Le ministre de l'Éducation Gabriel Attal "souhaite" l'examen d'"une procédure disciplinaire" à l'encontre de l'ancienne rectrice de Versailles après le suicide, en septembre à Poissy, du jeune Guadeloupéen Nicolas, un nouveau drame lié au harcèlement scolaire.
Gabriel Attal "souhaite que l'engagement d'une procédure disciplinaire à l'endroit de (l'ancienne) rectrice puisse être examiné", a indiqué le ministère de l'Éducation dans une déclaration transmise à l'AFP.
La mission d'inspection sur le suicide de Nicolas a enquêté "sur les conditions dans lesquelles un courrier aux termes profondément choquants a pu être adressé à cette famille (au printemps 2023). Ce qui ressort des travaux de la mission, c'est que ce courrier, en ces termes, n'aurait jamais dû être adressé à cette famille, dans cette situation", ajoute le ministère qui n'a pas rendu public le rapport de cette mission.
Une "mise en cause totalement injustifiée"
Charline Avenel, rectrice de l'académie de Versailles d'octobre 2018 à juillet 2023 avant de prendre un poste dans le privé, "a appris avec stupéfaction que le ministre de l'Éducation entendait engager des poursuites disciplinaires à son encontre, alors même que le rapport d'inspection ne retiendrait aucune faute ni manquement la concernant", a réagi son avocat, Me Sébastien Schapira, dans un communiqué transmis à l'AFP.
"Elle entend rappeler que si elle a toujours assumé ses responsabilités, ayant à ce titre demandé dès le premier jour à être entendue par les services de l'inspection, elle ne peut accepter cette mise en cause totalement injustifiée", a-t-il poursuivi, appelant à ce que "ce rapport soit rendu public dans les plus brefs délais" pour "éviter tout amalgame et dans un souci de transparence".
Un courrier au ton menaçant avait été envoyé en mai 2023 par le rectorat de Versailles aux parents de Nicolas, 15 ans, qui s'étaient plaints auprès de l'établissement du harcèlement que subissait leur fils. L'adolescent s'est donné la mort quatre mois plus tard à Poissy (Yvelines) au lendemain de la rentrée scolaire.
"Ce courrier-type trouve son origine dans la procédure mise en place par l'académie de Versailles après l'assassinat de Samuel Paty (en octobre 2020) pour renforcer le soutien aux agents faisant l'objet de menaces, qui a permis de réduire très fortement le délai de traitement des demandes de protection fonctionnelle, passé de quatre à un mois", rappelle la rue de Grenelle.
"Rien ne justifie" ce courrier
L'envoi d'un tel courrier "est pleinement justifié dès lors que des menaces ou remises en cause graves et sans fondement sont émises à l'encontre d'un agent de l'Education nationale", mais "rien ne justifie qu'il ait été adressé à certaines familles, dont les parents de Nicolas", souligne-t-elle.
Selon le ministère, "ces envois injustifiés sont liés à la fragilité de cette procédure, mise en place de manière orale", avec notamment l'"absence de distinction entre les différents types de menaces".
Gabriel Attal avait qualifié ce courrier de "honte" et ordonné une enquête administrative. Il avait aussi annoncé le lancement d'un audit sur la gestion des cas de harcèlement lors de l'année scolaire 2022/2023 dans chaque académie. Les services de l'académie de Versailles et son ancienne rectrice étaient depuis sous le feu des critiques.
Selon la déclaration du ministère mardi, cet audit national "ne fait apparaître aucune situation comparable dans d'autres académies". L'audit "permettra de garantir que les bons schémas de réponse soient appliqués dans la prise en charge des situations de harcèlement scolaire", poursuit le ministère.
Après une visite fin septembre à Versailles, Gabriel Attal avait indiqué que le rectorat avait envoyé l'an dernier 120 courriers "dits de réprobation" à des familles, dont 55 "sembl(ai)ent poser question".
Le harcèlement à l'école est au cœur de l'actualité depuis plusieurs mois, après une série de cas dramatiques, dont le suicide de Lindsay, 13 ans, en mai dans le Pas-de-Calais. Le gouvernement a annoncé depuis l'été une série de mesures contre ce "phénomène massif", la Première ministre promettant une "mobilisation générale".
À quelques jours de la journée nationale de lutte contre le harcèlement, le 9 novembre, Gabriel Attal a raconté avoir lui-même subi "un déferlement d'insultes et d'injures" à "la fin du collège".