[DECRYPTAGE] Peut-on réparer l'esclavage ?

Scène de punition d'un esclave
Peut-on, et doit-on réparer l'esclavage? Depuis 2006 et l'instauration des premières cérémonies de commémoration des victimes, le débat fait régulièrement surface. Que demandent les associations de descendants de victimes, et quelle est la position gouvernementale? Le point avec ce décryptage



Ce 10 mai, François Hollande et Emmanuel Macron, le président sortant et le président élu seront réunis dans le jardin du Luxembourg, à Paris, pour commémorer la Journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions.
L'occasion pour un vieux débat de refaire surface :  doit-on réparer l'esclavage? Adoptée en 2001, la loi Taubira sur la reconnaissance de l'esclavage comme Crime contre l'humanité ne mentionne pas le mot "réparation", même si elle stipule bien que les "programmes scolaires et de recherche (…) accorderont à l'esclavage la place conséquente qu'ils méritent".

 

Des présidents très prudents

Chaque 10 mai reste l'occasion de s'intéresser à la position présidentielle sur la question.  Jacques Chirac, et même Nicolas Sarkozy, pourtant héraut de l'anti repentance ont tous deux plaidé pour le devoir de mémoire. "Si nous ne sommes pas responsables des fautes de nos aïeux, nous ne pouvons pas nous exonérer de la responsabilité de celles que nous pourrions commettre en invoquant la terrible excuse des lâches: 'nous ne savions pas !'", déclarait même Nicolas Sarkozy le 10 mai 2011.
 

Une réparation "impossible"

Son successeur François Hollande abordera le premier la question des réparations. Dans un premier temps, en 2013, il la jugera "impossible". "Le seul choix possible, le plus digne, le plus grand, c’est la mémoire, la vigilance et la transmission", ajoutait alors le président de la République.
 
Deux ans plus tard, le même président Hollande est en Guadeloupe, pour inaugurer le Memorial ACTe, mémorial sur l'esclavage, et évoque une réparation "morale".  Il enchaîne sur des paroles qui vont créer un quiproquo en assurant "quand je viendrai à Haïti, j'acquitterai à mon tour la dette que nous avons"; laissant à son entourage le soin de désamorcer en parlant de "dette morale", quand beaucoup imaginaient un acquittement financier.

 

Que demandent les associations?

Elles sont elles-mêmes divisées. Certains comme le Mir, le Mouvement international pour les réparations, présidé par Garcin Malsa en Martinique réclament de l'argent. En l'occurrence plus de 200 milliards d'euros, à verser à la Collectivité.
 

D'autres, comme le Cran, le Conseil représentatif des associations noires, militent, entre autres pour la création d'un musée de l'esclavage dans l'Hexagone. Un musée qui serait financé par les institutions qui ont bénéficié de la traite négrière, à l'instar de la Banque de France.
"Nous avons un musée de la pipe, un musée de la cloche, un musée des papillons, un musée du talc, un musée du sel, un musée de la dentelle, 12 musées du sabot, bref, plus de 12 000 musées au total, mais toujours pas de musée consacré à l’esclavage, crime contre l’humanité", écrivait Louis George Tin dans une tribune au Monde en 2016.

Un rapport, remis au gouvernement en mars,  préconise la création d'une Fondation à l'Hôtel de la Marine à Paris, longtemps siège du ministère de la Marine et des Colonies. 

Une nouvelle date

En janvier 2017, une dernière concession est accordée par l'Etat: une nouvelle journée nationale de commémoration des victimes de l'esclavage. Le 23 mai, date choisie en mémoire de la grande marche silencieuse du 23 mai 1998 qui avait réuni près de 40 000 personnes à Paris.