DÉCRYPTAGE. Réforme fiscale : ce qui a été adopté et ce qui doit encore l'être

Le nouveau siège du gouvernement, rue Gallieni, à Nouméa.
"La réforme fiscale, un an plus tard" [1/4]. Le 5 mai 2022, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie validait la feuille de route de la réforme fiscale portée par l'exécutif. Si le calendrier a depuis pris du retard, plusieurs mesures sont entrées en vigueur. D'autres seront adoptées dans les prochains mois.

Un projet colossal, de l'ordre de plusieurs dizaines de milliards de francs. C'est ce qu'a présenté en décembre 2021 le président du gouvernement Louis Mapou, comptant sur de nouvelles recettes fiscales pour assainir les finances préoccupantes du Caillou. En mai 2022, une nouvelle étape a été franchie avec la mise en place d'un calendrier prévisionnel de réformes, validé par le Congrès.

Un an plus tard, le rythme d'adoption des mesures semble plus lent qu'escompté. Parmi les partis d'opposition et partenaires sociaux, certains pointent également un comité de suivi qui ne se réunit plus depuis quelques mois, ainsi que le manque de communication autour du calendrier prévisionnel des réformes. De son côté, le cabinet de Gilbert Tyuienon, membre en charge de la fiscalité, se montre confiant : les réformes passeront, même si cela prend du temps.

A l'occasion du premier anniversaire de la réforme fiscale, nos équipes ont compilé ci-dessous toutes les mesures du projet, classées selon leur état de réalisation.

Ce qui a été adopté

  • L'augmentation de la CCS

Avec deux augmentations consécutives en 2021 et 2022, la Contribution calédonienne de solidarité a largement été revue à la hausse. En l'espace d'un an et demi, le taux sur les salaires privés et publics a doublé, passant de 1 à 2 %. Pour les revenus du patrimoine, il s'élève désormais à 4 % de même que pour les produits d'épargne et de placement, ceux des jeux et ceux des valeurs mobilières. Les revenus de remplacement et de solidarité bénéficient quant à eux d'un taux minoré, à hauteur de 1,3 %.

  • L'augmentation du prix du tabac

Une augmentation annuelle de 10 % pendant trois ans. C'est ce qu'a décidé le gouvernement, fin 2021, pour lutter contre les effets du tabagisme et augmenter les recettes de l'Agence sanitaire et sociale. Après une première augmentation en janvier 2022, puis une seconde en janvier 2023, la dernière doit survenir en janvier 2024. Une fois cette ultime hausse actée, le prix du paquet de tabac à rouler le plus vendu devrait atteindre 2 600 francs.

  • Le relèvement de la TGC sur l'alcool

Il avait été décidé avant même l'annonce du plan de réforme fiscale. Le relèvement de la TGC sur l'alcool a pris effet en août 2021. Le taux sur l'alcool produit localement s'élève désormais à 11 % au lieu de 3 %. Pour ce qui est des boissons alcoolisées importées et servies en restaurant, la TGC a doublé, passant de 11 à 22 %.

    • La lutte contre la fraude fiscale

    Au-delà des taxes, la réforme a considérablement renforcé l'arsenal anti-fraude du Caillou en décembre dernier. Les services fiscaux peuvent à présent procéder à des contrôles inopinés. Ils ont également une meilleure visibilité sur les logiciels de comptabilité, dont certains permettent de masquer les ventes réalisées. En parallèle, le délai pendant lequel l'administration peut porter plainte contre des contribuables a été porté de 3 à 6 ans. Enfin, les agences immobilières sont désormais contraintes de déclarer les revenus locatifs des personnes dont elles gèrent les biens.

    • Transfert du recouvrement de la contribution foncière

    Depuis mai 2022, le recouvrement de la contribution foncière n'est plus sous la responsabilité de la paierie de Nouvelle-Calédonie, mais sous celle de la direction des services fiscaux. Un changement qui permet aux contribuables de bénéficier d'un point d'accès unique pour payer cet impôt.

    • Exonération de prime exceptionnelle de pouvoir d'achat

    Prévue dans une loi de pays portée par le gouvernement Santa, l'exonération de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat a été étendue aux années 2022 et 2023 en décembre dernier. Les employeurs peuvent ainsi verser cette prime à leurs salariés, qui bénéficient d'exonérations d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales dans la limite de 100 000 francs par employé.

    Ce qui sera bientôt adopté 

    • La taxe sur les exportations minières et la redevance sur les extractions

    Après de longs échanges et des débats houleux, la taxe sur les exportations minières et la redevance sur les extractions doivent encore être examinées par le Congrès en deuxième lecture. Concrètement, les exportateurs devront s'acquitter d'un montant fluctuant en fonction des cours du minerai. De la même manière, les extracteurs paieront un franc par kilo de minerai si le prix est inférieur à 6 200 FCFP/tonne. Si le prix est supérieur à ce seuil, la redevance grimpera à neuf francs par kilo.

    • La part additionnelle variable de la TTE

    La modification de la TTE (taxe sur la transition énergétique) devrait bel et bien passer devant le Congrès dans les prochains mois. Concrètement, cette taxe sur le carburant sera bientôt dotée d'une part additionnelle, dont la conséquence visible sera la stabilisation des prix à la pompe autour de 175-180 francs le litre, sauf réduction drastique des cours du pétrole.

    • La réforme de la TGC

    Mesure phare du projet de l'exécutif, la réforme de la TGC devrait survenir d'ici la fin de l'année. Les derniers arbitrages du gouvernement semblent pencher notamment en faveur d'un passage à trois taux (3 %, 10 % et 17 %). Si la réforme devait au départ dégager 8 milliards de francs supplémentaires, l'objectif n'est maintenant "plus que" de 4 milliards. Ce revirement s'explique en partie par la forte inflation, qui a automatiquement gonflé le rendement de la TGC : lorsque les prix grimpent, les taxes aussi.

    • La taxe sur les plus-values immobilières

    L'avant-projet de loi du pays a été déposé en septembre 2022. Le gouvernement prévoit de taxer les ventes de résidences secondaires à hauteur de 24 % de la plus value en comptant la CCS. Des abattements sont toutefois prévus : pour chaque année de détention, les vendeurs paieront 10 % de moins. Ils seront totalement exonérés si le bien mis en vente a été acheté il y a plus de 20 ans.

    • La taxe "croisière"

    Une taxe pour chaque navire de croisière en escale sur le territoire, c'est l'idée développée dans un avant-projet de loi pays examiné en octobre 2022. Elle serait determinée en fonction du nombre de passagers par bateau. Avec des tarifs compris entre 1 000 et 1 500 francs par personne, cette nouvelle taxe pourrait rapporter plus d'un milliard de francs par an.

    • La taxe sur les produits sucrés

    Cela fera bientôt deux ans que la taxe "sucre" patiente sur le bureau du Congrès. L'objectif est d'inciter les producteurs à diminuer la teneur en sucre de leurs boissons et aliments. Le tarif serait fixé à 1 FCFP/gramme de sucre dans un litre de boisson. Pour d'autres produits comme la glace ou le chocolat, des tarifs forfaitaires ont été proposés. 

    Ce qui est encore à l'étude

    • La réforme de l'impôt sur le revenu

    C'est, là encore, un pilier de la réforme fiscale. La révision de l'impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) devra dégager chaque année un peu plus de 4 milliards de francs d'après une première estimation du gouvernement, fin 2021. Si rien n'est gravé dans le marbre, les premières pistes envisagées consisteraient à réviser les barèmes, supprimer ou plafonner les niches et taxer les dividendes.

    • La micro-taxe sur les transactions financières

    La célèbre taxe Tobin sera-t-elle déclinée localement sur le Caillou ? Le gouvernement souhaite en tous cas aller en ce sens, avec l'instauration d'une micro-taxe sur les transactions financières. Il s'agirait d'effectuer des prélèvements de l'ordre de 0,01 % à 0,1 % sur chaque transaction.

    • La révision de la convention fiscale avec la Métropole

    L'exécutif n'a pas eu l'occasion de dévoiler en détails son projet. Mais l'idée serait de modifier la convention fiscale conclue avec la Métropole au début des années 1980. À la clé, des conditions plus avantageuses pour le Caillou, qui espère tirer 600 millions de francs supplémentaires de rendement.

    • La redevance routière

    Supprimée en 2008, la vignette va-t-elle faire son retour sur les pare-brises des véhicules calédoniens ? Très probablement, à la différence près qu'il s'agira plutôt d'un QR-code. Le projet n'est pas encore abouti, il faudra rendre des arbitrages. On sait en revanche que le gouvernement souhaite en tirer 4,6 milliards de francs CFP par an.

    • La réforme de l'impôt sur les sociétés

    C'est l'une des rares mesures qui satisfasse à la fois le Medef et le gouvernement : la baisse annoncée de l'impôt sur les sociétés, qui passerait de 30 à 25 %. Une diminution qui coûterait entre 3,2 et 4 milliards de francs CFP chaque année, avec l'objectif de favoriser les investissements et la création d'emplois sur le Caillou. En parallèle, l'exécutif souhaite également modifier la contribution sociale additionnelle à l'impôt sur les sociétés.

    • Réforme de la contribution foncière

    L'idée de cette réforme consiste à réviser la manière dont l'assiette imposable est déterminée. L'une des pistes est de se pencher sur les différents zonages et exonérations. Les tarifs, identiques depuis 1981, devraient être amenés à changer.

    • Taxe sur le produit net bancaire

    Le gouvernement envisage aussi d'instaurer un impôt spécifique sur les activités bancaires et financières. La taxe concernerait la valeur ajoutée de ces activités. En d'autres termes, "la différence entre les produits issus de l'activité bancaire et les charges engendrées par cette même activité", explique le cabinet de Gilbert Tyuienon.

    • La taxe sur la plus-value mobilière

    Sur le même modèle que pour les plus-values immobilières, cette taxe sera appliquée sur le gain réalisé entre l'achat et la vente de parts sociales d'entreprises domiciliées sur le Caillou. Les modalités sont encore à déterminer.