Le Congrès de la Nouvelle-Calédonie avait donné son feu vert. Le Sénat aussi. Ne manquait plus que le vote des députés. Mercredi 6 novembre, l'Assemblée nationale a largement adopté la proposition de loi sur le report des élections provinciales calédoniennes à 297 voix pour, 0 contre. Le texte ayant été voté dans les mêmes termes qu'au Sénat, le Parlement donne donc son feu vert définitif au décalage du scrutin, qui devait initialement se tenir en mai 2024, puis d'ici au 15 décembre 2024. Désormais, il devra être organisé d'ici au 30 novembre 2025.
Le report des provinciales est une étape essentielle pour permettre à la Nouvelle-Calédonie de sortir de la crise dans laquelle elle est plongée depuis le mois de mai. En début d'année, le projet de loi sur le dégel du corps électoral calédonien a mis le feu aux poudres. Tout le monde était donc d'accord pour dire qu'il était impossible d'organiser une élection si cruciale dans un contexte si tendu.
Mercredi, en séance, tous les groupes politiques de l'Assemblée nationale ont apporté leur soutien à la proposition de loi rédigée par les sénateurs socialistes – le gouvernement a profité qu'un texte avait déjà été déposé dans la chambre haute du Parlement pour voter la mesure le plus vite possible.
Seul un député La France insoumise (LFI), Bastien Lachaud, a présenté deux amendements dans un but purement symbolique. L'un prévoyait que le report des provinciales ne s'applique qu'une fois que les militants kanak de la CCAT incarcérés dans l'Hexagone seraient libérés, ce qui a déclenché de vifs débats sur la notion de "prisonniers politiques". L'autre voulait que la date limite pour organiser les prochaines provinciales soit fixée à fin mai, et non fin novembre, "pour que [les] membres [des assemblées et du Congrès] aient une nouvelle légitimité démocratique" alors que les dernières élections ont eu lieu en mai 2019. Ils ont été retirés avant même d'être soumis au vote.
Reconstruire
Désormais, les conditions sont réunies pour permettre aux Calédoniens de sortir de la crise politique. Les partis locaux n'auront pas à se déchirer dans une campagne électorale qui aurait être bousculée par un contexte socio-économique dégradé. Indépendantistes et non-indépendantistes sont maintenant invités à reprendre le chemin du dialogue dans l'optique de s'entendre sur un projet commun pour l'avenir institutionnel du territoire.
"Plutôt que se tourner en permanence sur le passé et peut-être même ses erreurs, il me semble indispensable aujourd'hui de nous tourner vers l'avenir", a dit le ministre chargé des Outre-mer en ouverture des débats. Fin octobre, François-Noël Buffet s'est rendu sur le Caillou pour assurer la population du soutien de l'État et faciliter la reprise des discussions entre les différents acteurs locaux. Samedi, ce sera au tour de la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, et du président du Sénat, Gérard Larcher, de s'envoler vers Nouméa dans le cadre d'une mission de concertation inédite. Tous les sujets seront abordés : les élections provinciales, l'autodétermination, la citoyenneté calédonienne, ou encore le si délicat dossier du dégel du corps électoral...
Si le report des élections provinciales laisse à présent le temps aux Calédoniens de construire un avenir commun entre les différentes communautés, le temps est tout de même compté. Et tout reste à faire. "S'il n'y a pas un retour de tout le monde [indépendantistes et non-indépendantistes] à la table des discussions (...), on va s'enfoncer dans une guerre civile qui ne dira pas son nom", prédisait l'ancien député Philippe Gomès (Calédonie ensemble, non-indépendantiste modéré) sur le plateau de Nouvelle-Calédonie la 1ère, le 27 octobre.
La reconstruction politique ne pourra se faire qu'en même temps que la reconstruction économique. Depuis les violences, l'économie du territoire est exsangue (un quart de PIB en moins, 10.000 emplois perdus dans le privé, hausse des prix...). Mardi, François-Noël Buffet a annoncé que 80 millions d'euros supplémentaires (9,5 milliards de francs pacifique) seront débloqués dans le budget 2025 pour aider à reconstruire les bâtiments détruits pendant les émeutes, portant à 1,4 milliard d'euros (167 milliards de francs pacifique) l'aide dont aura bénéficié la Nouvelle-Calédonie entre 2024 et 2025.