Crash du Rio-Paris : Airbus et Air France relaxés, les proches des victimes "écœurés"

Le constructeur européen Airbus et la compagnie Air France, poursuivis pour homicides involontaires après le crash en 2009 du vol AF447 Rio-Paris qui a fait 228 morts, ont été relaxés lundi à Paris. Parmi les victimes, deux sont calédoniennes et l'une Réunionnaise.

Près de quatorze ans après la catastrophe, le tribunal correctionnel de Paris a mis hors de cause les deux entreprises, jugeant que, si des "fautes" avaient été commises, "aucun lien de causalité certain" avec l'accident n'avait "pu être démontré".

Peu après 13H30, la vaste salle d'audience était remplie de proches des victimes, des équipes d'Air France et d'Airbus ainsi que de journalistes. À l'annonce de la relaxe, certaines parties civiles se sont levées comme stupéfaites, avant de se rasseoir, alors que la présidente continuait sa lecture dans un lourd silence. "Nous attendions un jugement impartial, ça n'a pas été le cas. Nous sommes écœurés", a réagi Danièle Lamy, présidente de l'association Entraide et Solidarité AF447. "Il ne reste de ces 14 années d'attente que désespérance, consternation et colère".

"On nous dit : 'responsable, mais pas coupable'. Et c'est vrai que nous, on attendait le mot 'coupable' ", a déclaré Me Alain Jakubowicz, un de leurs avocats.
Air France "prend acte du jugement", selon un communiqué. "La compagnie gardera toujours en mémoire le souvenir des victimes de ce terrible accident et exprime sa plus profonde compassion à l'ensemble de leurs proches".

Airbus a estimé que cette décision était "cohérente" avec le non-lieu prononcé à la fin de l'instruction en 2019. Le groupe "exprime" lui aussi sa "compassion" aux proches des victimes, et "réaffirme (son) engagement total (...) en matière de sécurité aérienne".

Givrage des sondes

Le 1er juin 2009, le vol AF447 reliant Rio de Janeiro à Paris s'est abîmé en pleine nuit dans l'Atlantique, quelques heures après son décollage, entraînant la mort de ses 216 passagers et 12 membres d'équipage.

À bord de l'A330 immatriculé F-GZCP se trouvaient des personnes de 33 nationalités. 72 Français étaient à bord, dont deux Calédoniens et un steward réunionnais. Le jour du drame, le Réunionnais de 39 ans rentrait de vacances au Brésil avec son amie Céline Guittard à bord du vol AF447. "C’est un jour particulier pour nous, avait confié Dominique Henri, l'un des frères du steward sur Réunion La 1ère. 

Il s'agit de l'accident le plus meurtrier de l'histoire des compagnies françaises. Les premiers débris ont été retrouvés dans les jours suivants le crash. Mais l'épave n'a été localisée que deux ans plus tard, après de longues recherches, à 3.900 mètres de profondeur.

Les boîtes noires ont confirmé le point de départ de l'accident : le givrage des sondes de vitesse Pitot alors que l'avion volait à haute altitude dans la zone météo difficile du "Pot au noir", près de l'équateur.

Déstabilisé par les conséquences de cette panne, l'un des copilotes a adopté une trajectoire ascendante et, dans l'incompréhension, les trois pilotes n'ont pas réussi à reprendre le contrôle de l'avion qui a décroché et heurté l'océan 4 minutes et 23 secondes plus tard.
Les investigations ont montré que des incidents de sondes similaires s'étaient multipliés dans les mois précédant l'accident.

"Imprudences fautives"

Pour le tribunal, Airbus a commis "quatre imprudences ou négligences", notamment ne pas avoir fait remplacer le modèle des sondes Pitot dites "AA", qui semblait geler plus souvent, sur la flotte A330-A340, et le fait d'avoir fait preuve de "rétention d'information" par rapport aux compagnies.
Air France a commis deux "imprudences fautives", liées aux modalités de diffusion d'une note d'information adressée à ses pilotes sur la panne des sondes.

Néanmoins, selon le tribunal, sur le plan pénal, "un lien de causalité probable n'est pas suffisant pour caractériser un délit. En l'espèce, s'agissant des fautes, aucun lien de causalité certain n'a pu être démontré avec l'accident".

Lors du procès qui s'est déroulé du 10 octobre au 8 décembre, le parquet avait requis la relaxe, estimant que la culpabilité des entreprises était "impossible à démontrer"