Surprise puis questionnements. La réaction des députés et de leurs collaborateurs dimanche soir à l'annonce d'Emmanuel Macron de dissoudre l'Assemblée nationale a pour beaucoup été la même. 48 heures après, c'est la logistique qui s'organise, avant de laisser place à la campagne. "Concrètement, on va faire nos cartons, car à partir de lundi ou mardi nos badges vont être désactivés" soupire une collaboratrice réunionnaise devant le 101 rue de l'Université à Paris où se trouvent les bureaux de son député. Collaborateurs et élus désarçonnés entrent et sortent du bâtiment, cartons sous le bras ou valise à la main.
Déménagements et fin de contrat
Près de 3 000 attachés parlementaires ont en effet appris leur licenciement en direct à la télévision dimanche soir. "Beaucoup de surprise, et en même temps, on sait que ce sont des choses qui peuvent arriver", relativise le collaborateur d'un député martiniquais, plus expérimenté." La complication là, c'est la violence dans laquelle ça, c'est fait. Quand on est en fin de mandat, on a le temps de voir venir. Là, on a une petite semaine de battement pour vider les bureaux et faire les choses, mais c'est une période compliquée." Vider les bureaux ne consiste pas uniquement en vider des dossiers. "Les députés polynésiens ont tous des bureaux/chambres" rappelle une collaboratrice polynésienne. De délais de campagne étant raccourci, certains n'ont pas le temps de rentrer, et ce sont leurs collaborateurs qui doivent gérer toute la logistique.
Les collaborateurs parlementaires devraient recevoir lundi leur lettre officielle de licenciement, et auront, en fonction de leur ancienneté, un ou deux mois de préavis. "Sur nos propres conditions de travail, on n'est pas forcément éclairé, estime la collaboratrice réunionnaise qui vient de perdre son premier emploi avec cette dissolution. On attend des informations, c'est vraiment un flou artistique. La dernière dissolution date de 1997, donc les process ont dû évoluer, et on n'est pas au courant. C'est stressant pour nous."
"À partir du moment où il y a dissolution, le député n'est plus député, le contrat qui le lit au collaborateur disparait, donc il n'y a plus de collaboration, quelle qu'elle soit : en CDI ou en CDD", explique le collaborateur de l'élu martiniquais qui jouit de plusieurs décennies d'expérience. L'arrêt des contrats vaut aussi pour les conventions de stage en cours, comme ce jeune étudiant d'origine martiniquaise en stage avec l'élu martiniquais. "C'est un stage qui était censé durer deux mois, et qui s'arrête au bout d'un mois. C'est mon stage pour valider mon Master 1 en droit de l'économie, donc je me retrouve dans une situation très précaire." Situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle : le jeune homme va entrer en contact avec les membres de son université pour tenter de trouver un compromis.
Dossiers clos
Avec les contrats, ce sont aussi tous les travaux parlementaires qui s'arrêtent. "On doit tout mettre en pause, explique la jeune réunionnaise. Vider les bureaux, c'est vider aussi les mails et les dossiers. Même si on va les garder en tête si jamais il est réélu et les poursuivre." Discussions sur la fin de vie, projet de loi Mayotte, réforme constitutionnelle sur le dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie : tous les grands projets récents sont, de fait, à l'arrêt. "On était en train de travailler sur des propositions de lois sur les sargasses, sur les tueries du Carbet, et tout ça n'existe plus", expose le collaborateur de l'élu antillais. Les commissions d'enquête comme celle sur les essais nucléaires en Polynésie sont aussi suspendues, déplore une attachée parlementaire polynésienne.
"S'il y a un après, il faudra vite être opérationnel", prévient le collaborateur expérimenté. Les députés, eux, continuent de percevoir 80 % de leur indemnité jusqu'à fin juillet, et peuvent garder leur permanence de circonscription jusqu'à cette date, sans les utiliser pour leurs activités de campagne.
Campagne éclair
"J'ai l'impression que mon député va être réélu", ose l'une des collaboratrices. Si certains ne se font pas trop de soucis sur la réélection de leur élu, d'autres sont déjà en campagne, la plupart des élus ultramarins ayant déjà annoncé la candidature à leur propre succession. "Je vais attendre le 7 juillet pour voir le résultat des élections et ensuite, je verrais", estime de son côté la Réunionnaise. Aide à distance ou engagement complet pendant leur période de chômage, les collaborateurs vont, à des degrés différents, participer à la campagne éclair de leur député sortant, en espérant récupérer leur poste.
Le 7 juillet prochain, les députés seront élus pour cinq ans, les élections législatives sont donc, pour la première fois depuis l'instauration du quinquennat en 2000, décorrélées de l'élection présidentielle. Sauf si le nouveau président élu en 2027 décide de dissoudre à nouveau l'Assemblée pour tenter de s'offrir une majorité, qui rendrai la gouvernance plus simple.