La Nouvelle-Calédonie s'enfonce dans la crise. La Martinique s'embrase sur le sujet de la vie chère. Les autres territoires d'Outre-mer, eux aussi concernés par la question du pouvoir d'achat, pourraient basculer dans la même situation. L'immigration continue de faire débat, en particulier à Mayotte et en Guyane... À peine nommé au ministère des Outre-mer, qui est désormais rattaché au Premier ministre et non plus au ministère de l'Intérieur, le sénateur François-Noël Buffet va devoir s'emparer rapidement de dossiers urgents concernant les territoires ultramarins. Outre-mer La 1ère vous détaille les cinq grands sujets qui vont occuper le nouveau locataire de la rue Oudinot.
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La crise politique et économique en Nouvelle-Calédonie
Le vote de la réforme sur le dégel du corps électoral calédonien a embrasé la Nouvelle-Calédonie. Depuis le mois de mai, le Caillou est en proie à une crise inédite qui rappelle les heures sombres des Évènements des années 1980. 13 personnes ont été tuées (les deux dernières victimes remontent au 19 septembre, lors d'une opération de gendarmerie à Saint-Louis), des centaines de maisons, d'entreprises et de véhicules ont été pillés, incendiés et dégradés, les services et l'économie du territoire ont dû s'adapter aux blocages... Début juillet, le gouvernement local estimait le coût de la crise à 265 milliards de francs pacifique (soit 2,2 milliards d'euros).
Si la dissolution de l'Assemblée nationale a entraîné la suspension de la tant controversée réforme constitutionnelle sur le dégel du corps électoral, la vie n'est toujours pas revenue à la normale en Nouvelle-Calédonie. Fin juillet, le président Emmanuel Macron a reçu les quatre parlementaires du territoire (deux non-indépendantistes, deux indépendantistes) pour évoquer la suite politique à donner à la crise. "Entre les élections, la dissolution, les Jeux Olympiques, la mise en place du gouvernement… Tout ce qui se passe au pays [en Nouvelle-Calédonie, ndlr] doit être quand même un enjeu prioritaire pour l'État. On est venus le rappeler", résumait le sénateur kanak Robert Xowie au sortir de la réunion.
Si Emmanuel Macron compte bien garder la main sur le dossier calédonien, géré jusque-là par Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, il devra avancer de concert avec le nouveau Premier ministre, Michel Barnier, issu de la droite. Selon le député loyaliste Nicolas Metzdorf (Renaissance) qui a rencontré le chef du gouvernement jeudi 19 septembre, Matignon compte bien s'emparer du dossier : "Il m'a assuré que c'est désormais Matignon qui allait piloter le dossier avec un délégué interministériel ou un secrétaire général, en tout cas un 'Monsieur Nouvelle-Calédonie', qui serait attaché à Matignon pour faire vivre le dossier", a indiqué le Calédonien à La 1ère.
Le couple exécutif, appuyé par le ministre en charge des Outre-mer François-Noël Buffet, qui connaît déjà bien le dossier calédonien, devra vite résoudre la question du corps électoral. Le gouvernement voudra-t-il remettre son projet de loi à l'ordre du jour ? Ou bien attendra-t-il que les acteurs locaux trouvent eux-mêmes un accord ? Les élections provinciales, d'abord prévues en mai, mais décalées au plus tard au 15 décembre 2024, seront-elles de nouveau reportées ? Qui pourra voter ? Beaucoup de questions auxquelles le nouveau gouvernement devra répondre rapidement.
Il faudra par ailleurs que le pouvoir sorte la Nouvelle-Calédonie de la crise alors que le territoire s'enfonce dans un marasme économique et que l'industrie du nickel s'effondre.
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La lutte contre la vie chère
Il n'y a plus besoin de le démontrer : en Outre-mer, le coût de la vie est bien plus élevé que dans l'Hexagone, au point que plusieurs territoires ont manifesté le 1er septembre contre la vie chère. Les Martiniquais notamment multiplient les actions en tentant de bloquer le port de Fort-de-France ou en abandonnant leurs courses aux caisses d'un hypermarché. Depuis, le département antillais s'enfonce dans la crise. Des émeutes touchent certains quartiers soumis à un couvre-feu. Samedi 21 septembre, l'État a décidé d'envoyer la CRS 8 pour lutter contre les débordements.
Une commission d'enquête parlementaire s'était longuement penchée sur la question du coût de la vie en Outre-mer l'année dernière. Éloignement, dépendance aux importations, coût du fret, pratiques anticoncurrentielles... Les explications sont nombreuses pour tenter de comprendre le phénomène.
Dans les rayons des supermarchés, les prix des produits sont exorbitants. La récente crise inflationniste liée en partie à la guerre en Ukraine n'a pas arrangé les choses. Les Ultramarins, qui sont par ailleurs davantage touchés par le chômage et la pauvreté que leurs concitoyens de l'Hexagone, sont complètement étranglés économiquement. Il y a un an, l'Insee précisait que l'écart de prix des produits alimentaires en Outre-mer avec ceux de l'Hexagone frôlait les 40 % aux Antilles et en Guyane, 37 % à La Réunion et 30 % à Mayotte.
L'État, régulièrement alerté sur la situation, a pris quelques mesures pour atténuer la cherté de la vie ultramarine. Les autorités ont par exemple mis en place un bouclier qualité-prix dans certains territoires, bloquant le prix d'une sélection de produits de première nécessité. Une mission sur les monopoles et oligopoles dans les départements, régions et collectivités ultramarines a aussi été lancée par le gouvernement.
Mais ce n'est pas suffisant. Le gouvernement a donc lancé plusieurs pistes pour régler le problème de la cherté de la vie dans ses 72 mesures du Comité interministériel des Outre-mer (CIOM), présentées en juillet 2023. Parmi celles-ci, il prévoyait de réformer l'octroi de mer, de revoir la régulation des prix du carburant, d'octroyer davantage d'aides pour financer les billets d'avion ou encore de dynamiser les économies en favorisant l'intégration régionale des territoires avec les pays voisins... François-Noël Buffet devra vite détailler ses ambitions pour améliorer le pouvoir d'achat des Ultramarins ainsi que la continuité territoriale.
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L'immigration à Mayotte et en Guyane
Haïti, Comores, Syrie... De nombreux demandeurs d'asile et migrants économiques trouvent refuge dans les territoires d'Outre-mer, et en particulier à Mayotte et en Guyane. Mais, souvent, les infrastructures d'accueil ne sont pas suffisantes pour répondre à toutes les demandes. Les personnes immigrées dans les départements et régions ultramarines vivent donc généralement dans des conditions précaires et sont parfois rejetées par la population.
En 2023, Mayotte a enregistré 2650 demandes d'asile, en provenance principalement des Comores, de Madagascar et, de plus en plus, d'Afrique des Grands Lacs. On estime que près de la moitié de la population y est d'origine étrangère.
Dans cet archipel de l'océan Indien, le sentiment antimigrants ne cesse de s'accentuer au fur et à mesure que les kwassas débarquent sur les plages mahoraises. Il est arrivé à son paroxysme fin 2023. Après une période d'accalmie sur le front de la délinquance et de l'insécurité suite à l'opération Wuambushu, les renforts policiers ont quitté le département. Les agressions et caillassages sont repartis de plus belle. Les habitants, excédés, ont alors concentré leur colère sur un camp de migrants installé autour du stade de Cavani, à Mamoudzou.
Pendant plusieurs semaines, les Mahorais et Mahoraises, regroupés dans des collectifs, ont organisé le blocage du département, asphyxiant l'économie et réclamant au gouvernement des mesures fortes. Gérald Darmanin, dépêché par Emmanuel Macron, s'est aussitôt rendu sur place, y annonçant la suppression totale du droit du sol (via une réforme constitutionnelle) et un projet de loi Mayotte visant à répondre aux maux du territoire ultramarin sur le plan économique, social ou encore sécuritaire. Avec l'annonce surprise de la dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron en juin, ces deux textes sont néanmoins passés à la trappe.
Avec l'annonce du nouveau gouvernement, samedi, il faut s'attendre à un durcissement de la politique migratoire en France en général, dans les Outre-mer en particulier. Car, que ce soit au ministère de l'Intérieur, avec le sénateur Les Républicains Bruno Retailleau, ou au ministère des Outre-mer, avec François-Noël Buffet, le dossier "immigration" sera géré par des partisans d'une plus grande restriction de l'accueil des migrants. Les deux hommes de droite ont la réputation d'être particulièrement hostile à l'immigration.
Les questions liées à l'accueil des migrants deviennent de plus en plus prenantes en Guyane aussi. Entre 2022 et 2023, le nombre de demandeurs d'asile originaires principalement d'Haïti, de Syrie et d'Afghanistan y a doublé. Or, cet afflux inquiète les autorités guyanaises, qui s'estiment démunies pour accueillir dignement tout le monde. "Je pense qu’actuellement, il n’y a aucune solution pour répondre de façon digne à tous ces migrants (...) qui arrivent sur notre territoire", disait en avril Sandra Trochimara, la maire de Cayenne, après une nouvelle arrivée de réfugiés dans sa commune.
Dans le chef-lieu guyanais, les migrants s'installent dans des bidonvilles sur la place des Amandiers, régulièrement évacuée, ou bien dans le squat de Baduel, touché par un incendie fin juillet. La semaine dernière, la maire, qui avait fait une grève de la faim en 2022 pour alerter sur les conditions d'accueil des réfugiés, s'est rendue à Paris pour évoquer le sujet avec le chef de cabinet du président de la République.
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L'accès à l'eau potable
Il n'est pas rare que l'ONU rappelle la France à l'ordre concernant le droit d'accès à l'eau potable de ses habitants d'Outre-mer. "Un réseau vétuste, des canalisations qui fuient, des stations d'épuration défectueuses, un logiciel de facturation défaillant, entre autres dysfonctionnements, sont le résultat de nombreuses années de négligence de la part des opérateurs privés, des collectivités locales et de l'État", grondaient des experts du Conseil des droits de l'homme au mois de mars, appelant les autorités à garantir l'accès à l'eau potable en Guadeloupe.
Que ce soit en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion ou à Mayotte, bon nombre d'Ultramarins rencontrent des difficultés d'accès à la ressource, ce qui engendre de graves problèmes sanitaires et économiques. En 2022, selon le Conseil économique, social et environnemental (CESE), 30 % de la population de Mayotte était concernée. En Guyane, le taux était entre 15 % et 20 %.
Dans les mesures du CIOM, le gouvernement promettait une deuxième usine de dessalinisation à Mayotte. Celle-ci devrait voir le jour en 2025. L'État prévoyait aussi de renforcer son plan eau DOM. Mais les changements récurrents de ministres des Outre-mer n'ont pas permis d'avancer aussi rapidement qu'annoncé.
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Les demandes d'évolution institutionnelle
Si l'avenir de la Nouvelle-Calédonie est sans aucun doute le dossier le plus brûlant auquel devra s'atteler l'exécutif dans les prochains mois, l'évolution institutionnelle des autres territoires d'Outre-mer reste également un sujet d'actualité pour les collectivités ultramarines. En 2022, réunis à Fort-de-France, de nombreux dirigeants d'exécutifs régionaux et départementaux avaient lancé un appel pour redéfinir les relations entre l'État et les Outre-mer.
Les élus ultramarins ont depuis été reçus plusieurs fois par le chef de l'État. Mais rien n'a réellement évolué sous les différents gouvernements de l'ère Macron. Si ce n'est la nomination, en janvier, de deux experts chargés de mener des consultations sur une éventuelle évolution institutionnelle des territoires d'Outre-mer. La Guyane, la Martinique et la Guadeloupe ont déjà lancé leurs propres consultations locales. Sans suites de la part des autorités, pour l'instant.
Mais le dossier pourrait s'accélérer avec François-Noël Buffet qui, en tant que président de la commission des Lois du Sénat, avait entamé une mission sur l'évolution institutionnelle des territoires d'Outre-mer. Dans ce cadre, il s'est déplacé en Polynésie au mois d'avril avec plusieurs sénateurs. Le nouveau locataire de la rue Oudinot a également travaillé sur l'évolution du statut de la Corse, dont les travaux se sont beaucoup nourris des particularités de certaines collectivités d'Outre-mer. Les Ultramarins trouveront donc certainement une oreille attentive à leurs revendications institutionnelles.