Guyane : qu’est-ce que l’opération Harpie?

Destruction d'un puits de mine clandestine par les FARG
Alors que le Brésilien dit "Brabo" a été condamné à 130 ans de prison par la justice brésilienne pour le meurtre de deux militaires français de l’opération Harpie en 2012, des militaires luttent chaque jour en Guyane contre l’orpaillage illégal. Retour sur cette opération militaire, qui se déroule sur le territoire français.

Lancée en 2008 par Nicolas Sarkozy, l’opération Harpie a pour objectif de lutter contre l’orpaillage illégal en Guyane, un véritable fléau écologique et sécuritaire. Mené majoritairement par les Forces armées en Guyane et la Gendarmerie nationale, 350 militaires soutenus par des hélicoptères et des avions sont mobilisés en permanence dans ce cadre. Une mobilisation qui peut monter jusqu’à 1 000 soldats en cas de nécessité. Il faut dire qu’il en faut du monde pour couvrir plus de 80 000 km² de territoire, composé presqu’exclusivement d’une forêt équatoriale.

 Protéger la forêt guyanaise

Avec ses ressources, notamment aurifères, la Guyane attire les "garimpeiros", des chercheurs d’or venant du Suriname et du Brésil voisins. Seulement, cet orpaillage est illégal et ces "garimpeiros" extraient l’or d’une manière très polluante. En effet, ces derniers utilisent du mercure en quantité. Ce métal, utilisé pour amalgamer l'or, est non seulement toxique pour les personnes respirant les vapeurs, il l’est d’autant plus pour les sols et les cours d’eau, contaminant notamment les espèces animales mais aussi les amérindiens vivants dans ces endroits reculés.

Pour créer les sites d’exploitations, les milliers d’orpailleurs clandestins détruisent sans vergogne des milliers d’hectares de forêt. En Guyane, entre 2003 et 2019, 29 000 hectares de forêt ont été détruits du seul fait de l’orpaillage, en comptant aussi les exploitations légales. En revanche, ces dernières ont l’obligation de remettre le site en état après l’exploitation du site. En d’autres termes, de re-végétaliser.

Mais l’orpaillage illégal n’entraîne pas seulement des dégâts environnementaux. Cela entraîne également des trafics d’armes, de stupéfiants et un marché noir très important concernant tout ce qui permet de faire fonctionner un site d’orpaillage notamment. Et il ne faut pas oublier que les "garimpeiros" sont des travailleurs clandestins, entrés illégalement sur le territoire.

C’est donc pour protéger le plus grand département de France que Nicolas Sarkozy, alors président de la République a ordonné l’opération Harpie pour mettre un terme à l’orpaillage illégal, protégeant ainsi la forêt guyanaise.

Une opération continue depuis 2008 qui porte ses fruits

Pour la seule année de 2018, 1 323 patrouilles ont été effectuées, permettant de démanteler 765 sites clandestins et de saisir 26 millions d’euros de matériels et d’avoirs. Des saisies qui ont augmentés de 81 % par rapport à 2017. Pour arriver à ce résultat, le personnel engagé dans l’opération, outre les sites d’exploitations, vise aussi les réseaux logistiques des "garimpeiros". Cela se traduit par la mise en place de barrages fluviaux notamment, qui empêche l’approvisionnement en matériels et en vivres des travailleurs illégaux, limitant, de facto, l’exploitation aurifère clandestine.

Harpie est donc une opération interministérielle et interarmées qui, selon le rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane de juillet 2021, s’est avérée "un succès qui endigue la croissance de l’orpaillage illégal", avant de préciser, "sans pour autant l’éradiquer".


Une stratégie contre l’orpaillage illégal renforcé avec Harpie II en 2018, qui renforce le volet répressif de l’opération et qui fusionne les différentes autorités sous une seule comme l’explique le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu : "Aux forces de sécurité intérieure ayant fait leurs preuves et aux forces armées ont été cette fois associés les agents du Parc Amazonien de Guyane, les agents assermentés de l’Office Français de la Biodiversité (OFB) et les instances judiciaires locales. Les différents états-majors de lutte ont fusionné sous l’autorité du préfet".

Dans les faits, en 2020, malgré la crise du Covid-19, le renforcement est visible, 3 000 patrouilles ont été conduites. Elles ont permis de saisir 23,7 millions d’euros comprenant 4,9 kilos d’or, 196 kilos de mercure, 280 000 litres de carburant ou encore 165 pirogues. Une opération qui permet d’enrayer tout ce trafic, mais qui est dangereuse pour les soldats qui la mènent.

Neuf morts

Depuis son lancement, neuf militaires sont morts dans le cadre de l’opération Harpie. Certains par accident. Mais, en 2012, une embuscade est tendue par des orpailleurs clandestins dans la région de Dorlin, à 150 km au Sud-ouest de Cayenne. L’adjudant Stéphane Moralia, 28 ans, et le caporal-chef Sébastien Pissot, 33 ans, appartenant tous deux au 9e Régiment d’infanterie de Marine, sont tués dans cette embuscade.

C’est dans ce cadre que le Brésilien Ronaldo Lima, dit "Brabo", a été condamné il y a peu à 130 ans de prison par le parquet fédéral de l’Amapa, une région brésilienne frontalière de la Guyane. Quant au chef du présumé gang qui avait mené cette embuscade, Manoel Ferreira, dit "Manoelzinho", il est décédé en début d’année à l’hôpital, avant son procès.

Plus récemment, en juillet 2019, trois soldats du 19e régiment du génie sont tués par des émanations toxiques dans une galerie qu’ils s’apprêtaient à détruire. Cela montre au passage la dangerosité de ces exploitations pour les "garimpeiros" eux-mêmes. Ce sont les derniers morts en date de cette opération toujours en cours aujourd’hui.

Malgré tous ces efforts, l’orpaillage illégal continue en Guyane, avec environ 10 à 12 tonnes d’or extraites illégalement dans le département chaque année, selon la commission d’enquête de l’Assemblée nationale. Cela représente un montant estimé entre 500 et 750 millions d’euros. Ce qui peut expliquer la violence mais aussi la témérité des orpailleurs clandestins.

Au début du mois de février 2022, la Douane a entreposé deux pirogues qu’elle avait saisies plus tôt sur le ponton de la Base opérationnelle de Saint-Jean du Maroni. Mais dans la nuit suivante, des "garimpeiros" sont venus récupérer leur matériel dans ce qui s’apparente à une véritable opération commando. Approchant rapidement en pirogue du ponton, des hommes ont sauté dessus, coupant les amarres et s’emparant des pirogues, repartant avec sans se faire attraper. La lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane semble loin d’être finie et l’opération Harpie avec.