"Très très feutré", un roman drôle et grinçant signé par une ancienne assistante de sénateurs antillais

Hélène Vézier, autrice du livre "Très très feutré"
Hélène Vézier a passé dix ans aux côtés d’élus de la Guadeloupe et de la Martinique. Devenue autrice et comédienne, elle raconte les coulisses du Sénat.

"Denis Machin est ambitieux, Denis Machin croque la vie à pleines dents, Denis Machin veut un magazine à son effigie, où on le verra sourire de tous ses chicots qui rayent le parquet à l’avenir-ensemble-moi-qui-défends-nos-territoires-votez-pour-moi !"

C’est ainsi qu’Hélène Vézier, alias « madame meuf » de son nom d’artiste, présente son patron dans un roman intitulé « Très très feutré », en référence à l’ambiance qui règne derrière les murs du Sénat. Son boss est un sénateur guadeloupéen, dont la particularité (ou pas) est d’imposer sa fille, puis plus tard sa maîtresse, dans le bureau de sa toute jeune collaboratrice.

Hélène Vézier - Très très feutré ©Tessa Grauman

Le sexisme

Dans la vraie vie, Hélène Vézier a travaillé avec trois élus antillais dont elle taira scrupuleusement les noms devant les journalistes. Dans son livre, il n’en reste qu’un, mais il concentre toutes les caractéristiques relevées par l’autrice au cours de ses dix années passées au Sénat.

Il y a trois ans, elle avait raconté son expérience d’assistante parlementaire dans un seul en scène décapant. "Très très feutré" dénonce avec le même humour et le même sens de l’autodérision le sexisme des élus de la République. À commencer par son sénateur. « La circonscription, elle est quand même sacrément loin » s’amuse-t-elle à demi-mot pour paraphraser ce qu’elle raconte dans son roman. Avant d’expliciter :

On n’est pas tellement embêté par les coups de fil de bobonne… qui est restée à la maison, vu le décalage horaire. Et puis, il y avait quand même la superbe du poste, donc on fait venir des dames pour visiter.

Hélène Vézier

Les Outre-mer

Dans un registre plus sérieux, cette quadragénaire, née dans une famille bourgeoise et formée à Sciences Po Toulouse, s’est aussi plongée avec intérêt dans les dossiers ultramarins. "Je suis hyper forte en continuité territoriale", lance-t-elle dans un grand éclat de rire. "Je suis passée de la génération de « l’Outre-mer » à celle « des Outre-mer ». C’est quand même une bonne idée, les conditions ne sont pas les mêmes partout".

Hélène Vézier a aussi son point de vue sur le dossier du chlordécone. "Cet insecticide qu’on avait arrêté partout en Europe depuis des années puisqu’il provoque des cancers à foison et défonce les sols et la nappe phréatique éternellement", écrit-elle dans son livre. Avant de rajouter avec une bonne dose d’ironie : "En même temps, on avait un gros stock à terminer, on l’a fini sur les bananes. Faut pas gâcher. Et puis, qui aurait pu prédire qu’un perturbateur endocrinien perturbe endocrinalement ?".

Interrogée sur le sujet, l’ex-assistante parlementaire va encore plus loin.

Tout le monde savait [pour le chlordécone]. On ne peut pas dire que les Ultramarins n’aient pas pris la parole, n’aient pas été auditionnés massivement. En fait, on a l’impression que si ça c’était passé dans l’Hexagone, ça aurait traité un petit peu plus vite.

Hélène Vézier

Le monde d’avant, la vie d’après

La romancière a également travaillé pour la ville de Paris et dans un think tank politique classé à gauche. Il y a cinq ans, elle a choisi de tirer un trait sur sa vie de collaboratrice et ce « monde d’avant » qu’elle épingle cruellement pour de se lancer dans le théâtre et l’écriture.

" Les élus, au final, il y en avait pas mal qui m’aimaient bien parce que j’avais un aspect très rentre-dedans quand je leur parlais, donc ça les faisait beaucoup rigoler. Mais ça me faisait plus du tout rigoler, moi", concède-t-elle. Avant de rajouter : "moi j’ai vécu du sexisme ordinaire que je pensais être juste du sexisme daté. En écrivant et en réfléchissant, c’était tout simplement du harcèlement sexuel."

Hélène Vézier présente son nouveau spectacle, "Madame meuf dit Femmes" au festival d'Avignon tout le mois de juillet.