À Mayotte, début juin, les surveillants pénitentiaires bloquaient l'accès à la prison pour protester contre le taux d'occupation de 230 % qui en faisait l'établissement pénitentiaire français le plus densément peuplé. Quelques jours plus tôt, c'était en Guadeloupe que les syndicats dénonçaient les conséquences de la surpopulation carcérale.
Ils ne sont pas les seuls. De nombreuses voix réclament depuis des années un mécanisme de régulation qui interdirait d'incarcérer des personnes dans une prison quand le taux de 100% d'occupation est atteint.
Ce mécanisme faisait partie des recommandations des États généraux de la Justice dont s'est largement inspiré le projet de loi d'Eric Dupond-Moretti adopté ce mardi 18 juillet à l'Assemblée nationale. Mais cette disposition n'a pas été retenue, le garde des Sceaux préférant mettre en avant le plan (annoncé en 2018) de construction de "15.000 places" de prisons supplémentaires d'ici à 2027.
Maisons d'arrêt uniquement concernées
Les députées Caroline Abadie (Renaissance, majorité présidentielle) et Elsa Faucillon (communiste) ont présenté ce mercredi 19 juillet ce mécanisme de régulation comme une "solution de secours" si ces nouvelles places ne suffisaient pas à régler le problème "dramatique" de la surpopulation carcérale. Les peines prononcées sont aujourd'hui "deux fois plus sévères" qu'il y a 20 ans, a rappelé Caroline Abadie lors d'une conférence de presse à l'Assemblée nationale.
Ce mécanisme ne concernerait que les maisons d'arrêts, où sont incarcérés les détenus en attente de jugement et donc présumés innocents, et uniquement les infractions punies de deux ans d'emprisonnement maximum. Le taux d'occupation y est de 144,6%, et dépasse les 200% dans 10 établissements.
La parlementaire Renaissance note que "l'alternative à la détention a montré son efficacité" sur les peines courtes en matière de réinsertion. Il faut "sortir du populisme carcéral", l'incarcération "coûte plus cher" que les alternatives à la détention, a aussi souligné Elsa Faucillon.
Le rapport recommande de supprimer les peines d'emprisonnement pour les délits passibles de moins d'un an, et de les remplacer par une "peine de probation" unique regroupant toutes les alternatives à la détention possibles. Le juge d'application des peines définirait ensuite cette peine de probation selon le profil de la personne concernée.
200% en Guyane
La France a battu un nouveau record de surpopulation carcérale, pour la cinquième fois en quelques mois, avec un total historique de 73.699 personnes incarcérées au 1er juin. La surpopulation carcérale a valu à la France deux condamnations, dont une début juillet, de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH).
Dans les maisons d'arrêt Outre-mer, les exemples ne manquent pas : la surpopulation carcérale frôlait les 200% dans le quartier "maison d’arrêt" de la prison de Rémire-Montjoly en Guyane. Même en Polynésie et à La Réunion où les centres pénitentiaires ne sont pas pleins, les quartiers "maisons d’arrêt" dépassent les 120% d'occupation.
Tous quartiers confondus, la densité carcérale – c’est-à-dire le ratio entre le nombre de places en prison et le nombre de détenus – était de 127,3% au 1er mai 2023 dans les Outre-mer. Cette surpopulation varie d’un territoire à l’autre. Comme le montre ce graphique, elle est la plus forte à Majicavo, le seul centre pénitentiaire de Mayotte, avec une densité carcérale de 208,6% tous quartiers confondus.