Les volcans font partie de l'histoire intrinsèque des Outre-mer. Dans le Pacifique, par exemple, la plupart des îles sont nées d'anciens volcans, éteints de longue date, bien que quelques volcans, sous-marins, y soient toujours actifs, autour de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française. La Guyane n'en compte pas mais la Martinique, la Guadeloupe et La Réunion en ont chacun un, élément précieux et fascinant.
Le Piton de la Fournaise, l'hyperactif de La Réunion
En février, le volcan actif de La Réunion que l'on trouve au sud-est de l’île, est entré en éruption pour la première fois de l'année 2020. Une éruption rapide et importante, alimentée par les nombreuses fissures de l'année passée : en 2019, volcan la pété ("le volcan a explosé" en créole réunionnais) pas moins de cinq fois.Du haut de ses 2632 mètres, c'est en effet l'un des volcans les plus actifs de nos jours, derrière le Kilauea sur l'île de Hawaï et l'Etna, en Italie, avec plus de 120 éruptions depuis le début du XXe siècle : en quarante ans, il a été en activité éruptive pendant 1850 jours. Son éruption la plus longue a eu lieu en 1998 : elle a duré 196 jours !
Volcan : 1998, la plus longue éruption des 100 dernières années à La Réunion #lareunion #jtrunhttps://t.co/9FNjYoNEwT
— Réunion la 1ère (@reunionla1ere) March 12, 2020
"Il faut prendre des pincettes, ce n'est pas le volcan le plus actif au monde", nuance Aline Peltier, directrice de l'Observatoire Volcanologique du Piton de La Fournaise (OVPF). Avec deux éruptions par an en moyenne depuis la création de l'observatoire, le volcan réunionnais produit des volumes dix fois moins importants que le Kilauea à Hawaï et est moins instable que des volcans comme le Stromboli, le Vanuata ou l'Etna. Mais l'activité du Piton de la Fournaise est pourtant bel et bien hors du commun :
On est dans un contexte de point chaud, c'est à dire au milieu d'une plaque. En temps normal le manteau est solide mais là il y a une anomalie qui fait que l’on a la fusion du manteau. Cela provoque une anomalie thermique en profondeur. Le fait qu’il y ait un volcan est lié au point chaud, il ne devrait pas y en avoir normalement. Ce point chaud fournit du magma en continu ce qui fait entrer le volcan en éruption régulièrement.
Aline Peltier, OVPF
Avec une telle activité, le Piton de la Fournaise est forcément très surveillé. Cette année, il sera même le volcan le plus densément instrumenté au monde avec 103 capteurs installés tout autour, qui renvoient toutes les 5 minutes des données précises sur son activité, des tremblements de terre aux dégazages en passant par les gonflements de la surface du volcan.
"Quand le magma gonfle le réservoir, cela peut durer quelques jours voir quelques mois", explique Aline Peltier. "Lorsque l'on arrive à plusieurs séismes par heure et un gonflement d'un mètre en une journée, c'est un signal pour alerter les autorités". Le Piton de la Fournaise, un "volcan bouclier", émet une lave très fluide, qui s'écoule mais n'explose pas. On parle alors d'éruption effusive avec des coulées de lave qui peuvent être prédites assez tôt et offrent un spectacle éternellement fascinant, pour les locaux comme les touristes.
"Mais il reste dangereux, c'est un volcan par définition", précise la directrice de l'OVPF. Il attire en moyenne 2000 visiteurs par jour et son massif abrite 200 000 personnes, sur une surface qui représente 1/3 de l'île de La Réunion. "99% des éruptions ont lieu dans une caldera (cratère volcanique, NDLR) inhabitée, mais des fissures peuvent s'ouvrir sur les chemins". Ainsi en 2003, La Réunion a enregistré le seul décès connu lié au volcan depuis l'arrivée de l'homme sur l'île : un étudiant qui se trouvait dans une zone interdite avait alors chuté dans une fissure à l'intérieur de laquelle une température de 260 dégrés avait été relevée.
La Soufrière, la cocotte-minute de la Guadeloupe
Posée majestueusement au coeur de la Basse-Terre, la Soufrière s'est fait oublier ces dernières années, portant bien son surnom créole de "vié madanm la" (vielle dame), en état de repos éruptif depuis sa dernière éruption en 1976-77. Mais cette dernière a laissé de lourdes traces dans la société guadeloupéenne, alors prise en otage à l'époque entre les intérêts divergents du volcanologue Haroun Tazieff et de Claude Allègre, alors président de l'IPGP.Basse-Terre, par exemple, l'ancienne capitale économique de la Guadeloupe, ne s'est jamais remise de l'évacuation de la population. Plus de 70 000 personnes avaient en effet été déplacées entre août et novembre 1976, sur ordre de la préfecture, en plus des 25 000 habitants qui avaient décidé en amont de se réfugier sur la Grande Terre, l'île voisine.
Plus de quarante ans après, peut-on redouter une nouvelle éruption de la Soufrière ? "Comme tous les volcans, on peut s'y attendre un jour", répondait Roberto Moretti, directeur de l'Observatoire de la Soufrière en Guadeloupe, lors d'une interview en 2018. Le volcan connaît en effet un regain d'activité ces derniers mois avec notamment, des séismes plus fréquents. Début avril 2020, une séquence de 257 séismes a été enregistrée en Guadeloupe, bien qu'aucun n'ait été signalé comme ressenti par la population.
Des fumerolles sont également repérées régulièrement, ce qui traduit un processus de surchauffe dans l'enceinte du volcan. La Soufrière est presque constamment en vigilance jaune "augmentation de l'activité globale", sur une échelle d'alerte volcanique qui va de vert (pas d'alerte) à rouge (alerte maximale).
Si tous les paramètres qui permettent de prévoir une éruption sont étroitement surveillés par l'observatoire et permettent d'avoir un regard sur le court terme, la prévision à long terme est un peu plus complexe.
Le long terme se base sur un catalogue, qui reprend toutes les informations disponibles sur le phénomène. Sur la base de ce catalogue, on ne peut pas nier que la Soufrière se trouve dans une période de probabilité qu’il y ait une activité comme celle de 1976, phréatique... même si on ne peut pas exclure une autre probabilité, plus faible, quant à d’autres types de scénarios éruptifs (notamment avec émission de magma).
Roberto Moretti
Une autre Soufrière laisse planer une menace sur la Guadeloupe : la Soufrière de Montserrat, sur l'île britannique située à moins d'une centaine de kilomètres du nord-ouest de la Basse-Terre. Plusieurs volcans de l'arc antillais sont nommés ainsi en raison de la présence naturelle de soufre alentour.
La Soufrière de Montserrat est en alerte rouge de niveau 1, étant en activité éruptive depuis 1995. C'est l'un des volcans les plus dangereux au monde ; son éruption en 1997 a rasé la capitale, Plymouth, en faisant une ville fantôme. En 2010, une nouvelle éruption a créé des panaches de fumée qui ont atteint la Guadeloupe et les îles du Nord, les recouvrant d'une mince pellicule de poussière.
La Montagne Pelée, l’impitoyable de la Martinique
Difficile d'évoquer la Montagne Pelée sans mentionner la catastrophe de 1902. Le 8 mai de cette année-là, une nuée ardente pareille à celle qui a rasé Pompéi de la carte dans l'Antiquité, retombe sur la ville de Saint-Pierre au Nord de la Martinique. Alors poumon économique et coeur culturel de l'île, la ville, surnommée "le petit Paris" est détruite. Ce matin-là, 29 000 personnes périssent en quelques minutes, sous les nuages de cendre et les rochers incandescents qui dévalent les pentes du volcan, ou bien noyés alors qu'ils tentaient de s'enfuir par la mer.Il y aura quelques survivants dont un célèbre, le prisonnier Louis-Auguste Cyparis. Condamné à de la prison après une bagarre dans laquelle il avait blessé un homme au couteau, Cyparis survit à la catastrophe, protégé par les murs épais du cachot dans lequel il était enfermé. Gravement brûlé, il sera sauvé puis participera aux foires organisées par l'américain Barnum, dans lesquelles il exposera ses cicatrices, faussement présenté comme l'unique survivant de l'éruption.
Le récit de la catastrophe par Martinique la 1ère :
À l'époque, la volcanologie n'est qu'à ses débuts et aucun des signes avant-coureurs qui se multipliaient depuis 1899 n'a pu permettre d'évacuer la population. Mais aujourd'hui, tout comme la Soufrière ou le Piton de la Fournaise, la Montagne Pelée est sous haute surveillance. De légers séismes sont régulièrement ressentis sur le territoire, mais aucune activité suspecte n'a été relevée ces dernières années. Dans son dernier bulletin, l'observatoire de la Montagne Pelée indique qu'aucune activité éruptive n’est à prévoir prochainement, avec un niveau d'alerte vert.
Depuis la fin de la dernière éruption magmatique en 1932, son activité a décru de manière significative. L’activité fumerollienne est nulle, l’activité hydrothermale poursuit un régime globalement en lente diminution. L’activité sismique est faible (...). On ne constate pas d’anomalie des autres paramètres de surveillance liée à une éventuelle remontée de magma (séismes profonds, déformations à grande échelle, gaz soufrés à haute température).
Le véritable danger actuellement pour la population autour du volcan réside dans les lahars, des coulées de boue d'origine volcanique qui se forment lorsque des pluies importantes s'abattent sur les flancs du volcan, emportant avec elles les débris volcaniques qui s'y trouvent. De taille aléatoire et donc, plus ou moins dangereux, ils peuvent être dévastateurs. Au premier trimestre 2018, la commune du Prêcheur avait dû déclencher à plusieurs reprises la sirène d'alerte et évacuer la population du bourg.
Reportage de Martinique la 1ère en juin 2019 :