Après sa récente prise de position devant le Conseil Constitutionnel contre la réforme des retraites, la députée mahoraise, Estelle Youssouffa (LIOT), a exprimé sa volonté du maintien de l’opération Wuambushu, date de la fin du Ramadan.
Et bien que l’intervention n’ait jamais été confirmée par l’État, notamment par le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, la députée de la 1ʳᵉ circonscription de Mayotte, Estelle Youssouffa s'étonne de la fuite de cette information sur l'action censée débuter "à la fin du ramadan" (prévue le 20 avril), selon les révélations parues en février dernier dans le Canard Enchaîné puis confirmée par l’AFP.
L'ex-journaliste a dans son viseur plusieurs cibles. Entre les institutions comoriennes ou françaises et les associations de défense des droits de l'Homme, la députée de la LIOT a, lors de cette conférence de presse, maintenu son opposition aux différents communiqués parus ces derniers jours par les différentes parties.
" Les bidonvilles sont des zones de non-droit qu'il faut détruire"
Tout est très clair pour la députée LIOT. Les bidonvilles doivent être "dissous" et ses habitants "expulsés", à défaut d'être relogés. Mais la question qui se pose, au-delà de repousser dans le temps les problématiques liées aux différents flux migratoires, est la gestion du relogement, une fois les CRS en action.
À l'heure actuelle, aucune mesure n'a été annoncée, ni évoquée par le gouvernement pour le relogement de plus d'un millier de foyers, soit environ 5000 personnes selon la députée mahoraise. Pour elle, "Mayotte est le théâtre d'une guerre avancée sur le droit des étrangers au niveau national", elle ajoute que "cette opération n'aurait jamais dû être rendue publique".
Pour l'instant, la seule information parvenue est la destination de ces populations : l'île d'Anjouan (Union des Comores). Et pour la députée de la 1ʳᵉ circonscription de Mayotte, qui continue de soutenir cette action, " ce n'est pas mon sujet, ce sont aux services de la préfecture de gérer cela" justifiant que la destruction de ces bidonvilles est " un impératif de sécurité publique"
Les bidonvilles sont des zones de non-droit, dangereuses au niveau social, des bombes sociales et environnementales qu’il faut détruire. Ce sont des terrains privés ou publics occupés illégalement.
Estelle Youssouffa
S'en prenant directement aux associations de défense des droits de l'Homme, Estelle Youssouffa les accuse de soutenir les propos du président comorien Azali Assoumani et de " régler leurs comptes" avec le gouvernement français " On prend très mal la course à l'échalote de certaines associations qui ont décidé d'utiliser Mayotte pour régler leurs comptes avec le Ministre Darmanin et le Président Macron", elle ajoute que cela " devient inadmissible que des associations humanitaires reprennent un discours porté par le président Azali".
Le positionnement des associations de défense des Droits
Pour rappel, la députée fait suite aux différentes déclarations des associations, via des communiqués, se positionnant contre la mise en œuvre de cette opération de délogement forcé.
Le 5 avril, des organisations de la société civile comorienne ont tenu une conférence de presse pour prévenir d'un "massacre à venir". "Nous comptons saisir les organisations internationales pour les informer du massacre que la France veut perpétrer sur l'île comorienne de Mayotte" avait réagi Youssouf Attick Ismael, le président du Comité Maore (Maore veut dire Mayotte en langue nationale).
Le 31 mars dernier, c'est l'Unicef, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance, qui demandait à l'État français de renoncer à l'opération Wuambushu. Dans un document de cinq pages, il s’inquiète "de l'impact que cette opération d'envergure risque d'avoir sur la réalisation des droits des enfants les plus vulnérables présents sur le territoire, notamment des mineurs étrangers et des mineurs en conflit avec la loi."
L’Unicef redoute que l'augmentation du nombre d'interpellations lors de l'opération "implique mécaniquement une augmentation du taux d'erreurs dans la procédure d'éloignement". Ce qui pourrait entraîner un nombre plus important d'enfants isolés à Mayotte.
Le fonds suit ainsi le sillon de la Commission nationale consultative des Droits de l'Homme (CNDH) qui avait également écrit à M. Darmanin le 17 mars dernier pour l'exhorter à "renoncer" à ce projet, considérant notamment le risque d'"atteinte au respect des droits fondamentaux des personnes étrangères dans le cadre d'expulsions massives".
Les Comores demandent aux autorités françaises "d'y renoncer". Malgré les nombreux appels de la société civile et des partis politiques comoriens, le président Azali Assoumani ne s'était pour l'instant pas exprimé sur cette action. Pour rappel, les autorités comoriennes ne reconnaissent pas Mayotte comme département français mais comme faisant partie de leur territoire.