La promotion Aimé Césaire à l'ENA, "une reconnaissance de son engagement en faveur des invisibles et des sans-voix"

Aimé Césaire, écrivain et homme politique martiniquais (26 juin 1913 - 17 avril 2008)

La dernière promotion de l'ENA, vouée à disparaître au profit de l'Institut national de service public, portera le nom de l'écrivain et homme politique martiniquais Aimé Césaire. Un choix fort de nombreux symboles, comme l'ont raconté les élèves de la promotion à Outre-mer la 1ère.

Aimé Césaire avait de nombreux lieux publics à son nom, il aura désormais une promotion à l'ENA. Parmi les patronymes de 250 personnalités, dont Joséphine Baker, Jospeh Kessel, Frantz Kafka ou encore la Marianne, c'est celui de l'écrivain et homme politique martiniquais qui a été retenu pour désigner la promotion 2020-2021 de la prestigieuse école des hauts fonctionnaires. Près de neuf heures de débat répartis sur deux jours, mais à la fin, un choix quasi unanime. 

Parler des sans-voix

"C'est la reconnaissance de l'engagement d'Aimé Césaire en faveur des invisibles et des sans-voix, explique Julien Degroote, l'un des délégués de la promotion, ajoutant que baptiser une promotion est loin d'être anodin. "Ce nom va faire partie de notre identité individuelle, professionnelle. Nous souhaitions nous placer sous le patronage d'Aimé Césaire pour cette idée d'avoir une attention particulière pour toutes les personnes afin qu'elles puissent avoir accès au service public."

Un avis partagé par Sandrine Berthet, l'une de ses camarades à l'ENA, qui raconte l'écho particulier qu'a trouvé la figure d'Aimé Césaire parmi les étudiants : "Il symbolise, à la fois à travers son engagement, ses poèmes et ses textes, beaucoup de luttes d'émancipation qui nous parlent encore aujourd'hui et qui sont une des raisons pour lesquelles nous nous sommes engagés pour l'État."

Quand Césaire parlait de négritude, il voulait pousser des gens qui étaient humiliés, invisibles dans la société française, à revendiquer leurs différences pour en faire partie. Cela parle aussi aux femmes, aux homosexuels, aux sans-voix.

Sandrine Berthet, élève de la promotion Aimé Césaire de l'ENA

 

Rechercher l'inconfort

Baptiser la promotion du nom d'Aimé Césaire est donc, pour les élèves, un moyen de mettre en avant une figure "qui parle avant tout des usagers du service public, de nos concitoyens, des gens qui forment société tous ensemble dans des circonstances qui sont parfois difficiles", raconte Sandrine Berthet. Autrice d'un ouvrage sur les Communards de Nouvelle-Calédonie, elle a longtemps vécu sur le caillou. Aimé Césaire est, selon elle, l'incarnation de ces Ultramarins partis loin de chez eux pour prendre "le meilleur de la France" avant de rentrer l'infuser dans leurs territoires.

Pourtant, comme le rappelle Gaël Lancelot, élève de la promotion Aimé Césaire, "ce n'est que le deuxième nom de promotion de l'ENA de quelqu'un qui est ultramarin de naissance, le précédent étant Félix Eboué en 1952." Gaël Lancelot a grandi à La Réunion et, il le confie, pouvoir représenter les Outre-mer a été l'un des arguments du choix du nom de sa promotion.

Pour lui, c'était une "recherche d'inconfort", tant dans la lecture de cette écriture "riche et exigeante", que dans le fond des sujets abordés par l'écrivain. "C'est se confronter à des choses qui sont dures, que pour ma part je n'ai pas eu à expérimenter dans ma chair, détaille-t-il. Cela exige d'accepter une forme de douleur et de ne pas se réfugier dans ce qui est facile, standard, dans ce pour quoi j'ai déjà été préparé."

Il y a une exigence, une ambition derrière le choix de Césaire qui est de ne pas se résigner à aller au plus facile. D'aller délibérément chercher là où c'est compliqué car c'est là que se trouvent les gens.

Gaël Lancelot, élève de la promotion Aimé Césaire de l'ENA

 

Les élèves de la promotion Aimé Césaire de l'ENA seront diplômés en octobre 2021. C'est la deuxième fois que les élèves de l'ENA honorent l'ancien maire de Fort-de-France. En 2009, les élèves administrateurs territoriaux avaient choisi son nom pour baptiser leur classe. L'école des hauts fonctionnaires sera remplacée en janvier par l'Institut national de service public.

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