La nomination d’un "référent diversité" à l’Opéra de Paris, un espoir pour les talents ultramarins

L’Opéra de Paris va créer un poste de "référent diversité" afin d’encourager le recrutement d’artistes issus de la diversité. Quelle est la place de l’art lyrique en Outre-mer ? Quelle répercussion pourrait avoir cette nomination dans les territoires ultramarins ?

Comment favoriser le recrutement à l’Opéra de Paris d’artistes issus de la diversité ? C’est principalement pour répondre à cette question que l’institution vient d’annoncer la création d’un poste de “référent diversité”. Ses missions : veiller sur la “diversité et l’inclusion” et superviser la lutte contre le racisme et la discrimination au sein de la grande maison. 

Cette décision fait écho au rapport sur la diversité remis par l’historien Pap Ndiaye et Constance Rivière, secrétaire générale de la Défenseure des droits. Un rapport commandé par l’Opéra de Paris, remis en février 2021 et qui démontre le manque de diversité en son sein.

À l’instar de son homologue américain le Metropolitan Opera de New York, qui a ouvert la voie en créant un poste de “chief diversity officer” en début d’année, la direction de l’Opéra de Paris précise que “l’objectif n’est pas que l’école recrute des élèves moins bons pour satisfaire à des objectifs de diversité, mais d’aller chercher les élèves très bons partout où ils sont”. 

Une formation de haut niveau en Outre-mer 

“Aller les chercher partout”, et pourquoi pas en Outre- mer ? “Les Ultramarins sont trop peu formés au chant lyrique et je pense que seule une minorité d’entre eux sait que ça existe”, indique Jean-Loup Pagésy. Aujourd'hui directeur artistique de l’association Carib Opéra qu’il a co-fondé en 2014 afin d’encourager les Ultramarins à s’intéresser à l’art lyrique, le chanteur, originaire de la Guadeloupe, a été élève au centre de formation lyrique de l’Opéra de Paris. Et comme bon nombre d’Ultramarins, pour accéder au haut niveau, il a été obligé de quitter sa terre natale, faute d'infrastructure sur place. 

La formation lyrique doit se faire dans les territoires d’origine”, renchérit Fabrice Di Falco. Chanteur lyrique professionnel, cofondateur du concours Voix des Outre-mer, il défend l’idée que les talents lyriques sont nombreux en Outre-mer et qu’ils devraient être révélés et formés sur place. “Je suis contre le fait de “partir pour partir”. Il faut donner l’accès à la formation dans ces territoires et donner aux artistes le choix de poursuivre à un niveau supérieur, en métropole ou ailleurs”. 

La Guyanaise Marie-Laure Garnier, tout juste sacrée “révélation artiste lyrique de l'année" aux Victoires de la musique classique, n’a pas eu d’autre choix que de quitter les siens pour poursuivre une carrière internationale. Sur la scène de l’Auditorium de Lyon, alors qu’elle récupère son prix, la soprano a rappelé que “venant de Guyane à 14 ans, [elle] ne [s]'imaginait pas être là ce soir”. Celle qui a été révélée en 2019 en étant lauréate du concours Voix des Outre-mer, “souhaite de tout coeur que dans quelques années, la question de devenir chanteuse lyrique ou chanteur lyrique ne se pose plus pour les Ultramarins et que cela se fasse tout naturellement”.

La question de la formation musicale dans les territoires ultramarins est effectivement primordiale”, indique de son côté la délégation interministérielle pour l'égalité des chances des Français d'Outre-mer et la visibilité des Outre-mer. “Avant de s’attaquer à la question de la diversité, il faut se demander comment faire pour que les Ultramarins aient accès aux arts lyriques”, poursuit le cabinet de la délégation. 

Réécoutez le discours de Marie-Laure Garnier aux Victoires de la musique classique :

Questionner les rôles attribués aux artistes de couleur 

Mais quand bien même les artistes issus de la diversité parviennent au plus haut niveau, force est de constater que bien souvent, ils se cantonnent à des seconds rôles. 

Certains Noirs n’accèdent pas et n'accèdent jamais à des rôles de premier plan parce que ça ne correspond pas à l’imaginaire des metteurs en scène, alors que tout le spectacle dépend de la vision du metteur en scène”, explique Jean-Loup Pagésy. “À part moi, je n’ai pas vu d’autres artistes noirs jouer sur scène Sarastro, l’un des principaux personnages de l’opéra "La flûte enchantée" de Mozart”. Selon le chanteur, qui a derrière lui plus de vingt ans de carrière, “les artistes noirs restent cantonnés à des rôles de personnages noirs ou atypiques”.

Ce constat est partagé par Fabrice Di Falco. “Noir n’est pas mon métier, mais ça reste un plus. La France est métissée, il faut qu’elle se réapproprie ce métissage, que les artistes de couleur puissent représenter la diversité du pays. Quelle que soit son histoire, son passé, c’est comme ça, la France est en couleur”. 

Selon les recommandations du rapport, favoriser le recrutement des artistes de couleur à des rôles phares pourrait servir de “modèle” aux jeunes générations issues de la diversité. Pap Ndiaye cite notamment l’exemple de Misty Copeland. Cette danseuse classique a été la toute première afro-américaine nommée “principal dancer”, c'est-à-dire figure phare et centrale d’un ballet, à l’American Ballet Theater. C’était en 2015, et selon l’historien, cette nomination a d'ores et déjà inspiré bon nombre d’enfants afrodescendants.