Opération Wuambushu à Mayotte : la France sème la "violence", accusent les Comores

Service des Etrangers à la Préfecture de Mayotte (photo illustration)
Les Comores ont accusé mardi la France de vouloir semer la "violence" avec l'opération Wuambushu. Prévue dans les jours à venir, celle-ci a pour but de déloger à Mayotte des étrangers en situation irrégulière et de les renvoyer vers l'île comorienne d'Anjouan.

L'opération "Wuambushu" (reprise, en mahorais) du ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, vise à déloger les migrants illégaux des bidonvilles du département français situé dans l'océan Indien et expulser les sans-papiers, dont la plupart sont des Comoriens, vers l'île comorienne la plus proche située à seulement 70 km à vol d'oiseau de Mayotte.

L'opération approuvée en février par le président français Emmanuel Macron doit être lancée en fin de semaine, après la fin du ramadan.

Une opération "déroutante"

"Nous n'avons pas les moyens d'absorber cette violence fabriquée depuis Mayotte par l'État français. Une situation aussi complexe ne peut se régler de manière aussi déroutante", a déploré le gouverneur d'Anjouan, Anissi Chamsidine. "Nous recommandons aux Français de renoncer vivement à l'opération Wuambushu", a pour sa part martelé le porte-parole du gouvernement, Houmed Msaidie.

Le président comorien, Azali Assoumani, actuellement à Médine en Arabie Saoudite, a déclaré la semaine dernière espérer "que l'opération sera annulée", reconnaissant "n'avoir pas les moyens de stopper l'opération par la force". D'intenses tractations ont eu lieu ces dernières semaines entre Paris et Moroni, la capitale des Comores. 

Des organisations de la société civile comorienne ont de leur côté dénoncé le "massacre que la France veut perpétrer sur l'île comorienne de Mayotte". À Mayotte, les personnels de santé ont mis en garde contre de possibles "conséquences dramatiques" d'une telle opération anti-migrants.

Délinquance galopante

De nombreux migrants africains et notamment comoriens tentent chaque année de rallier clandestinement Mayotte, où la moitié de la population est étrangère. Ces traversées hasardeuses prennent souvent un tour dramatique avec des naufrages de kwassa kwassa, petites embarcations de pêche à moteur utilisées par les passeurs.  

Depuis 2019, l'État français a considérablement accru la lutte contre cette immigration clandestine, avec notamment la présence continue en mer de bateaux intercepteurs et une surveillance aérienne.

Département le plus pauvre de France avec 80% de la population sous le seuil de pauvreté, Mayotte est confrontée à une délinquance galopante sur fond de crise migratoire.

"Dernière chance de rétablir l'ordre"

C'est pour tenter de mettre fin à cette délinquance que des parlementaires mahorais réclament de leur côté le maintien de l'opération Wuambushu. Pour la députée Estelle Youssouffa, c'est leur "dernière chance de rétablir l’ordre et la sécurité"

Une demande partagée par des collectifs de citoyens qui s'en prennent aux associations "pseudo-humanitaires" et dénoncent un "chantage permanent aux autorités, sous la menace de violences en tout genre avec machette".

Se pose aussi la question de ce que vont devenir les habitants délogés des bidonvilles, la plupart Comoriens : seront-ils effectivement renvoyés aux Comores ou libérés si leur pays d'origine refuse de les accueillir ? Seront-ils relogés ? Rien ne permet d’affirmer aujourd’hui ce qu'il va se passer.