40 ans de Kassav' : six anecdotes que vous auriez manquées

Le groupe Kassav'
Le 11 mai, Kassav' jouera pour la première fois sur la plus grande scène d'Europe à Paris La Défense Arena. Le groupe antillais fêtera ses 40 ans avec son public. Quarante années jalonnées de petites histoires. Des anecdotes rassemblées par La1ère.fr.

#1 - Kassav', de Goldorak à la galette de manioc

A la fin des années 70, Pierre-Edouard Décimus quitte Les Vikings de la Guadeloupe. Le bassiste cherche le nom de son nouveau groupe. Avec Freddy Marshall, autre artiste guadeloupéen, Pierre-Edouard Décimus échange ses idées lors d’un brainstorming.
"J’avais lu un article sur Goldorak et les noms à succès. Pour plaire au public, il fallait un V, un K, un L. Je me suis rendu compte que le nom “les vikings de la Guadeloupe” contenait toutes ces lettres. Avec Freddy Marshall, on a écrit beaucoup de mots qui sonnaient bien en créole comme marakudja (fruit de la passion NDLR). Finalement on a choisi Kassav’, car il y avait les lettres K, S et V."
La cassave est une galette de manioc. Le manioc est un tubercule, souvent consommé sous forme de farine aux Antilles. On le retrouve dans toute la Caraïbe, en Amérique du sud, en Afrique, en Asie.

Le nom Kassav’ est adopté. Non seulement il correspond à un produit du terroir agricole mais aussi il répond à un second critère pour être retenu par le public, selon l’article lu par Pierre-Edouard Décimus.
"L’article sur Goldorak disait que le nom devait avoir un lien avec une histoire pathétique. Ça m’a rappelé la mise en garde d’une voisine lorsqu’elle cuisinait des galettes de manioc. Elle m’interdisait enfant de m’approcher du "lait" de manioc (utilisé lors de la préparation ) en me disant "c’est un poison". Je ne comprenais pas car les galettes sont bel et bien comestibles. J’ai compris plus tard, que le manioc contient du cyanure qui s’évapore avec la cuisson."

Cette anecdote, Pierre-Edouard Décimus la raconte dans son prochain livre édité à compte d’auteur. Il devrait s'appeler Kassav' love and Ka Dance, en quête de cohérence. Un ouvrage disponible en librairie à la rentrée 2019.
 
 

#2 - Manu Dibango : producteur de Jean-Claude Naimro

Dans un entretien accordé à Nathalie Sarfati, le saxophoniste camerounais raconte ses liens avec les membres de Kassav’. Des liens anciens puisque l’artiste a produit La vie ka roulé le premier album de Jean-Claude Naimro dans les années 80.
 

"On se connaît depuis plus de 40 ans. J’ai connu Jacob Desvarieux comme preneur de son dans un studio qui s’appelait Johanna. Il jouait de la guitare mais pas encore en professionnel. Jean-Claude Naimro était mon pianiste pendant très longtemps. Jean-Claude Vamur, le batteur, a joué avec moi. Ils sont arrivés au bon moment parce que la musique antillaise tournait un peu en rond. Tout le monde connaissait la biguine mais on ne sortait pas de là, le quadrille et tout ça. Ils ont amené du sang nouveau. Tous ont joué avec des Africains, ce qui leur donnait une coloration spéciale. La coloration spéciale vient du fait qu’un orchestre congolais Les Rico Jazz est resté longtemps aux Antilles et a marqué les Antillais. Ces rythmes africains qui se marient avec les rythmes des Caraïbes, ça ne s’était jamais fait avant."

"Ça fait un mélange qu’ils ont sublimé, qui était différent de la biguine traditionnelle. En 40 ans, ils se sont démarqués et ont amené un autre style le zouk. Le zouk est une combinaison heureuse de plusieurs influences (...) Ça me rappelle la Fania All Stars des Portoricains à Cuba. C’était tous des gens qui avaient une carrière et se sont mis ensemble au service d'un rythme".
 

#3 - Kassav’ sur scène le jour du décès de Patrick Saint-Eloi

18 septembre 2010. Une date difficile à oublier pour tous les fans de Patrick Saint-Eloi, membre de Kassav' décédé il y a neuf ans des suites d'une longue maladie. Ce jour-là, le groupe joue à Amsterdam aux Pays-Bas. Marie-Céline Chroné, choriste du groupe, se souvient. Un souvenir confié à Tiziana Marone. 

"Un moment douloureux quand on a perdu Patrick" Marie-Céline Chroné choriste

"Il y a eu un moment, c'est vrai que c'était douloureux, c'est quand nous avons perdu Patrick. On l'a appris, on était sur scène. Et là, j'ai senti comme une enveloppe nous entourer, tous ensemble. On a commencé à chanter. Pour moi, c'était magique parce que c'est douloureux mais cela nous a encore plus rapproché."
 

#4 - Un musée consacré au zouk en Angola

La1ere.fr a visité la maison du zouk, l'unique musée au monde consacré à la musique antillaise à Luanda, en Angola. Un musée inauguré en 2012. L'an dernier, Jocelyne Béroard l'a visité pour la première fois. 


#5 - Kassav' a inspiré Miles Davis

"J'écoutais beaucoup la musique de Kassav', le groupe antillais qui joue la musique appelée "zouk". C'est un grand groupe. J'avoue qu'ils ont influencé certains titres de l'album Amandla, qui signifie liberté en Zulu, la langue sud-africaine".

Dans son autobiographie parue en 1989 (éditions Simon & Schuster), Miles Davis parle du groupe Kassav'. A trois reprises, il explique combien il aime leur musique. Des rythmes qui ont même inspiré la composition de certains titres de l'album Amandla sorti la même année. 

Deux ans plus tôt, le musicien afro-américain écoutait déjà le zouk. "En 1987, j'étais à fond dans la musique de Prince, celle de Cameo et Larry Backmon et du groupe caribéen Kassav'. J'adore ce qu'ils font", explique Miles Davis.
 

Miles Davis et Quincy Troupe


Et ce n'est pas un hasard. Quincy Troupe, le co-auteur de son autobiographie, possédait une maison en Guadeloupe. Lors d'un séjour sur l'archipel, l'écrivain et poète a acheté des albums du Kassav'. De retour aux États-Unis, il partage ses découvertes avec Miles Davis lors de la phase d'écriture du livre. "Deux ou trois jours après avoir écouté Kassav', Miles Davis était tout excité. Il voulait en savoir plus sur le groupe", raconte l'ancien journaliste. 

Miles Davis et les membres du groupe Kassav' ne se sont jamais rencontrés. Ce qui n'a pas empêché la figure de jazz de prédire à Kassav' un bel avenir. Miles Davis parle de Prince, de Fela et de Kassav' comme des artistes du "futur" dans son autobiographie.

#6 - Jacob Desvarieux, acteur dans la série The Young Pope

En 2016, les abonnées de Canal +, la chaîne payante, ont découvert Jacob Desvarieux dans la série The Young Pope. Le guitariste antillais y incarne un cardinal africain dès le premier épisode. Jacob Desvarieux figure au générique avec Jude Law, l’acteur principal et Diane Keaton. Ce n'est pas la première fois que Jacob Desvarieux incarne un personnage sur petit ou grand écran. En 1992, il incarnait Isidore, "un musicien qui rêve de créer une musique universelle" selon le synopsis de Siméon de la réalisatrice martiniquaise Euzhan Palcy.  Un film fantastique où tous les membres de Kassav' apparaissent. D’autres expériences de comédien ont suivi.
 

BANDE ANNONCE SIMEON 2017 from JMJ Productions on Vimeo.