En ce jour de repos pour les coureurs du Tour de France, le staff, lui, s'affaire. Dans le bus des mécaniciens de l’équipe cycliste TotalEnergies où sont entreposées les roues, plusieurs personnes passent au crible les vélos, dont Olivier Boyer.
Ce Réunionnais de Saint-Benoît nous explique ce qu’il doit faire lors de cette journée. "Ça va être essentiellement de préparer les étapes à venir, donc discuter avec les coureurs, quels braquets, quel développement ils vont mettre, liste-t-il. Remettre tout ‘à neuf’, faut que ça brille sur le Tour de France, donc on va tout laver, tout nettoyer, tout préparer pour demain."
Comme le montre la vidéo ci-dessus, il vérifie notamment toutes les chaînes, dérailleurs, pédaliers pour qu’aucun grain de sable ne s’immisce dans les mécanismes.
C’est la deuxième fois qu’Olivier, 31 ans, travaille comme mécanicien sur le Tour, appelé aussi la Grande Boucle. La première fois, c'était en 2021 et il se souvient encore très bien de la toute première étape : "C'est là où il y avait les deux grosses chutes au départ en Bretagne, avec la pancarte Opi Omi [le 26 juin 2021 dans le Finistère, une femme brandissant une pancarte vers les caméras pour saluer ses grands-parents, avait provoqué une chute massive, NDLR]. Je suis en voiture 2, il faut sortir, aller voir les coureurs donc c'est quand même stressant d'être dans cette course et d'assister à une grosse chute pour une première étape de Tour de France."
Mais le stress a vite été chassé par le bonheur d'y participer. "Quand on voit à la télé et quand on est à l’intérieur, c'est quand même vraiment autre chose, assure-t-il. Comme on dit, c'est les étoiles dans les yeux, même quand on est passionné et même quand on fait ça toute l'année, c'est la plus belle course."
Collègue, cousin et entraîneur
Un avis partagé par son collègue assistant sportif, Fabrice Benard, qui n'est autre que son cousin ! Ils ont 12 ans d'écart et Fabrice, 43 ans, a d'ailleurs été l'entraîneur d'Olivier à La Réunion, "quand il était minime, il avait 12-13 ans". "J'étais éducateur au vélo-club de l'Est à Bras-Panon, explique-t-il. C’était une passion de m’occuper des jeunes de l’école de vélo."
Avant de devenir mécanicien, Olivier était en effet coureur cycliste. Repéré, il est passé par le pôle Espoirs de Toulouse entre 2008 et 2011 et a couru avec Lilian Calmejane dans l'équipe d'Occitanie. Il a fait des résultats aux Jeux des Îles et a remporté le championnat régional sur route de La Réunion en 2017. "J'ai gagné grâce à lui deux étapes sur le Tour de la Réunion en 2017", ajoute le trentenaire, reconnaissant.
C'est d'ailleurs sur le Tour de la Réunion en 2016 que les deux cousins complices vont sans le vouloir tracer leur route vers le Tour de France. Cette année-là, "Vendée U, l'équipe réserve de la TotalEnergies, était venue faire le Tour de la Réunion", se souvient Olivier. Fabrice précise : "Dans le Vendée U, il y avait un Réunionnais qui s'appelle David Rivière et il nous avait demandé un coup de main. Et après, on avait sympathisé avec les présidents du Vendée U."
Quelque temps après, la formation vendéenne a besoin de main d'œuvre dans le staff et sollicite Fabrice et Olivier qui acceptent et partent donc s'installer dans l'Hexagone. "Quand on est arrivé en Vendée, il cherchait un binôme soudé parce qu'en Vendée U, c'est un mécanicien et un assistant qui sont tout le temps ensemble, explique Olivier. De fil en aiguille, ils ont vu qu'on était compétent et ils nous ont fait passer dans l'équipe première TotalEnergies."
"Un rêve de gamin"
Fabrice est donc assistant sportif au sein de la formation : "Mon rôle, c'est d'aller d’hôtel en hôtel pour préparer l'arrivée du staff et des coureurs, donc je fais en sorte que quand ils arrivent, ils ont leurs numéros de chambre, leurs clés, les bagages sont dans les chambres... Qu'ils aient de l'eau, que les tables de massage de mes collègues masseurs soient installées."
Lui-même masse deux cyclistes, le Français Valentin Ferron et l'Italien Daniel Oss (en photo ci-dessous). Quand on demande à ce dernier ce qu'il pense de Fabrice, la réponse fuse simplement : "Il est bon. C'est un professionnel."
L'ancien entraîneur en est à sa troisième Grande Boucle cette année, et reste marqué par le nombre de personnes au bord des routes : "Le public, la ferveur, c’est incroyable." Il faut dire que cet événement mondial est pour lui "un rêve de gamin". "J’ai commencé le vélo à 14 ans, après je suivais tous les Tours de France, je connaissais tous les coureurs. Je n’aurais jamais pensé vivre ça quand j’étais gamin", souffle Fabrice.
S'il était impressionné au début de côtoyer des coureurs célèbres, il a rapidement appris à les connaître : "Ce sont des gars super sympas, j’ai beaucoup de respect pour ce qu’ils font et ils le rendent bien, ils sont très respectueux du travail que l’on fait, ils nous le disent très souvent. C’est ce qui fait que ce sont des grands champions."
Quand on demande aux cousins les inconvénients du Tour de France, ils répondent tous les deux que "le plus dur, c’est d’être éloigné de sa famille pendant un mois". "Après tout le reste, c’est que du bonheur parce qu’on adore ça", certifie Olivier, et ce malgré les kilomètres à avaler. "On se lève tôt et on se couche tard, ce sont des journées longues, mais comme on dit entre nous, c’est le Tour", sourit Fabrice.
Le trio réunionnais avec Lorrenzo
Mais ce n'est pas si souvent que les deux cousins sont ensemble. "On a pas mal de fronts de course, et on n'est jamais sur les mêmes fronts, détaille Fabrice. Cette année, c’est la première fois qu'on est en course avec Olivier depuis janvier."
Ils sont encore plus heureux quand un troisième Réunionnais se joint à eux. Car l'équipe de TotalEnergies compte depuis 2020 un certain Lorrenzo Manzin parmi ses coureurs. Ce sprinteur-puncheur n'a jamais été aligné sur le Tour de France mais a déjà participé quatre fois à celui d'Espagne.
Or Lorrenzo n'est autre qu'un ami d'enfance d'Olivier, et l'un des jeunes qu'entraînait Fabrice. "Je l'ai connu quand il était pupille, à 9, 10 ans", calcule ce dernier. On a gagné le Tour de la Réunion avec Lorrenzo [en 2013]. Il y avait Lorrenzo, Olivier, David [Rivière], moi aussi je courais, ça c’était un superbe souvenir."
Lorrenzo a quitté La Réunion au début des années 2010 pour s'entraîner dans l'Hexagone. Devenu professionnel en 2015, il est passé par la FDJ, Vital Concept avant de signer un contrat chez TotalEnergies et de retrouver ses amis réunionnais. "Jamais je n’aurais pensé un jour qu'on se retrouve ensemble dans la même équipe, s'étonne encore Fabrice. C'est incroyable. On pourrait écrire un truc là-dessus." Même si ce n'est pas un livre, c'est désormais chose faite.