Il y a ceux qui sont contents de voir le gouvernement prendre un virage à droite. Ceux qui prévoient déjà de voter une motion de censure. Et il y a ceux qui préfèrent attendre de voir pour juger de l'efficacité du nouvel exécutif. L'annonce de la composition du gouvernement de Michel Barnier samedi a entériné l'alliance de circonstance entre l'ex-majorité présidentielle (Renaissance, le MoDem et Horizons) et le parti Les Républicains. Parmi les entrants, François-Noël Buffet, figure de la droite sénatoriale, a récupéré le portefeuille des Outre-mer et succédera à Marie Guévenoux lundi, après la passation de pouvoir.
"Apparemment, il connaît bien la Nouvelle-Calédonie... C'est quoi la situation en Nouvelle-Calédonie aujourd'hui ? S'il connaît bien, on ne peut pas dire qu'il a été un bon porte-parole en faveur [du territoire]", tacle d'entrée de jeu le député insoumis de La Réunion Jean-Hugues Ratenon dans l'émission Dimanche Politique sur Réunion la 1ère.
Il faut dire que la gauche a le gouvernement Barnier amer. Le Nouveau Front Populaire, arrivé en tête au soir du second tour des élections législatives début juillet, avait espoir de diriger le pays derrière Lucie Castets. Mais, jugeant la majorité de gauche trop instable, Emmanuel Macron a préféré donner les clés du pouvoir à Michel Barnier, dont le parti, Les Républicains, est arrivé cinquième du scrutin. La nouvelle majorité LR-Renaissance-MoDem-Horizons à l'Assemblée nationale est plus forte (avec 212 députés) que celle du NFP (193). Et donc susceptible de durer plus longtemps.
Jean-Hugues Ratenon s'insurge tout de même contre cette "violation de la démocratie". Comme lui, ses collègues siégeant dans les groupes de gauche au Palais Bourbon s'apprêtent à voter une motion de censure à l'issue du discours de politique générale que doit tenir Michel Barnier le 1ᵉʳ octobre. "On ne restera pas les bras croisés à subir cette politique dévastatrice", a tancé Davy Rimane, député GDR de Guyane et ancien président de la délégation aux Outre-mer de l'Assemblée nationale, sur Guyane la 1ère.
Philippe Naillet, élu socialiste de La Réunion, place lui aussi peu d'espoir dans le nouveau ministre des Outre-mer François-Noël Buffet, réputé très à droite sur les questions migratoires et sociétales. "[Il] ne s’est pas particulièrement distingué dans le passé sur les questions ultramarines", juge-t-il, malgré quelques travaux parlementaires sur la Nouvelle-Calédonie, les Antilles ou encore Mayotte qu'il a contribué à rédiger.
"Faire plus pour les Outre-mer"
D'autres personnalités politiques n'ont pas daigné réagir à la nomination du nouveau ministre des Outre-mer (le septième depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron) qui aura de nombreux dossiers brûlants à gérer, comme la crise en Nouvelle-Calédonie ou en Martinique. Béatrice Bellay, députée PS de Martinique, est davantage concentrée sur les tensions qui frappent sa circonscription de Fort-de-France plutôt que sur les nominations ministérielles. "La priorité demeure d'apporter de véritables réponses à la vie chère qui asphyxie depuis 15 ans la population", écrit-elle dans un communiqué réclamant l'instauration d'un dialogue pour sortir de la crise et remédier au problème de la vie chère.
Beaucoup d'autres parlementaires sont aussi restés silencieux après l'annonce de la composition du gouvernement. Estelle Youssouffa (LIOT, Mayotte), Moerani Frebault (Renaissance, Polynésie française), Joseph Rivière (Rassemblement national, La Réunion)...
Olivier Serva, élu LIOT de Guadeloupe, ne voit pas le nouveau gouvernement avec enthousiasme, malgré la position constructive toujours revendiquée par son groupe à l'Assemblée. "Tout ça pour ça", a-t-il réagi sur Guadeloupe la 1ère. "Le Premier ministre et le président de la République s'étaient engagés à avoir un gouvernement d'ouverture (...). C'est pas ce que nous voyons. Nous voyons un gouvernement à droite toute."
Pourtant membre du groupe RDPI au Sénat, qui regroupe les macronistes et plusieurs sénateurs ultramarins, la Guadeloupéenne Solanges Nadille appelle les progressistes de sa famille politique à la vigilance. "Certains membres [du gouvernement] très à droite ne me [conviennent] pas", admet la sénatrice, qui demande à l'exécutif de "faire beaucoup plus pour les Outre-mer". Même parmi les groupes centristes, les réjouissances se font rares.
Dialogue et concertation
Il n'y a qu'à droite toute, justement, que le nouveau gouvernement et l'arrivée de François-Noël Buffet satisfont. "Allez, au travail. La Nouvelle-Calédonie vous attends [sic]", a posté le député calédonien loyaliste Nicolas Metzdorf sur son compte X. Son collègue non-indépendantiste du Sénat, Georges Naturel, a salué tous ses camarades Les Républicains qui ont été nommés au gouvernement. Les deux parlementaires de Nouvelle-Calédonie ont de quoi se réjouir avec ce nouvel équilibre gouvernemental : la droite républicaine, dont sont issus le nouveau Premier ministre et le nouveau ministre des Outre-mer, est historiquement favorable au maintien du Caillou dans la République. François-Noël Buffet avait par ailleurs voté le dégel du corps électoral lors de l'examen de la réforme au Sénat, une revendication forte du camp non-indépendantiste.
De l'autre côté de l'échiquier politique calédonien, l'ancien président du Congrès de Nouvelle-Calédonie et figure du FLNKS, Roch Wamytan, n'a pas condamné d'office la nomination du nouveau ministre qui sera en charge des dossiers ultramarins. Sur le plateau de Nouvelle-Calédonie la 1ère, dimanche, il a évoqué un "nouveau ministre qui nous connaît et qu'on connaît, comme ses capacités de dialogue et de concertation (…). On espère qu'il pourra faire avancer le dossier de Saint-Louis [où deux hommes ont récemment été tués lors d'une intervention des gendarmes, NDLR]… mais par la concertation."
Micheline Jacques, sénatrice LR de Saint-Barthélemy, ne doute pas des compétences du nouveau locataire de la rue Oudinot pour régler les nombreux dossiers ultramarins. Elle s'est réjouie de l'arrivée au gouvernement de son ancien collègue qui siégeait dans le même groupe qu'elle au Palais du Luxembourg. "François-Noël Buffet saura être à la hauteur des nombreux défis des Outre-mer", a-t-elle posté sur X, applaudissant au passage le rattachement du portefeuille des Outre-mer à Matignon.
Contents ou irrités, attentifs ou frustrés, les élus auront un rôle crucial pour déterminer l'avenir du nouveau gouvernement emmené par Michel Barnier. Et notamment les députés, qui sont les seuls à disposer du pouvoir de renverser le Premier ministre et son équipe. Le Réunionnais Jean-Hugues Ratenon insiste bien : pour les représentants de la gauche, "le principal, c'est de sanctionner le plus rapidement possible ce gouvernement afin de le faire tomber".