27 avril – 170ème anniversaire de l'abolition de l’esclavage

Le 27 avril 1848, il y a 170 ans, le décret d’abolition de l’esclavage était promulgué pour les colonies et possessions françaises. Dans ce dossier, Outre-mer la 1ère revient sur les principales étapes de la traite transatlantique et de l’histoire de l’esclavage.

Il y a 170 ans, le décret d’abolition de l’esclavage était promulgué pour les colonies et possessions françaises. Il s’agissait en fait d’une seconde abolition, définitive cette fois. En effet, le 4 février 1794, la Convention adoptait un décret d’émancipation et d’abolition du 16 pluviôse an II. Ce dernier faisait suite aux révoltes qui éclatèrent en août 1791 à Saint-Domingue (devenue Haïti) et à la proclamation de l’abolition de l’esclavage dans cette île en 1793. Cependant, le 20 mai 1802, Napoléon Bonaparte rétablissait l’esclavage, et une répression intense était menée dans les colonies françaises, plus particulièrement aux Antilles et en Guyane. De nombreuses rébellions plus tard et sous l’impulsion d’antiesclavagistes comme Victor Schœlcher, le décret définitif d'abolition de l'esclavage dans les colonies françaises voyait finalement le jour.

Les dates clés de l’histoire de l’esclavage

L’esclavage transatlantique organisé par les Européens, mais également celui arabo-musulman, fut un système économique et institutionnel qui a entraîné la déportation de dizaines de millions d’êtres humains à travers les siècles. Les dates indiquées ci-dessous concernent pour l’essentiel l’esclavage pratiqué dans les ex-colonies françaises. Les données que nous mentionnons proviennent de différentes sources, en particulier du Comité national pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage (CNMHE) et de l’Institut du Tout-Monde (Mémoires des esclavages et de leurs abolitions). L’esclavage transatlantique s’est étalé de la fin du XVe siècle jusqu’à la fin du XIXe. Environ 12 à 18 millions d’esclaves, selon les estimations, furent déportés d’Afrique subsaharienne vers les Amériques. Près de 2 millions d’entre eux périrent durant le voyage. Lire la suite

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Les principales dates relatives à l’abolition

27 avril 1848 : Promulgation du décret d’abolition de l’esclavage dans les colonies et possessions françaises.
22 mai 1848 : Proclamation du décret d'émancipation en Martinique (74.000 esclaves émancipés).
27 mai 1848 : Proclamation du décret en Guadeloupe (87.000 esclaves émancipés).
10 juin 1848 : Proclamation du décret en Guyane (environ 13.000 esclaves émancipés).
20 décembre 1848 : Proclamation du décret à la Réunion (62.000 esclaves émancipés).
30 avril 1849 : Vote de la loi qui fixe le montant des indemnisations aux colons. Plus de 126 millions de francs de l’époque sont versés aux anciens propriétaires d’esclaves par l’Etat français.
21 mai 2001 : Loi n°2001-434 du Parlement français "tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité", dite loi Taubira.

À bord du bateau négrier, le récit de l'effroyable traversée

Après avoir fouillé de multiples archives, l’historien américain Marcus Rediker nous entraîne sur le pont et dans les cales sordides des bateaux négriers. Un voyage clinique dans le quotidien, la violence et l’économie de la traite transatlantique. Cet ouvrage est passionnant et se lit comme un roman.« À bord du négrier, une histoire atlantique de la traite » (éditions du Seuil, 2013) est un livre indispensable si l’on veut comprendre les mécanismes de la traite transatlantique dans toute sa complexité, et sortir des schémas préétablis. De plus, il regorge d’incroyables histoires et de témoignages d’époque. L’auteur nous emmène à bord du navire, on est littéralement "embedded" (embarqué) comme l’on dirait aujourd’hui.

À l’origine de la mondialisation et du capitalisme moderne, la traite transatlantique fut un gigantesque et terrifiant écheveau de compétences entremêlant plusieurs peuples. Africains, Européens, Américains du Sud et du Nord, se retrouvent au centre d’un commerce industriel et mondialisé. Il implique des investisseurs, des banquiers, des commis, des assureurs, des agents des douanes, des législateurs, des membres des chambres de commerce, des fabricants de tissus, d’armes, de bateaux, des dockers, des marins, des équipages de vaisseaux, etc. C’est un vivier d’emplois et de métiers transcontinentaux, qui préfigure le capitalisme sans frontières tel qu’on le connaît aujourd’hui. Suite de l'article par là

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À la découverte des ports négriers de l'Hexagone

En France hexagonale, ils sont une douzaine. Douze ports de la façade Atlantique et de la Méditerranée dont l'histoire est étroitement liée à l'esclavage. Points de départ du commerce triangulaire, c'est de là que partaient les expéditions négrières françaises entre le XIIe et le XIXe siècle. En cliquant sur notre carte interactive ci-dessous, découvrez quelques chiffres clés sur les ports du Havre, de Lorient, de Saint-Malo et de Marseille. Quant à Nantes, La Rochelle et Bordeaux, les trois principaux ports négriers, nous vous invitons à lire les reportages de la rédaction. En 2015, les envoyées spéciales de La1ere, Cécile Baquey, Laura Philippon et Léia Santacroce sont parties à la recherche des vestiges, encore visibles, de l'époque de l'esclavage dans ces villes.

► Partez sur les traces du passé négrier à Nantes ;
► Visitez le Bordeaux négrier ;
► Découvrez les vestiges de la traite négrière à La Rochelle.

Réparations : le point de vue des historiens Marcel Dorigny, Tidiane N’Diaye, Jean-François Niort et Françoise Vergès

Ces dernières années, la problématique des réparations pour la traite transatlantique et l’esclavage a refait surface avec vigueur. Plusieurs assignations ont été notamment lancées devant les tribunaux par des associations, au nom des descendants d’esclaves, dans l’Hexagone et aux Antilles, pour demander réparations à l’Etat français pour les préjudices ayant découlé de la traite et de l’esclavage. La1ere a contacté plusieurs historiens pour connaître leur sentiment sur la question des réparations, et des formes qu’elles pourraient éventuellement prendre.

Pour Marcel Dorigny, historien, maître de conférences à l’université de Paris VIII et spécialiste du XVIIIe siècle et de l’esclavage « une indemnisation sous forme financière paraît totalement exclue». Selon le Sénégalais Tidiane N’Diaye (qui a longtemps vécu aux Antilles), anthropologue et économiste, spécialiste des civilisations africaines et de leurs diasporas, « si réparations il doit y avoir, cela devrait concerner avant tout les descendants de ces enfants, de ces femmes et de ces hommes, dont la vie a basculé sans retour dans l’horreur ». Jean-François Niort (Guadeloupe), historien du droit et des institutions, maître de conférences à la Faculté des sciences juridiques et économiques de la Guadeloupe, considère quant à lui que « la République doit s'engager massivement pour combler les retards structurels, économiques, sociaux et culturels hérités de la période non seulement esclavagiste mais coloniale ». Enfin, l’historienne et politologue Françoise Vergès (La Réunion), ancienne présidente du Comité national pour la mémoire et l'histoire de l'esclavage explique qu’elle ne voit « aucune raison qui puisse s’opposer à envisager des réparations ». Retrouvez leur contribution au débat par ici

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Archives : avril 1830, dernier naufrage d'un navire de traite illicite en Martinique

Dans la nuit du 8 au 9 avril 1830, un navire négrier s'échoue et coule dans la baie de l'Anse Caffard au Diamant. C'est le dernier naufrage de la traite négrière de l'histoire de la Martinique. D'après les recherches effectuées par les frères Petitjean-Roget, le bateau est arrivé dans la baie dans l'après-midi du 8 avril 1830. Le voyage a duré plus de quatre mois. Il reste 260 esclaves enchaînés dans les cales, soixante-dix sont morts pendant la traversée. La mer est mauvaise, la houle est forte. Vers 23 heures, les témoins entendent un craquement, le navire se fracasse contre les rochers. Le bateau est entièrement détruit. Dizac, directeur d'exploitation, et des esclaves de l'habitation Latournelle accourent sur la plage mais ne peuvent sauver que 86 Africains : 26 hommes et 60 femmes.

Le lendemain, la mer rejette 46 cadavres. Le nom et la provenance du bateau ne seront jamais connus. Sept marins blancs auront une sépulture au cimetière. Les Africains seront enterrés, sans distinction, non loin du rivage. C'est sur ce lieu que se dresse aujourd'hui le Mémorial Cap 110 (voir le reportage ci-dessous). Lire la suite de cet article d'Odile Paul

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Commémorations de l'abolition de l'esclavage : où et quand ?

Dans l'Hexagone, c'est le 10 mai que l’on commémore officiellement l'abolition de l'esclavage. Une journée nationale instituée en 2006. La date correspond à l’adoption par le Parlement de la loi Taubira qui reconnaît l’esclavage et la traite négrière comme un crime contre l’humanité. Mais dans les Outre-mer, les dates de commémoration sont différentes. Au total, une dizaine de dates coexistent. Notre journaliste Célia Cléry vous explique tout dans la vidéo ci-dessous, en deux minutes chrono !
À lire également ici.

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#10 mai 2018 : "La conquête de l’égalité et de l’émancipation n’est pas terminée" (Silyane Larcher, politiste et philosophe)

Politiste, philosophe et sociologue, la Martiniquaise Silyane Larcher (photo ci-dessous) est chargée de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique) à l’université Paris Diderot. Ses travaux et recherches portent principalement sur l’historique du politique, l’histoire juridique et institutionnelle des colonies françaises (Antilles, XIXe et XXe siècles), et sur les études coloniales et postcoloniales. Elle a publié en 2014 "L'autre citoyen. L'idéal républicain et les Antilles après l'esclavage" (éditions Armand Colin) et vient de codiriger "Black French Women and the Struggle for Equality" (University of Nebraska Press) qui sortira au mois d’octobre aux Etats-Unis (en anglais). Elle mène actuellement une enquête sur l'afroféminisme en France.

Dans une interview à La1ere à l'occasion du 10 mai, Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions, Silyane Larcher souligne les "ambivalences" du modèle républicain français et la nécessité de continuer "d’explorer la question des luttes". Un entretien à lire ici

Silyane Larcher

#1804 : Et Haïti se libéra de ses chaînes…

L’historien Marcel Dorigny, professeur à l’université de Paris VIII, spécialiste du XVIIIe siècle et de l’esclavage, explique comment Haïti a imposé la première abolition de l’esclavage en 1794 et son indépendance en 1804. « L’abolition telle qu’elle a été votée le 4 février 1794 est une abolition qui a été imposée par la victoire des esclaves de Saint-Domingue », précise-t-il. « Cette abolition, la première dans toute l’histoire, a été remise en cause en 1802. Cédant à la pression des colons, Bonaparte a rétabli l’esclavage. Mais à Saint-Domingue, ça n’a pas fonctionné. Pourtant 55.000 hommes avaient été envoyés, soit la plus grande expédition française en Outre-mer avant le XXe siècle. La masse des esclaves à Saint-Domingue, soit 500.000 personnes, rendait en fait impossible le rétablissement de l’esclavage par les armes ».

« Rappelons également que cette indépendance a été autoproclamée », explique Marcel Dorigny. « Ce sont les Haïtiens seuls qui proclament leur indépendance. Il n’y a ni accord ni traité. Et la France de Bonaparte ne reconnaît pas l’indépendance de cette île, qu’elle continue à appeler Saint-Domingue. En 1815, les puissances européennes rassemblées à Vienne reconnaissent les droits de la France sur Saint-Domingue. C’est la logique du droit colonial. »

Voir la suite de l’entretien dans l'article et sa vidéo en cliquant sur ce lien.

Buste de Toussaint Louverture (1743-1803), leader de la révolution haïtienne contre l'esclavage. (Oeuvre réalisée par l'artiste Ludovic Booz pour la ville de Bordeaux).

#L’autre esclavage : un aperçu de la traite arabo-musulmane

Jusqu’à présent, les formes d’esclavage et de traite les plus documentées et analysées concernent la traite transatlantique. Nombre d’essais, de romans et de films, comme « 12 Years A Slave », récompensé d’un prestigieux Oscar à Hollywood, ont permis à un large public de connaître les pans tragiques de cette histoire. Mais l’Europe n’a pas eu le monopole de la traite. Il y a eu d’autres traites, au moins et sinon plus importantes, à savoir les traites orientale et transsaharienne organisées par les Arabes. Ces dernières furent tout aussi violentes et dévastatrices pour l’Afrique et leurs descendants que la traite transatlantique, et cautionnées par l’islam tout comme le christianisme a pendant longtemps justifié l’esclavage.

« Alors que la traite transatlantique a duré quatre siècles, c’est pendant treize siècles sans interruption que les Arabes ont razzié l’Afrique subsaharienne », écrit l’anthropologue et économiste sénégalais Tidiane N’Diaye, dans son livre « Le génocide voilé ». « La plupart des millions d’hommes qu’ils ont déportés ont disparu du fait des traitements inhumains et de la castration généralisée ». Son interview à La1ere est à lire ici.

Selon l’anthropologue sénégalais Tidiane N’Diaye, les Arabes ont razzié l’Afrique subsaharienne pendant treize siècles sans interruption.