Ce lundi s'est tenue dans les jardins du palais du Luxembourg à Paris la 16e cérémonie du 10 mai, journée nationale des mémoires, de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions. En présence du chef de l'État, la commémoration a été marquée par la question de la transmission de l'Histoire.
Raconter pour ne jamais oublier, un adage qui revient souvent lorsque l'histoire de l'esclavage et de la traite négrière est évoquée. Cette histoire fait même l'objet d'un article dans la loi Taubira reconnaissant l'esclavage comme crime contre l'humanité. Pour la 16e cérémonie du 10 mai qui s'est tenue ce lundi à Paris au jardin du Luxembourg, vingt ans après l'adoption de ce texte, cette question de la transmission avait donc une place centrale. En présence du chef de l'État, les trois classes lauréates du concours de la Flamme de l'égalité ont été invitées à lire leurs textes, issus de leurs travaux sur l'esclavage.
Une classe de Polynésie
Parmi eux, une classe venue du collège d'Arue en Polynésie pour présenter un slam écrit par Teamanui Goulard, élève de 4e, intitulé Porté par le vent de l'espoir.
#10 mai "C'est un travail de jour et de nuit, sans aucun droit, sans aucun salaire, sans habits et encore moins de lit"
— La1ere.fr (@la1ere) May 10, 2021
🔸 Lauréats du concours de la flamme de l'Egalité, des collégiens de #Polynésie présentent leur travail sur l'#esclavage et son abolition sous forme de slam ⬇ pic.twitter.com/wZKfqRRbwb
"Le texte de Teamanui a vraiment une consonance positive, raconte sa professeur de français, Valérie Delannoy. Oui ça part de loin, oui c'est sombre, mais avec de l'humanisme, de l'enseignement et du respect, on va avancer."
Teamanui Goulard, Tehau Van Bastolaer et leur professeur nous racontaient leur sentiment de fierté juste avant la cérémonie :
"Jamais entendu parler pendant mon parcours scolaire"
Salomé, élève au lycée Emile Zola d'Aix-en-Provence dans la classe lauréate de la catégorie lycée du concours, abonde dans ce sens. "Ça nous a apporté beaucoup de savoirs sur certaines choses dont on n'était pas forcément au courant", explique-t-elle, citant l'exemple de l'histoire de l'île de Tromelin où furent abandonnés des esclaves naufragés pendant 15 ans, dont elle n'avait "jamais entendu parler dans tout [son] parcours scolaire."
La parole aux jeunes, un gage de mémoire
Invité aux côtés du chef de l'État, le délégué interministériel à l'égalité des chances et à la visibilité des Français des Outre-mer Maël Disa reconnaît qu'il reste "encore beaucoup de travail" dans l'application de la loi Taubira.
Cela nous permet de nous rappeler ce qui a été fait et ce qu'il reste à faire, à commencer par des évènements comme aujourd'hui où toute la représentation nationale est présente, où des étudiants et des élèves jouent le jeu et prennent la parole. C'est un bel exemple de ce qu'il faut faire dans la durée pour que l'on se rappelle de cela tous les jours.
Un retard dans les programmes scolaires
Lhamri Louiba, professeur de lettres et d'histoire dans le lycée aixois, estime qu'il est "important de perpétuer cette mémoire" de l'esclavage "pour apporter des connaissances". "En tant qu'enseignant je trouve que la place accordée sur la question des traites négrières et des abolitions est parfois minime".
Un sentiment partagé par Dominique Taffin, directrice de la Fondation pour la mémoire de l'esclavage (FME). Pour elle, la transmission se fait au long cours, "par des cérémonies comme celle-ci" mais aussi "par des rencontres populaires" et par un meilleur enseignement de l'histoire de l'esclavage, de la traite négrière et des abolitions dans les programmes scolaires. Une note de la FME parue en octobre 2020 faisait le constat d'un déséquilibre et de certains retards au lycée, voire une régression en primaire.
Dominique Taffin salue l'augmentation des demandes de la part de préfets et de collectivités locales pour organiser des évènements locaux tout au long du mois des mémoires. "C'est quelque chose qui commence à rentrer", se félicite la directrice, "et c'est le moment d'inviter des acteurs culturels, des historiens à s'exprimer et à faire passer cette histoire et cette mémoire."
Une cérémonie sans discours officiel
À l'issue des interventions des classes, la comédienne guyanaise Yasmina Ho-You-Fat a lu un extrait du discours de Christiane Taubira, prononcé le 18 février 1999 à l'Assemblée nationale. Puis les chanteurs lyriques Candice Albardier et Edwyn Fardini, lauréats du concours Voix des Outre-mer, ont interprété une musique traditionnelle guadeloupéenne, Elwa ou ka vwayajé.
Enfin, un dépôt de gerbe a été effectué par Emmanuel Macron et Gérard Larcher, président du Sénat, au pied de la sculpture "Le Cri, l'Écrit", symbolisant l'esclavage et son abolition, au cœur du jardin du Luxembourg, suivi d'une interprétation de l'hymne national. Mais pas de discours de la part du président de la République qui participait ce 10 mai à sa deuxième cérémonie de commémoration des abolitions. Un silence vivement critiqué, notamment par l'ancienne garde des Sceaux Christiane Taubira.
Pour aller plus loin sur la question mémorielle, retrouvez le Grand dossier d'Outre-mer la 1ère, ou encore en cliquant ici un numéro hors-série de L'Obs, "Esclavage, une histoire française".