Chose promise, chose due. Mais surtout, chose faite. Anne Hidalgo a bel et bien tenu son engagement en installant, pour la première fois dans la ville lumière, une statue de femme noire. Et pas n'importe laquelle ! Solitude, de son vrai nom "Rosalie", est une véritable héroïne pour les Guadeloupéens. Engagée, pugnace, la "Mulâtresse" s'engage au côté du Martiniquais Louis Delgrès, abolitionniste et résistant contre les troupes napoléoniennes, alors qu'elle est enceinte. Solitude est arrêtée en 1802 et meurt pendue, le lendemain de son accouchement.
Désormais, sa statue trône fièrement dans le square qui porte déjà son nom depuis septembre 2019, place du Général Catroux dans le 17ᵉ arrondissement de la capitale. Elle est signée de l'artiste Didier Audrat. Pour Charles, qui connaît bien la Guadeloupe, il était important de faire le déplacement : "On m'en a parlé ce matin, je suis curieux donc je suis passé voir. Je voulais voir ce que les gens continuent à faire pour que les autres n'oublient pas", explique-t-il adossé à la barrière du parc Solitude. Comme Charles, une assemblée de curieux s'est agglutinée dans le petit parc.
"Un acte symbolique"
Beaucoup de personnalités politiques étaient aussi au rendez-vous. La maire de Paris a souligné dans son discours la féminisation de l’espace public parisien : "Solitude est un symbole en plus parce que c'est une femme et que l'histoire de notre pays est organisé sur l'invisibilité des femmes." Anne Hidalgo n’oublie pas de mentionner "la part d’Outre-mer" qui résulte, selon elle, a une histoire collective "universelle".
La maire PS de la capitale a travaillé pendant deux ans sur ce projet, comme le rappelle Jacques Martial, conseillé chargé des Outre-mer à la ville de Paris : "Le jardin Solitude a été inauguré en septembre 2019 et aujourd’hui c’est sa statue. C’est, qui plus est, le premier corps d’une femme noire représenté dans l’espace public parisien. Je suis très ému, c’est un beau succès".
Jacques Martial n’est pas le seul à être ému. Pendant la lecture du livre d’André Schwarz-Bart La mulâtresse Solitude par la comédienne guadeloupéenne Laurence Joseph, l’assistance était figée, comme prise à la gorge par la douleur qu’a pu ressentir Solitude. "Cette figure a été oubliée, il était important qu'un acte fort et symbolique soit posé", insiste Jean-Marc Ayrault, président de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage.
"Hommage à une fanm doubout"
"Pour moi, elle évoque la liberté, le combat d’une femme pour la liberté", illustre Nadia de Chavigny, une Martiniquaise venue assister à l’inauguration. "Elle est très belle, magnifique même, mais je la trouve un peu petite de taille", ajoute-t-elle en regardant la statue enfin dévoilée.
"Je pense que cet hommage à une fanm doubout, à une femme rebelle arrive au bon moment. Il est important pour la cohésion sociale et nationale", souligne Jean-Marc Ayrault. "Tout ça aurait pu aller plus vite, dans la reconnaissance de l'histoire de France. Je serai la maire qui aura mis en avant patrimoine collectif", se félicite Anne Hidalgo.
Tous s’accorde à dire qu’il était temps d’avoir une représentation féminine, qui plus est noire, aux yeux des citoyens. Et pour la jeune métisse Kessy, 10 ans, venue assister à l’inauguration avec sa maman, le message est très fort : "Il y a plus de statues d'hommes ou de femmes blanches, donc je trouve ça très bien et je me sens représentée. Je la trouve belle, elle représente la force des femmes noires."