Les Outre-mer, c'est quoi ? Mayotte

Vue d’îlots à Mayotte
Le peuplement de Mayotte aurait commencé vers le VIIe siècle. L’archipel a connu l'influence des Swahilis d’Afrique de l’est, puis de populations arabo-musulmanes et malgaches. De par son histoire, sa composition, sa culture, la société mahoraise est intense et plurielle.

Chef-lieu : Mamoudzou 
Statut : Collectivité unique et département   
Zone : Océan Indien, archipel des Comores
A l’est, Madagascar
A l’ouest, le Mozambique
Paris se trouve à 8000 km
Mayotte fait partie des régions ultrapériphériques (RUP) de l’Union européenne
Langues : Shimaoré, français, kibushi
 

Population

La population mahoraise s’élevait à plus de 256.000 personnes en 2017, selon les chiffres officiels. Mais elle pourrait être largement supérieure du fait de l’immigration clandestine, les personnes en situation irrégulière et leurs familles se soustrayant aux recensements. L’archipel est le département le plus jeune de France. L’âge moyen est de 23 ans, contre 41 ans dans l’Hexagone, et la moitié des habitants ont moins de 18 ans. Les personnes âgées de plus de 60 ans ne représentent que 4% de la population. Mayotte est aussi le département français où la proportion d’étrangers dans la population est la plus importante, devant la Guyane (35%). Ce ratio est même majoritaire dans les communes de Koungou (61%), Mamoudzou (58%), Dembéni (58%) et Ouangani (54%). Environ 95% des migrants sont d’origine comorienne.
 


♦ Vidéo : À Mayotte, 48% de la population est étrangère, un ratio "inédit" en France


Histoire en bref

Le peuplement de Mayotte aurait commencé vers le VIIe siècle, bien que les sources divergent sur cette date. Jusqu’au Xe siècle environ, l’île a été dominée par les Swahilis originaires d’Afrique de l’est, puis par des populations d’origine malgache. À partir du XIe siècle, suite à l’expansion du commerce maritime et du contact avec le Moyen-Orient, l’influence arabe et l’islam se développent progressivement, souvent par la force. Vers la fin du XVe, un sultanat shirazi (l’Iran actuel) s’installe et sera reconnu jusqu’au XIXe. Les Européens, à commencer par les Portugais, arrivent au début du XVIe siècle, et font de Mayotte un port d’escale et de ravitaillement. De 1750 à 1820 environ, des razzias malgaches pour capturer des esclaves, accompagnées de pillages, dépeuplent l’île de milliers de personnes.

En avril 1841, le sultan Andriantsoly, qui règne alors sur Mayotte, décide de vendre l’île à la France pour échapper aux attaques et velléités de domination des voisins comoriens et malgaches. Il obtient en échange une rente viagère personnelle. La ratification du traité de cession se fait deux ans plus tard, en 1843, par Louis-Philippe 1er. Mayotte devient une colonie française. Jusqu’alors dévastée par la traite arabo-musulmane, l’abolition de l’esclavage est promulgué le 27 avril 1846, soit deux ans avant les autres colonies françaises. Par la suite, l’administration française tente de bâtir l’économie de l’île, quasiment à l’abandon. Elle lance des grands travaux de construction et tente de développer une économie sucrière, comme aux Antilles et à La Réunion, mais qui sera vouée à l’échec. On peut d’ailleurs visiter aujourd’hui les vestiges de l’ancienne usine de sucre de Soulou, classée monument patrimonial.

♦ Vidéo : l’usine sucrière de Soulou à M’Tsangamouji parmi les monuments du patrimoine à restaurer


En 1886, les îles de la Grande Comore, d’Anjouan et de Mohéli deviennent des protectorats français, puis en 1946 un territoire d’Outre-mer incluant Mayotte. Après diverses évolutions de statuts au sein du cadre colonial français, l’archipel des Comores est finalement inscrit sur la liste des pays à décoloniser par les Nations unies en août 1972. Le 22 décembre 1974, un référendum sur l’accession à l’indépendance est organisé dans tout l’archipel. Le décompte des suffrages, réalisé île par île, est favorable à l’indépendance à plus de 90% sauf à Mayotte qui veut rester française à plus de 63%. Contre la volonté des Comores qui proclament leur indépendance en 1975 et revendiquent Mayotte comme partie intégrante de leur territoire, cette dernière entend rester dans la République, avec le soutien appuyé l’Etat français. En février 1976, un second référendum vient confirmer le choix du premier, à plus de 99%. En mars 2009, un nouveau référendum est organisé sur la question de la départementalisation. Les Mahorais votent en sa faveur à plus de 95%, et le 31 mars 2011 Mayotte devient officiellement le 101e département français.

>>> A lire : Archives d'Outre-mer – Mayotte, le long chemin vers la départementalisation

 

 

 

Géographie

Mayotte a une superficie de 374 km2 et comporte deux îles principales, Petite-Terre (10 km2) et Grande-Terre, ainsi qu’une trentaine d’îlots répartis dans un lagon de 1100 km2 environ. Ce dernier est lui-même au milieu d’une barrière de corail de 160 km de long. Située dans l’archipel des Comores, « l’île aux parfums » se trouve à 70 km d’Anjouan. Belle et vieille dame de plus de huit millions d’années, Mayotte est d’origine volcanique. Les vestiges topographiques sont encore visibles comme en témoignent le lac Dziani (Petite-Terre) ou le mont Choungui (sud de Grande-Terre). En mai 2018, la reprise d’une activité sismo-volcanique régulière a été enregistrée sur l’île, avec des centaines de secousses recensées par les scientifiques. Ces « essaims de séisme » ont révélé l’existence d’un volcan sous-marin au large de l’archipel.
 

Vue du lac Dziani

 

 

Economie

Avec un produit intérieur brut (PIB) par habitant légèrement supérieur à 9200 euros en 2016 (source Institut d’émission des départements d’outre-mer [IEDOM]), Mayotte est le département le plus pauvre de France. À titre de comparaison, son PIB est trois fois et demie plus faible que celui de l’Hexagone, et représente 43,3% de celui de La Réunion. L’IEDOM relève cependant que la croissance de l’économie mahoraise se poursuit à un rythme soutenu, et que l’écart devrait se réduire progressivement au fil du temps. En 2018, le taux officiel de chômage s’élevait à 25.600 personnes, soit 35,1% de la population active. Mais au vu de la complexité sociologique du territoire (immigration massive, secteur informel, structures traditionnelles fortes), ce taux est vraisemblablement supérieur. Les femmes mahoraises sont le plus pénalisées par le chômage, toutes tranches d’âges confondues. Leur taux était de 42% en 2018, contre 29% pour les hommes.

Au niveau de l’activité économique, le secteur tertiaire (administration, éducation, santé, social commerce, services) est prédominant et concentre 65% de la valeur ajoutée. Il constitue environ 73% de la main d’œuvre. D’année en année, la part du secteur agricole a baissé. Il ne représente plus aujourd’hui qu’une faible part de l’économie formelle à Mayotte. L’avenir des filières traditionnelles, dominées par l’ylang-ylang et la vanille, est de plus en plus incertain face au coût du travail, la rareté du foncier et la concurrence des îles voisines (Comores et Madagascar). La production agricole est surtout informelle (à 80%), dans le cadre d’un complément de revenu ou d’autosuffisance alimentaire. Elle se pratique essentiellement de manière familiale et participe à l’alimentation de base pour la population.
 


Avec sa zone économique exclusive de 74.000 km2, le secteur de la pêche à Mayotte pourrait avoir un fort potentiel, mais reste peu exploité actuellement. Seul 0,1% de la flotte mahoraise est apte à pêcher au large, les infrastructures sont insuffisantes, l’activité reste surtout informelle et nombre de pêcheurs pratiquent une pêche illicite et non réglementée.
Autre secteur théoriquement porteur, le tourisme. Bonne nouvelle, après plusieurs années de stagnation, la fréquentation a fait un bond de 21,4% en 2017 pour atteindre près de 62.000 visiteurs. Cependant, le secteur demeure marginal tant au regard de son poids dans l’économie locale (5,6% des entreprises actives), que de son activité comparée aux autres îles de l’océan Indien (plus de 500.000 touristes à La Réunion en 2017). En dépit de ses atouts indéniables, notamment son magnifique lagon et sa nature, Mayotte souffre d’un manque de structures d’hébergement adaptées, de qualification et d’une image dégradée du fait d’une insécurité perçue comme grandissante.
 

 

 

Politique et cadre institutionnel

Collectivité unique, Mayotte est un département qui exerce les compétences dévolues aux départements d’Outre-mer et aux régions d’Outre-mer (DROM). Le territoire comprend un Conseil départemental assisté de deux organes consultatifs : le Conseil économique, social et environnemental de Mayotte (CESEM) et le Conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement (CCEE). Il comporte également six commissions, chacune ayant un domaine de compétences défini : finances et développement économique ; aménagement, environnement et cadre de la vie ; santé, action sociale et administration générale ; formation et insertion ; culture, jeunesse et sport ; coopération décentralisée et vie institutionnelle.

>>> Le Conseil départemental de Mayotte

Mayotte a deux députés et deux sénateurs au Parlement. Depuis janvier 2014, le département est une région ultrapériphérique (RUP), ce qui lui permet de bénéficier des fonds structurels européens. Par ailleurs, la transformation statutaire de Mayotte a requis un alignement de son système civil, juridique, fiscal et règlementaire sur le droit commun, alors que l’archipel bénéficiait jusque-là de certaines spécificités issues du droit coutumier, lui-même inspiré du droit musulman.
 

Société

Chômage massif, immigration, manques d’infrastructures, vie chère, pauvreté, insécurité… Mayotte est en proie à de considérables problèmes sociaux, entraînant de fréquents mouvements de revendications. L’un des plus importants fut celui de l’année 2018. A partir du mois de janvier, des manifestations éclatent contre l’insécurité et l’immigration comorienne notamment. Le 20 février, le mouvement, rassemblant syndicats, représentants de la société civile et des élus, débouche sur l’annonce d’une grève générale et des opérations « île morte », avec barrages routier et blocage du port principal de l’île, à Longoni. Des pénuries de vivres et de médicaments se font rapidement sentir.

♦ Vidéo : des manifestants protestent contre l'insécurité en février 2018

 
La visite de la ministre des Outre-mer Annick Girardin à Mayotte le 12 mars ne parvient pas à débloquer la situation. Le 19 avril, le Premier ministre Édouard Philippe rencontre les élus mahorais à Paris, et annonce les grandes lignes d’un plan devant être présenté en mai. Ce dernier est dévoilé le 15, pour un coût de 1,3 milliard d’euros. Il prévoit entre autres des embauches dans l’éducation nationale, un renforcement de la lutte contre l’immigration, des augmentations des effectifs de police et de gendarmerie, la modernisation des services de santé, et le rapprochement des minima sociaux sur ceux de l’Hexagone. Courant 2020, les mesures prises par le gouvernement sont encore loin de se faire sentir, notamment dans le domaine de l’emploi, de l’éducation et de la santé. À ces maux structurels, il faut ajouter la crise due à la pandémie de coronavirus. Début mai 2020, Mayotte dénombrait plus de 1000 personnes contaminées et douze décès, faisant de l’île le département le plus touché dans les Outre-mer.
 

 

 

Culture et sport

Historiquement, Mayotte fut et demeure encore au carrefour de nombreuses cultures : africaines, arabo-musulmanes et européennes. Une spécificité est à rajouter à ce creuset. La société mahoraise se caractérise par son aspect matriarcal, où les femmes jouent un rôle déterminant tant au niveau de la famille que de la société dans son ensemble. La plus célèbre d’entre elles fut Zéna M’Déré (1917-1999), à l’origine du mouvement des « chatouilleuses » et du Mouvement populaire mahorais, qui était l’un des plus grands partis politiques de l’île. Les femmes « chatouilleuses » militaient activement dans les années soixante et soixante-dix pour le maintien de Mayotte au sein de la République française. Leur méthode, encercler par dizaines les politiciens et les chatouiller presque jusqu’à suffocation pour les sensibiliser à leur cause !

♦ A lire et à voir : [Archives d'Outre-mer] Le combat des "chatouilleuses" de Mayotte

Au niveau patrimonial, l’île compte quelques sites et monuments inscrits ou classés au titre des monuments historiques par le ministère de la Culture. Parmi eux, la mosquée de Tsingoni (XVIe siècle, classée), l'ancienne maison du gouverneur de Mayotte (XIXe siècle, classée), et l'ancienne sucrerie de Soulou (XIXe). Ces dernières années, notamment sous l’impulsion du tourisme, l’artisanat local s’est développé et diversifié. L’orfèvrerie s’est notamment taillé une solide réputation pour son minutieux travail de l’or et de l’argent dans le cadre de la réalisation de bijoux et de parures, dont les Mahoraises sont friandes. La broderie, la vannerie, la poterie et la sculpture du bois alimentent également la création de l‘archipel.

En littérature, Mayotte compte notamment parmi ses écrivains le poète et dramaturge Alain-Kamal Martial, ainsi que les romanciers Nassur Attoumani (récompensé du Grand Prix littéraire de l'océan Indien en 2004 pour « Mon mari est plus qu'un fou : c'est un homme ») et Abdou Baco. Ce dernier est aussi un musicien très connu localement, et se partage la vedette avec M’Toro Chamou, artiste engagé et éclectique qui a contribué au renouveau de la musique mahoraise.

♦ Regardez le clip de M’Toro Chamou tourné en Afrique du Sud (janvier 2020)

 
Enfin, dans le domaine sportif, l’enfant le plus célèbre du territoire est sans conteste le footballeur professionnel Toifilou Maoulida. À la retraite sportive depuis 2018, cet attaquant formé au Montpellier HSC a joué durant sa carrière au Stade Rennais, à l'Olympique de Marseille, au RC Lens et au SC Bastia, entre autres. Il fut sacré champion de France de Ligue 2 lors de la saison 2008-2009 avec Lens.