L’heure est grave pour les mal-logés. 70 ans après l’appel de l’abbé Pierre à la population durant un hiver "rigoureux" en 1954, la fondation qui porte son nom dresse un constat alarmant sur "l’état du mal-logement en France". Dans son rapport annuel, l’organisme passe au crible le parc immobilier de l’Hexagone, mais aussi des Outre-mer. Tout comme l’année dernière, l’organisme tacle le gouvernement en déplorant une diminution constante du budget alloué par les politiques publiques.
Tout en restant lucide et pragmatique, la FAB (fondation Abbé Pierre) alerte – comme chaque année – sur les spécificités des territoires d'Outre-mer et essaye de leur apporter une analyse afin de comprendre "l’origine de la production d’habitat indigne". Selon les chiffres du ministère des Outre-mer, près de 110 000 logements sur 900 000 seraient insalubres, soit 13 % du parc des habitats.
L’habitat informel dans les Outre-mer, une blessure mal soignée
Dans son 29ᵉ rapport, la fondation tire donc la sonnette d’alarme sur l’état et le nombre d’habitats informels dans les départements d’Outre-mer, notamment à Mayotte et en Guyane, classés parmi les départements les plus pauvres de France. Les "bidonvilles" et les "squats" qui sont légion dans ces territoires, seraient issus "de situations foncières complexes, non régularisées, accueillant des populations de fait exclues des autres formes de logement", informe l’organisme. D’après leurs données, l’ensemble des territoires ultramarins auraient connu un fort développement de ces habitats informels au cours du XXᵉ siècle, en réponse à l’exode rural.
La fondation s’inquiète aussi de l’accessibilité au logement pour tous. L’habitat informel serait une blessure que les pouvoirs publics auraient du mal à soigner. En effet, ils rappellent que ces logements sont trop souvent étiquetés comme accueillant uniquement des personnes en situation irrégulière, alors que beaucoup seraient aussi en situation régulière. C’est notamment le cas à Mayotte. De fait, ces personnes pourraient prétendre aux logements sociaux, mais le coût de location rebute certains.
L’autre bât qui blesse est la question sécuritaire et les opérations d’évacuations. La FAB s’interroge sur le fondement de ces actions, d’autant plus qu’aucune proposition de relogement ou d’offres abordables de logement ne sont proposées, estime la fondation. L'État assure proposer des solutions de relogement aux personnes expulsées. Mais pour l’organisation, ces actes ne servent qu’à "déplacer le problème", sans le régler. Ce fut le cas à Mayotte avec l’opération Wuambushu.
"Des conditions de logement extrêmement dégradées, voire dangereuses"
La fondation reconnaît une amélioration dans le type de logement, avec un net recul de la part des maisons en "bois, végétal ou terre", notamment à Mayotte, où elle ne représente plus que 1 % des logements.
Cependant, elle pointe l’état des habitats traditionnels, "souvent anciens, et qui n’ont en général pas été rénovés en profondeur et, de ce fait, ne sont plus conformes à des normes minimales d’habitabilité". Elle donne les exemples suivants :
- En Guyane, ce sont 10 % des logements qui sont encore dépourvus d’électricité.
- L’absence d’eau chaude touche 45 % du parc des résidences principales guyanaises, 25 % en Martinique et 19 % en Guadeloupe
Enfin, l’île de La Réunion est aussi épinglée pour ses logements "découpés" qui servent au marchand de sommeil. Ces derniers y accueillent des populations "en exclusion et plus particulièrement des familles originaires de l’océan Indien, dans des conditions de logement extrêmement dégradées, voire dangereuses".
En conclusion, la fondation Abbé Pierre appelle à faire "de la lutte contre l’habitat indigne une priorité politique".