Cinq ans après l’accord de Paris sur le climat, les scientifiques s’inquiètent. Le niveau des océans pourrait s’élever de plus d’1 mètre d’ici 2100. Un scénario catastrophe pour les Outre-mer. « Outre-mer, et si on bougeait les lignes ? » fait le point sur la menace.
Outre-mer la 1ère•
Au Prêcheur, en Martinique, l’homme regarde la mer d’un oeil méfiant. Pour sauver son restaurant en bord de plage, Jojo Gustave a dû investir plusieurs dizaines de milliers d’euros pour consolider l’enrochement. La houle est souvent forte ici et son établissement est directement menacé de disparition. « Pratiquement tous les 2 ans, on a des dégâts d’eaux, raconte-t-il. On vit avec ça. Du moment qu’ils annoncent de grosses vagues, on est forcé de tout déménager et de tout remettre. »
Le 12 décembre 2015, au Bourget, Laurent Fabius se réjouissait pourtant de sceller à Paris un accord jugé historique pour le climat. Au terme d’âpres négociations dans le cadre de la COP21, 195 États signaient finalement cet engagement pour maintenir la température mondiale à 1,5°C d’ici 2100. Mais cinq ans après, le constat est sans appel : le réchauffement de la planète se poursuit inexorablement et avec lui, l’élévation du niveau des mers qui pourrait monter de plus d’1 mètre jusqu’en 2100.
La fonte du Groenland et de l’antarctique, en particulier, s’accélère. Le glacier de Thwaites a donné des sueurs froides l’an passé aux scientifiques. Ce glacier, situé à l’ouest de l’Antarctique, perd chaque année 40 milliards de tonnes de glace ! Sur les images satellite de l’agence spatiale européenne (ESA), on voit aussi le recul de son voisin, Pine Island, en moins d’un an. Cet autre géant est responsable de 20% de la perte totale de l’Antarctique. Plus à l’est enfin, on pensait que le Denman était à l’abri mais le glacier devient également instable selon une étude récente des chercheurs du Jet Propulsion Laboratory de la NASA.
« Une fois que ces gros monstres de l’Antarctique se mettent en déséquilibre, c’est très difficile de les arrêter, explique Eric Rignot, professeur de science du système terrestre à l’université de Californie et co-auteur de cette étude, à Outre-mer la 1ère. Il faudrait pratiquement faire revenir le climat en arrière et il y a même une étude récente qui montre que, non seulement il faudrait revenir en arrière mais même à un climat plus froid pour pouvoir les ralentir. »
Des scénarios effrayants
Selon une autre étude menée par 22 experts publiée en mai 2019, le niveau des océans pourrait même augmenter de deux mètres d’ici la fin du siècle ! Des estimations qui dépassent les pires projections du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat(GIEC). « Si nous vivions un tel scénario dans les quatre-vingts prochaines années, de nombreux endroits, en particulier les petites îles du Pacifique, seraient inhabitables, prévient Jonathan Bamber, glaciologue à l’université de Bristol (Royaume-Uni) et premier auteur de l’étude cité par Le Monde. Cela entraînerait des conséquences à des échelles qui sont inimaginables. »
En novembre 2019, un rapport du Sénat sur les risques naturels majeurs dans les Outre-mer a déjà pointé ce danger et ses conséquences pour les habitants. « Considérant l’exiguïté du territoire, le bourg de Miquelon sera difficilement "habitable" sur le long terme », envisageant un nécessaire « repli territorial à long terme.».
Toujours selon ce rapport, les habitants des îles du Pacifique pourraient également voir leur vie complètement changer. « L’élévation du niveau de la mer va conduire, dans les atolls notamment, à la salinisation non seulement des terres mais aussi des lentilles d’eau douce souterraines, privant à terme les populations de leur ressource en eau douce mais aussi de l’exercice de leurs activités de culture et d’élevage, les contraignant dans les cas extrêmes à devoir quitter leur territoire. » Ainsi à Wallis et Futuna, la montée des eaux pourrait aggraver la houle cyclonique et limiter l'effet protecteur du récif corallien, ce qui, à terme pourrait aussi entraîner un déplacement des habitants résidant en bord de mer vers des zones plus hautes. Même la Guyane ne devrait pas être épargnée avec une forte érosion de son littoral.
Pour Virginie Duvat, Professeure de géographie à l’Université de La Rochelle et contributrice au rapport du GIEC sur l’océan et la cryosphère publié en septembre 2019, les Outre-mer français seront évidemment en première ligne face à la montée des eaux.
« C’est un phénomène qui devrait être pris au sérieux par les grands décideurs de ce monde puisqu’effectivement il va renforcer trois risques préoccupants dans un certain nombre de territoires d’Outre-mer : le risque d’érosion côtière, le risque de submersion marine et puis la salinisation des sols et des nappes d’eau souterraine lors des épisodes de submersion marine. »
Des solutions locales, Caroline Marie, journaliste à Outre-mer la 1ère, en a également vu beaucoup. Pour sa chronique Planète Outre-mer, elle sillonne les territoires et va à la rencontre de leurs habitants, confrontés au changement climatique. Elle viendra sur le plateau de l’émission partager cette expérience de terrain.