L'autorité indépendante en charge de défendre les citoyens face à l'administration a eu du travail cette année. En 2022, Claire Hédon, la Défenseure des droits, et son équipe ont reçu 125.456 réclamations, soit 9 % de plus que l'année précédente. Les principales réclamations concernaient des problèmes avec les services publics (plus de 82.000 requêtes, soit + 14% sur un an).
Dans son rapport publié lundi 17 avril, les Antilles sont notamment pointées pour leurs trop nombreuses difficultés par rapport aux autres territoires de l'Hexagone. Dans un précédent document publié fin mars en marge d'un déplacement en Guadeloupe et en Martinique, la Défenseure des droits multipliait d'ailleurs les recommandations pour améliorer les relations des Antillais aux services publics.
On a rendu un rapport à la fin du mois de mars, suite aux réclamations que nous avons reçues, et une délégation menée par George Pau-Langevin et Daniel Agacinski s'est rendue en Guadeloupe et en Martinique, et ce que l’on constate, c’est qu’il y a des difficultés à l’accès aux services publics dans ces territoires de façon accentuée par rapport à ce que l'on observe dans l'Hexagone. Ces difficultés sont beaucoup plus accentuées sur la retraite, les aides sociales et la maladie, sans oublier l'accès à l'eau.
Claire Hédon, Défenseure des droits, à Outre-mer la 1ère
Une situation que déplore aussi la Guadeloupéenne George Pau-Langevin, membre de la délégation pour la Défense des droits, qui était récemment en mission dans les départements d'Outre-mer : "Les services publics dans les territoires ultramarins ne sont pas ce qu'ils devraient être. Nous avons émis certaines recommandations. Maintenant, reste à savoir ce que vont faire les autorités. Mais pour l'instant, les promesses d'égalité, réaffirmées dernièrement dans une loi, ne sont toujours pas au niveau. Nous avons souligné comment la dématérialisation avait mis en difficulté les populations éloignées du monde du numérique. Dans les départements d'Outre-mer, c'est un vrai problème", dit l'ancienne ministre des Outre-mer au micro d'Outre-mer la 1ère.
Les droits des enfants en danger
Hormis les problématiques d'accès aux services publics, les départements d'Outre-mer sont aussi dans le viseur de la délégation, concernant les droits des enfants. Un territoire est particulièrement scruté : il s'agit de l'île de Mayotte. Là-bas, près de 10.000 enfants, sur les 400.000 habitants que compte ce département, n'ont pas accès à la scolarité. Une situation plus que préoccupante pour Eric Delemar, adjoint à la Défenseure des droits en charge de la protection des droits de l'enfant. "Nous sommes constamment saisis de situations dramatiques. Nous avons une grande inquiétude concernant la situation des enfants, et l’accès à l’éducation et aux droits fondamentaux. Les enfants sont toujours les premières victimes des difficultés sociales et les conflits entre adultes", explique-t-il.
La situation sociale dans ce département français inquiète aussi. L'annonce de l'opération Wuambushu à Mayotte ne devrait pas améliorer le sort des enfants. Eric Delemar pointe du doigt le rôle de la France : "Comment voulez-vous vivre une enfance quand vous n’avez pas accès aux services publics ? Donc forcément, cette opération nous inquiète. Surtout, je rappelle que la France a été l’un des tout premiers pays à ratifier la convention internationale des droits de l’enfant. Cet acte l'engage, et en plus la France est constamment condamnée sur certains sujets, dont celui de Mayotte", prévient-il.
L'opération "wuambushu" sous surveillance
La Défenseure des droits, Claire Hédon, révèle que le nombre de réclamations concernant les droits des personnes étrangères "avait atteint, en 2022, un niveau jamais connu dans l'institution". La future opération Wuambushu, qui doit intervenir dans les jours à venir, est très surveillée par l'autorité : "Pour l’instant, on a des saisines depuis un certain temps, et je viens de signer une décision d’observation devant le tribunal administratif. Nous sommes très attentifs sur ce qui va se passer lors de cette opération, même si nous déplorons le manque d'informations. Mais sur place, nous avons quatre délégués chargés de recueillir les réclamations en amont", souligne Claire Hédon.
De son côté, George Pau-Langevin se dit très inquiète des conséquences. "On va renvoyer des personnes en situation irrégulière chez elles, au motif qu'il faut vider les bidonvilles... Comment va-t-on respecter les droits de ces personnes chassées ? Quel relogement on va leur proposer ? Toutes ces interrogations nous obligent à suivre cette situation attentivement."
"Une politique pour faciliter le retour des jeunes"
Chaque année, des milliers d'étudiants ultramarins quittent leur département de naissance afin de rejoindre la France hexagonale pour poursuivre leurs formations. Au moment du retour, nombreux sont ceux qui rencontrent des difficultés pour trouver un emploi. George Pau-Langevin, après des mois d'analyse de la situation dans les départements d'Outre-mer, est favorable à la mise en place d'une politique en faveur du retour des jeunes. "Dans le rapport que nous avons fait, nous avons signalé qu’il serait nettement préférable que les jeunes qui sont amenés à partir, au moment de leur retour, ait une possibilité d'emploi dans leur région d'origine. Pendant longtemps, on leur a fait croire qu'il fallait partir pour qu'ils aient plus de qualifications. Maintenant qu'ils le sont, ils n'ont aucune proposition. Alors j'estime qu'il est nécessaire qu'une politique soit mise en place pour faciliter leur retour", plaide-t-elle.
Il existe plusieurs sites et associations qui aident les jeunes à revenir dans leurs départements respectifs.