C'était la proposition numéro 5 du candidat François Hollande dans la course à la présidentielle de 2012. Le bouclier qualité-prix a été instauré quelques semaines après son élection, dans le cadre de la "loi Lurel" du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique des Outre-mer. Son objectif ? Lutter contre la vie chère, problème structurel dans ces territoires.
Dix ans plus tard, ce mardi 12 juillet 2022, Jean-François Carenco, ministre délégué en charge des Outre-mer, a expliqué, devant l'Assemblée nationale, qu'il comptait renforcer le dispositif d'encadrement des prix dans tous les Outre-mer. Il répondait à une question de la députée de La Réunion Nathalie Bassire sur la vie chère.
Mon ambition est d’étendre ce qui s’appelle le bouclier qualité-prix à beaucoup plus de produits dont le prix serait bloqué voire diminué. L’ambition est que ce soit 5% des produits de consommation courante qui soient concernés.
Jean-François Carenco, ministre délégué en charge des Outre-mer
Comment est établi un bouclier ?
Le bouclier Qualité-Prix (BQP), qu'est-ce que c'est ? Il s'agit d'une sélection de produits de consommation courante (alimentaires, d'hygiène, d'entretien...) dont le prix est encadré. Proposée généralement en mars, la liste est normalement renégociée chaque année par l'État et l’ensemble des acteurs concernés (transporteurs, importateurs, producteurs, industriels, distributeurs…). Elle fait l’objet d’un prix global maximum fixé par arrêté préfectoral, mais les commerçants sont libres de proposer un prix inférieur pour faire jouer la concurrence.
Quels territoires sont concernés ? Le dispositif concerne les départements d'Outre-mer, mais pas seulement. En plus de la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion et Mayotte, la "loi Lurel" s'applique également à Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Saint-Pierre et Miquelon, ainsi qu'à Wallis et Futuna. Chaque Outre-mer négocie et adopte sa propre liste, sa propre limite de prix. La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie ont toutes les deux mis en place leur propre encadrement des prix.
Pourquoi un tel dispositif ? C'est l'un des outils utilisés par l'État pour lutter contre la vie chère, endémique en Outre-mer. En Guadeloupe par exemple, les produits alimentaires sont entre 30 et 50 % plus chers que dans l'Hexagone. Cependant, les revenus moyens des ménages y sont inférieurs de 38 %. À La Réunion, les prix sont 20 à 30 % plus élevés que dans l’Hexagone, alors que le chômage est plus élevé et le pouvoir d’achat moindre.
Des différences entre les paniers
À La Réunion en 2022, le panier comporte 153 produits, comme en 2021. Il est garanti à un prix global de 348 €. Ce bouclier qualité-prix est en place dans 63 magasins depuis le 28 mars. Dans les zones rurales de l’île, un dispositif complémentaire a été déployé : 42 produits inscrits au BQP pour un prix global de 98,45 € sont proposés dans les neuf commerces de proximité. Les produits locaux sont plus nombreux qu’auparavant, se targue la préfecture.
En Guadeloupe, l'accord a été signé le 7 avril 2022. Il distingue trois listes en fonction de la taille des magasins. Dans les magasins de plus de 2 000 m², 106 produits dont 12 fruits et légumes locaux pour un montant maximum de 320 €. Entre 1 000 et 2 000 m², 104 produits dont 10 fruits et légumes locaux pour 320 € également. Enfin, pour les commerces de moins de 1 000 m², 70 produits dont 8 fruits et légumes locaux pour 180 €.
Entré en vigueur le 1er mai 2022, l’accord établi en Martinique porte sur 101 produits, comme en 2021. Le prix global maximum autorisé reste inchangé, à 306 €. Comme à La Réunion et en Guadeloupe, la liste est adaptée à la taille du magasin : entre 1 000 m² et 800 m², une liste de 52 produits de consommation courante au prix maximum de 160 € et dans les petites surfaces, inférieures à 800 m ² une liste de 27 produits au prix de 86 €.
À Saint-Pierre et Miquelon en 2022, le BQP comprend 55 produits pour un prix global maximum autorisé de 160 €. Dans l’archipel d’Amérique du Nord qui compte deux communes, il est appliqué dans le centre commercial qui se situe à Saint-Pierre.
À Wallis et Futuna dans le Pacifique, 83 produits sont soumis à l’accord 2022 de modération des prix, et 18 commerces sont concernés. Le prix maximum global de cette liste est fixé à 758,65 €, dont 260,12 € pour les produits alimentaires importés, 95,49 € pour les produits alimentaires locaux.
En Guyane cette année, les distributeurs et la chaîne logistique se sont entendus pour un gel des prix sur 85 produits de grande consommation pour 265 euros maximum. 120 enseignes réparties dans tout le département français d'Amérique du Sud sont engagées dans le dispositif.
Les alternatives calédoniennes et polynésiennes
La loi Lurel de 2012 ne s'applique ni en Nouvelle-Calédonie, ni en Polynésie. Pour lutter contre l'inflation en Nouvelle-Calédonie, un accord interprofessionnel a été signé le 4 juillet 2022 entre les représentants des industries locales de transformation, de l'importation, de la grande distribution et des petits commerces afin de plafonner le prix de 60 produits. L'accord est en application pour une durée de trois mois avec la possibilité d'être renouvelé une fois en septembre.
Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a également mis en œuvre le 1er juin une version locale d'un bouclier qualité-prix appliqué aux fruits et légumes. Il s'agit d'un panier de 6 kg maximum, composé de légumes et fruits, locaux ou importés, au prix plafond de 2 500 francs Pacifique, c'est-à-dire 21,98 €. Il concerne tous les points de vente d’une surface égale ou supérieure à 500 m², soit dans une quarantaine de commerces au total sur le Caillou.
Par ailleurs, les acteurs calédoniens de la filière viande ont, eux aussi, signé mardi 5 juillet un accord interprofessionnel qui instaure un nouveau bouclier qualité-prix pour la viande. Le dispositif est en place dans les commerces d'une surface égale ou supérieure à 500 m². Les boutiques plus petites, comme les boucheries, peuvent aussi appliquer la mesure si elles le souhaitent.
En Polynésie aussi, il existe un dispositif d'encadrement des prix. Il s'agit généralement de réglementer les marges, explique le gouvernement polynésien. Une alternative propose d'appliquer un prix plafond à un certains nombres de produits comme la baguette par exemple. Une soixantaine de produits de première nécessité sont concernés, ainsi que plusieurs dizaines de produits de grande consommation.