"Mayotte est au bord du chaos." Dans l'hémicycle du Sénat, le sénateur mahorais Saïd Omar Oili (RDPI) a alerté le gouvernement mercredi 24 janvier sur les tensions et les blocages qui ont surgi à Mamoudzou. La population proteste contre l'installation d'un camp de migrants dans l'enceinte du stade de Cavani. Mais plus les jours passent et plus la pression monte à Mayotte. "Depuis lundi, les services publics sont fermés, des barrages sur les routes bloquent l'accès au travail des Mahorais et perturbent les établissements scolaires...", s'inquiète le parlementaire. Des violences ont même éclaté.
"Face à la situation explosive (...), quelles actions concrètes le gouvernement entend-il mener pour évacuer le camp qui s'est formé au cœur de Mamoudzou et enrayer ces flux migratoires ?", a questionné Saïd Omar Oili, en s'adressant au Premier ministre Gabriel Attal.
En réponse, le chef du gouvernement a rappelé ce qu'avait déjà annoncé le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin la semaine dernière, lors de son déplacement à La Réunion, et ce qu'a confirmé le préfet de Mayotte mardi 23 janvier : "L'État est déterminé à évacuer ce camp, en lien étroit avec les personnes concernées. Les premières démolitions démarreront dès demain [jeudi 25 janvier, NDLR]."
Les réfugiés envoyés dans l'Hexagone
Sans rentrer dans les détails, Gabriel Attal assure qu'"une réponse adaptée" sera apportée à l'ensemble des migrants vivant dans ce camp de fortune, soit 700 hommes, femmes et enfants. La préfecture de Mayotte précisait mardi que les personnes déboutées de l'asile seraient renvoyées dans leur pays d'origine, que les réfugiés (ceux qui ont obtenu l'asile) seraient envoyés dans l'Hexagone et que les personnes dont la demande d'asile est en cours de traitement seraient relogées dans des hébergements d'urgence, selon les disponibilités. En revanche, aucune précision sur le sort de celles en attente de l'étude de leur dossier et qui ne parviendraient pas à être relogées faute de places dans les logements d'urgence.
Depuis des années, Mayotte est soumise à une forte pression migratoire et attire de nombreuses personnes venant des Comores voisines et de Madagascar. Récemment, une nouvelle route de l'exil s'est ouverte et de plus en plus de migrants arrivent des pays d'Afrique des Grands lacs et de Somalie, changeant peu à peu le profil des immigrés dans le 101ᵉ département français, où la population est largement hostile à leur accueil.
Pour lutter contre cet afflux, le Premier ministre a rappelé les objectifs de l'exécutif concernant le territoire : "prévenir les arrivées irrégulières à Mayotte, en luttant contre les filières d'immigration illégale" ; "traiter beaucoup plus rapidement les demandes d'asile des migrants" ; et "expulser plus rapidement ceux qui n'obtiennent pas le statut de réfugié".
Onze personnes interpellées pour violence
La mise en place d'un office de lutte contre le trafic illicite de migrants en début d'année 2023 a permis le démantèlement de six filières, a annoncé Gabriel Attal. Les moyens de l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et les hébergements d'urgence ont été augmentés. Mais l'opération Wuambushu, mise en place pendant plusieurs mois l'année dernière, a illustré la difficulté des autorités à renvoyer les personnes en situation irrégulière dans leur pays d'origine.
Au Sénat, le chef du gouvernement a par ailleurs condamné les violences de certains groupes à l'égard des migrants. "Le démantèlement du camp doit permettre le retour à un fonctionnement normal de l'ensemble des activités, a-t-il dit. C'est une attente forte des Mahorais, et nous le leur devons. Mais je veux aussi le dire : les violences à l'encontre des migrants ne sont pas acceptables." Onze personnes ont depuis été interpellées. Gabriel Attal, quant à lui, se rendra prochainement sur le territoire, a-t-il promis.