Vous voyez ce grand homme au teint semi-bronzé, une casquette de coach sur la tête et un sourire bienveillant au coin des lèvres ? C'est Chanel Vainipo. Tout le monde vient lui serrer la main, lui faire une bise, ou l'interpeller. "Eh coach !" L'homme de 55 ans nous reçoit pendant l'entraînement des jeunes rugbymen du Montpellier Hérault Rugby (MHR). Le soleil du Sud de l'Hexagone réchauffe et éblouit. Lui vient de finir d'entraîner les U11 et les U12. Il reste pour donner un coup de mains aux autres.
Chanel est né à Wallis dans une fratrie de neuf enfants. Lui est le deuxième. Aujourd'hui, ses frères et sœurs sont tous éparpillés entre Wallis et Futuna, la Nouvelle-Calédonie et l'Hexagone. De son côté, il a atterri en France métropolitaine à 18 ans, pour son service militaire, obligatoire à l'époque. "Après le service militaire, je serais retourné sur l'île pour quoi faire ?", répond-il en haussant les épaules lorsqu'on lui demande pourquoi il est resté dans l'Hexagone.
Cet homme constamment enjoué a trouvé sa place à Montpellier. Et dans son club. C'est d'ailleurs un des piliers de l'association. Le MHR a pour ambition de former les jeunes afin de les envoyer là-haut, montre le Wallisien. Il pointe du doigt le grand stade, situé à quelques dizaines de mètres de là, où les professionnels du club de rugby de Montpellier évoluent.
L'atout de Chanel ? Sa bienveillance, son expertise. Il a toujours le sourire. Il est très attentif au bien-être et au développement des enfants.
Jean-Michel Arazo, président de l'association Montpellier Hérault Rugby
"Je suis celui qui est là pour les gamins"
D'abord installé dans le Nord de l'Hexagone, puis vers Montauban, où il a passé quelque temps avec les parachutistes de l'armée, Chanel arrive par hasard à Montpellier pour le travail. Dans un casino, d'abord. Puis au sein de la police municipale de Balaruc-les-Bains, une ville de la région montpelliéraine, ensuite. Il y devient médiateur. "Je suis celui qui est là pour les gamins", explique-t-il, insistant bien sur le fait qu'il n'est pas policier. Son rôle, c'est de résoudre les problèmes avant qu'ils ne dégénèrent. Une sorte de super-héros, dirait-on.
Aider la jeunesse, soutenir la jeunesse, faire briller la jeunesse. C'est un schéma que l'on retrouve dans tous les aspects de la vie du Wallisien, père de quatre enfants. Ce sont d'ailleurs ces derniers qui l'ont plongé dans le monde du rugby. Aujourd'hui, ses deux plus grands fils, François (24 ans) et Chanel Junior (22 ans), jouent pour le plaisir dans le club de Metz, en Fédérale 2 (le premier a même joué avec l'équipe de France junior). Le dernier "fiston", qui a 17 ans, s'entraîne avec lui, à Montpellier. Sa fille, en revanche, est moins branchée rugby.
Pourtant, Chanel n'était pas prédisposé à mettre un pied dans l'Ovalie. Car si des rugbymen renommés sont nés dans le même archipel que lui (comme Moefana, Liufau ou Falatea), le rugby n'était pas un sport d'avenir à Wallis et Futuna lorsqu'il a quitté l'île, en 1987. "On jouait un peu au foot, au cricket, au volley-ball... Mais pas du tout au rugby. Le rugby est venu après, par quelques Wallisiens qui se sont entraînés ici en France."
Créer une académie à Wallis et Futuna
Fier d'avoir remporté des titres avec ses jeunes, après 14 ans passés au sein du club, Chanel commence pourtant à avoir le mal du pays. Il n'est pas retourné à Wallis et Futuna depuis sept ans. "J'ai envie de retourner sur mon île, de travailler auprès des jeunes là-bas", avoue-t-il.
L'entraîneur lâche alors un petit secret (qui n'en est plus tellement un). Depuis quelque temps, il a un projet en tête : créer un centre de formation de rugby à Wallis et Futuna. Là-bas, il voudrait y former les Wallisiens et Futuniens. Pour éviter qu'ils ne soient déracinés. Car, selon lui, là est le mal des jeunes issus de son territoire : pour exceller dans le rugby, ils doivent tout quitter et migrer en Nouvelle-Calédonie ou dans l'Hexagone. Très souvent aux dépens de leur développement personnel. "La difficulté, c'est que les gamins à Wallis n'ont pas de compétition", analyse Chanel Vainipo.
À Wallis et Futuna, il manque de l'argent pour se déplacer entre les îles. Ici [dans l'Hexagone], on a cette chance de la compétition. On peut bouger à droite à gauche. On joue. C'est ça qui fait le point fort des gamins.
Chanel Vainipo, entraîneur de rugby
Son projet d'académie a reçu le soutien de son club de Montpellier et du sénateur de Wallis et Futuna, qu'il doit rencontrer pour concrétiser les démarches à suivre. Prochaine étape ? Emmener les dirigeants du Montpellier Hérault Rugby sur l'archipel, pour leur montrer l'état du rugby sur place et les convaincre du potentiel sportif du territoire. Et obtenir l'approbation des rois de l'archipel, des chefs de villages et des autorités locales. "S'ils disent oui, c'est bon", sourit Chanel, l'éternel optimiste.
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"Une semaine à Montpellier"
Le samedi 25 février, La1ere.fr vous proposera de vivre en direct le carnaval antillais de Montpellier, l'un des plus importants de France hexagonale. En prélude à ce rendez-vous, nous vous proposons toute cette semaine une série de rencontres avec des Ultramarins de Montpellier et sa région. Ces rencontres et portraits sont à découvrir en cliquant ici.