Carnaval de Guadeloupe : lorsque tout un peuple revendique son identité et son histoire

Interview de Jean-Michel Samba, président du groupe carnavalesque Mas Ka Klé, extrait de "Guadeloupe carnaval en héritage" ©Antigone
De l’Épiphanie jusqu’au mercredi des Cendres, la fièvre du carnaval s'empare de l'archipel. Une pause joyeuse de plus d'un mois dont l'effervescence monte crescendo jusqu'à son apothéose : les jours gras. "Guadeloupe le carnaval en héritage", le documentaire inédit plonge au cœur de l'exaltation collective à travers l’engagement de jeunes Guadeloupéens à la recherche de leur patrimoine et de l’affirmation de leur identité.

Pour les Guadeloupéens, le carnaval a une valeur patrimoniale de premier plan où le réel se mêle parfois au mystique. Un véritable exutoire qui réunit toutes les couches sociales, abolit les différences et rebat les cartes en s’affranchissant de tous les tabous.

Portrait d'un Guadeloupéen participant à un déboulé

 

Le carnaval comme revendication identitaire

Le carnaval incarne l'appropriation d'une tradition importée par les colons européens et autrefois interdite aux esclaves. Pendant les jours gras, les carnavaliers ont les clefs de la ville. Cette conquête symbolise une sorte de revanche sur l’Histoire, à laquelle tout le monde veut participer.

Cette empreinte de liberté se manifeste à travers différents peuples qui ont su se faire respecter comme le Chaka Zoulou avec son armée. Les Kalinagos, les Amerindiens se sont battus pour ne pas perdre leur patrimoine et leur pays. C'est un peu tout ça. Revendiquer qui nous sommes, d'où nous sortons et ne pas se laisser faire parce que nous sommes aussi un peuple chargé d'Histoire. Nous devons le faire valoir, tout simplement.

Jean-Michel Samba, président du Mas Ka Klé

En Guadeloupe, le carnaval est festif et contestataire. Un défilé peut prendre des allures de mouvement social, avec ses slogans et ses messages sur des thèmes d’actualité : le chômage qui frappe un jeune sur deux, la vie chère, la pollution à la chlordécone. Certes, avec humour et dérision, en douceur et en musique, mais bien en marche.

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Les "gwoup a po" (groupes à peaux) apparaissent dans les années 80. Ils se différencient en utilisant des tambours traditionnels recouverts de peau de chèvre. Au "carnaval", mot des colons, ils préfèrent le terme de "mas", qui désigne tant le déguisement que le cortège populaire, nourri de traditions animistes. Ils défilent en "déboulé", une marche rapide et rythmée, destinée à bousculer l’ordre établi, mais aussi à transmettre la culture héritée des ancêtres. Les groupes à po deviennent les porte-voix des combats sociaux et culturels. Akiyo, groupe précurseur, a activement participé et soutenu le LKP, Liyannaj Kont Pwofitasyon, le mouvement social qui a soulevé les Antilles en 2009.

L'adhésion des jeunes à un phénomène qui prend de l'ampleur

Chaque année, la popularité de cette fête monte en intensité aux Antilles. Non seulement, les groupes rivalisent de créativité pour réaliser des déguisements et des parades toujours plus sophistiqués. Le nombre de leurs adhérents ne cesse d’augmenter, attirant de plus en plus de jeunes.

Un groupe de caisse-claire lors de son passage devant le jury

Comment expliquer cette vitalité et cette adhésion unanime de tout un peuple qui font de ce carnaval l’un des plus beaux, des plus variés et des plus intéressants de toutes les Caraïbes ? Comment cette tradition a progressivement imprégné la culture antillaise ? Et comment en retour, après l’abolition de l’esclavage, le carnaval s’est réinventé en intégrant des traditions et des croyances venues d’Afrique ou même d’Inde ?

Portrait d'une Guadeloupéenne participant à un déboulé


Le film suit des passionnés de différentes générations. Cette immersion au cours de cette parenthèse festive, propice aux révélations et aux confessions, permet de mieux comprendre leurs motivations et de saisir cette relation étroite que les Guadeloupéens entretiennent avec leur carnaval et son histoire. 

Alors que l'excitation monte à l'approche des jours gras, regardez le documentaire inédit : Guadeloupe le carnaval en héritage.

Ecrit et réalisé par Pierre Belet
Production Antipode productions avec la participation de France Télévisions
Durée 52 minutes - © 2024

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