Selon un rapport parlementaire, l’illettrisme est trois fois plus important aux Antilles et à La Réunion que dans l'Hexagone

L'une des écoles de Schoelcher

La délégation aux Outre-mer de l’Assemblée nationale a publié un rapport d’information sur l’enseignement en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion. S'il note quelques améliorations, le rapport pointe surtout des dysfonctionnements.  

Bâtiments vétustes, problèmes de transports, manque de moyens, décrochage… La délégation aux Outre-mer de l’Assemblée nationale a publié un rapport d’information sur l’enseignement dans les Outre-mer. Le texte, qui se concentre sur La Réunion, la Martinique et la Guadeloupe, propose un état des lieux et propose des solutions pour remédier aux problèmes spécifiques à ces académies.

"Le premier défi est de parvenir à vaincre l’illettrisme", assure le député de La Réunion David Lorion, l’un des co-rapporteur. Un illettré est une personne qui, bien que scolarisée en France, ne maîtrise pas le français. L’illettrisme est largement sur-représenté en Outre-mer. Selon les dernières données disponibles, en 2019, 11,8% des jeunes de 16 à 26 ans rencontraient des difficultés dans le domaine de la lecture sur le territoire national. En Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion, ce taux atteint les 30 %. 

Pour tenter d’endiguer le phénomène, les députés proposent de s’appuyer sur la pratique des langues régionales, en particulier du créole.

Pour rappel à La Réunion, 30% des enfants ont le créole réunionnais comme langue maternelle à la maison. Ces langues peuvent être utilisées comme vecteur d‘apprentissage du français. Elles sont un atout contre l’illettrisme.

David Lorion, député de La Réunion.


A condition toutefois, selon les députés, que soit mis à disposition des enseignants, du matériel adapté, notamment des manuels bilingues.

Réussite scolaire en trompe l’œil

Les élèves de Martinique, de Guadeloupe et de La Réunion ont moins de jours de classe par an que les autres. Les causes sont multiples, comme le rappelle Cécile Rilhac, l’une des co-rapporteure, qui souligne "des absences liées aux conflits sociaux récurrents, aux évènements climatiques extrêmes, aux coupures d’eau ou des faits plus localisés, comme l’échouage des sargasses ou des opérations de dératisation."

Les taux de réussite au baccalauréat général et technologique de 2018 sont satisfaisants dans les académies étudiées. Ils se rapprochent de la moyenne nationale de 90 %, avec 89,4 % à La Réunion, 87,8 % en Guadeloupe et 83,4% en Martinique. Pourtant, ces bons résultats sont un trompe-l’œil : les décrocheurs quittent l’école avant le bac, et sortent donc des statistiques.

Néanmoins, si le décrochage scolaire reste un problème majeur, il diminue grâce à des dispositifs spécifiques, notamment d’aide aux devoirs. Le décrochage a chuté de 36% en Martinique et de 27% à La Réunion depuis 5 ans. En Guadeloupe, l’échec scolaire a baissé de 17 % entre 2017 et 2019.

Des conditions matérielles difficiles

Selon l’académie de Martinique, 64 % des élèves étudient dans un environnement vulnérable aux séismes. En Guadeloupe, seuls 35 % des écoles, 34 % des collèges et 19 % des lycées étaient aux normes sismiques en 2019 . Le rapport souligne par ailleurs que "le matériel élémentaire comme les éponges et la craie manque", et que "la plupart des établissements devraient été désamiantés."

Les équipements numériques des établissements sont, selon le rapport, insuffisants. 22 % des élèves de Martinique n’y ont pas accès dans leur établissement. L’inégalité numérique, qui joue en classe mais aussi à la maison, a été révélée pendant la crise sanitaire. Au moins 25 % des élèves martiniquais n’ont pas pu bénéficier de la continuité pédagogique car ils ne disposaient pas d'un ordinateur chez eux, contre seulement 5 % dans l’Hexagone. 

Horaires à rallonge et prix exhorbitants

Les députés insistent sur la question des transports. En Martinique, le ramassage scolaire de plusieurs établissements, aux horaires différents, se fait en même temps. Conséquence : des journées à rallonge pour les élèves, qui arrivent dans leur école bien avant le début des cours et repartent après leur fin. Se pose aussi la question du coût du transport. Particulièrement élevé pour les élèves qui doivent faire une traversée en bateau pour se rendre en classe. Il peut être une cause d'abstentéisme.

Le prix des fournitures scolaires pose également problème. Selon les députés, il est "trois fois plus élevé que dans l’Hexagone" dans les territoires étudiés. Et ces prix augmentent, une enquête menée en Martinique a pointé une hausse de 34% entre 2019 et 2020.

Pour résoudre ces difficultés spécifiques, les députés proposent des mesures adaptées aux territoires, "plutôt que de décliner les mesures nationales". Ils ont formulé des dizaines de recommandations diverses, comme refonder la carte des établissements prioritaires, climatiser les bâtiments, les doter d’un réfectoire ou encore adapter le calendrier scolaire aux conditions climatiques.