façon dont il nous parle d’un monde mal connu, celui de Mayotte, un département hyper mal connu ou, par exemple, mal présenté par M. Macron quand il a parlé des kwassas kwassas. J’ai trouvé qu’il y avait matière à un roman graphique.
Tropique de la violence lui avait été offert par une de ses filles, Marie, qui était partie à Mayotte pour son master sur l’habitat insalubre. A l’époque, l’éditeur était allé lui rendre visite et il avait été "à la fois séduit et saisi par cette île".
Pour l’adaptation, il pense à Gael : " je savais que cela pouvait l’intéresser parce qu’il y a une dimension politique forte dans ce roman". Frédéric Lavabre va alors proposer au dessinateur, dont il sait qu’il a l’habitude de voyager, de passer 15 jours à Mayotte.
Première rencontre avec les Outremers
C'est à nouveau une première pour Gael: il ne s’était encore jamais rendu, ni dans un département, ni dans une collectivité d’Outre mer."J’ai financé son voyage, explique Frédéric Lavabre, parce que cela me semblait impossible de réaliser cette adaptation depuis Paris, sans avoir mis le pied là-bas. Non pas pour le décor ou les cocotiers, mais pour rencontrer les gens et comprendre ce qui se dit dans le roman".
Deux semaines à Mayotte
Pour mieux comprendre l’esprit du roman, Gael a donc passé deux semaines à Mayotte.Evidemment, il n’est resté que 15 jours, moi aussi, mais en tout cas, ça lui a permis quand même de saisir en creux un peu de la vérité de cette île,
-Frédéric Lavabre, directeur éditorial BD, éditions Sarbacane
Effectivement, l’expérience est forte pour le dessinateur. Il découvre une île qui ne ressemble en rien à ce qu’il connaît. Pourtant, il a beaucoup voyagé: "Tu es en France mais en même temps, ce qui te rappelle que tu es en France, ce sont les institutions. Tu vois la poste, la police, mais il y a quand même une sorte de fossé entre les gens. Tu sens que ça ne se marie pas comme à d’autres endroits. "
Le paradoxe entre une île paradisiaque avec ses plages magnifiques, son lagon et "la misère que tu vois derrière". Sur place, le dessinateur tient une espèce de carnet de voyage, au gré de son périple : "Je faisais un croquis ou deux et après, je prenais des photos d’ambiance. Les dessins pour m’imprégner, les photos pour le repérage ".
Une étape nécessaire pour le jeune homme. Il raconte: "Déjà que j’ai l’impression de donner une vision de l’extérieur de Mayotte en y étant allé, alors si je n’y étais pas allé, je ne sais pas trop ce que j’aurais raconté… j’aurais été plus distant, peut-être que ça n’aurait pas été Mayotte, mais une île quelconque, qui n’a pas de nom, qui n’est pas en France".
Ici, le reportage de France Ô réalisé lors du passage de Gael Henry sur Paris:
L’accueil du roman à Mayotte
Après avoir discuté par téléphone avec Natacha Appanah, Gael Henry découvre que Tropique de la violence n'a pas forcément été très bien accueilli à Mayotte à sa sortie. Ce qui l'interpelle. Sur place, il décide de passer du temps à parler avec les gens qui ont du mal avec le roman : il cherche à en savoir plus et à "comprendre pourquoi ils ne l’ont pas apprécié".Un reproche revient régulièrement : le roman refléterait une vision occidentale de l’île. Une vision sombre, sans contrepartie. " En gros, les Blancs ont aimé, pas les Mahorais ", conclut l'illustrateur.
Les fantômes de Moïse
Comment mettre en scène les esprits ? Choisir qui parle, qui ne parle pas... Gael Henry replonge dans ses souvenirs: " Au début, je collais au texte, et au moment où Marie ( la mère adoptive de Moïse, ndlr) meurt, je décide de faire parler les fantômes". A partir de là, ces "fantômes" vont traverser tout le roman graphique.Quitte même à aller plus loin dans la compréhension de son adaptation... Attention, spoiler! Gael Henry ose une interprétation: le héros, dès le départ, serait un mort en sursis. " Si on respecte ma logique narrative, finalement, Moïse meurt... Parce que je ne fais parler que les morts"