La restitution des restes humains conservés dans les musées français fait débat. Le Pôle Outre-mer de France Télévisions et Radio France Internationale proposent une émission consacrée à la question de ces rétrocessions, co-présentée par Hodane Hagi Ali (Outre-mer la 1ère) et Anne Corpet (RFI).
Ensemble, elles apportent un éclairage sur les enjeux politiques, mémoriels et éthiques qui entourent cette question avec des invités en direct :
- Corinne Toka-Devilliers, présidente de l’association Moliko Alet+Po qui milite pour la restitution aux communautés amérindiennes de Guyane des restes des Kali’na exhibés au Jardin d’acclimatation à la fin du XIXème siècle.
- Klara Boyer-Rossol, historienne de l’Afrique, spécialiste de Madagascar et de l’Océan Indien qui a passé des années à identifier les restes humains qui reposent dans les établissements publics français.
- Catherine Morin Dessailly, sénatrice de Seine-Maritime, à l’origine de la loi sur les restitutions des restes humains appartenant aux collections publiques.
Ainsi que des reportages préparés par les rédactions du pôle Outre-mer :
- Au Musée de l’Homme à Paris reposent 24.000 restes humains dont certains en provenance des Outre-mer. Leur identification nécessite un long travail d’analyse mené par des scientifiques, des anthropologues, des historiens. Tiziana Marone d’Outre-mer la 1ère s’est rendu dans les réserves du musée.
- En 2014, la France a rendu à la Nouvelle Calédonie les restes du grand chef kanak Ataï, tué pendant la grande révolte kanak de 1878 contre les spoliations foncière, alors conservée dans les réserves du Musée de l’Homme à Paris. En 2021, la dépouille du grand chef et celle de son sorcier, également restituée, ont enfin été inhumées, sur les terres natales d’Ataï, 136 ans après leur mort. Charlotte Mannevy de Nouvelle Calédonie la 1ère s’est rendu sur le site mémoriel, devenu un lieu de vie et de retrouvailles pour les descendants d’Ataï.
Des crânes, des squelettes, des cheveux… alors que des dizaines de milliers de restes humains s’entassent dans les réserves des musées français, les députés planchent sur une loi pour faciliter leurs restitutions. Si ce texte devrait être adopté définitivement avant la fin de l’année 2023, pour l’instant, chaque restitution nécessite le vote d’une loi spécifique. À ce jour, seuls deux textes de ce type ont été votés : le premier en 2002, pour rendre la dépouille de Saartjie Baartman, dite la "Vénus Hottentote", à l’Afrique du Sud, le second en 2010, restituant des têtes maories à la Nouvelle-Zélande. Actuellement, la France doit traiter trois demandes officielles de restitution émanant de pays étrangers : Madagascar, l’Australie et l’Argentine. La loi sur les restitutions des restes humains, attendue de longue date, doit créer un cadre général pour lister une procédure et des critères objectifs afin de sortir du cas par cas. Mais quid des Outre-mer ?
Un autre cadre pour les restes ultramarins
En limitant les restitutions aux demandes faites par "des États", le texte exclut toute demande venant des territoires et des communautés d’Outre-mer.
Si Mereana Reid Arbelot, députée de Polynésie française, a bien tenté d’inclure les territoires ultramarins via un amendement, ce dernier n’a pas été retenu. "On ne veut pas laisser ce sujet en l’air, on veut y travailler, a affirmé la ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, devant la commission des Affaires culturelles de l’Assemblée nationale.
"J’ai bien fait comprendre que la proposition de loi actuelle ne nous convenait pas. Nous sommes dans notre droit de demander à ce que nos anciens reviennent au pays après 140 ans", estime Corinne Toka Devilliers, qui se bat pour le retour des restes, conservés au musée de l'Homme à Paris, d'amérindiens Kali'na de Guyane exhibés au Jardin d'acclimatation à la fin du XIXe siècle et morts sur place. "Je suis sensible à la demande des descendants de ces Guyanais qui ont été honteusement exhibés dans un de ces zoos humains", a assuré la ministre de la Culture.
Si la loi à venir ne crée pas de cadre pour les Outre-mer, elle entend toutefois en dessiner un prochainement. Le deuxième article du texte prévoit que le gouvernement remette au Parlement un rapport "dans un délai d’un an" après la promulgation de la loi pour, à terme, élaborer "une procédure pérenne de restitution des restes humains" ultramarins. En attendant, la sénatrice Catherine Morin Dessailly indique qu’elle suivra "personnellement" la question de la restitution des restes des Kali’na, un dossier qui "lui tient à cœur".