Elles ont reçu en moyenne 45 000 euros de dédommagement et risquent de devoir rembourser cette somme, en partie ou en totalité. Alors que le procès en appel dans le scandale du Mediator ouvre ce lundi 9 janvier à Paris, l'angoisse monte chez certaines victimes, notamment réunionnaises, qui avaient reçu une indemnisation après le premier procès.
Le Mediator, un médicament commercialisé par le groupe Servier de la fin des années 1970 à 2009, est accusé d'avoir causé la mort de 1 500 à 2 000 personnes. Cet antidiabétique, qui provoquait de graves problèmes cardiaques, a été détourné de son usage et très largement prescrit pour ses propriétés coupe-faim à des personnes souhaitant perdre du poids. En mars 2021, les laboratoires Servier ont été reconnus coupables de "tromperie aggravée" et ont été condamnés à verser à l'État une amende de 2,7 millions d'euros et à indemniser les victimes à hauteur de 180 millions d'euros environ.
Un appel subi pour certaines victimes
Alain Antoine est avocat. Depuis plus de dix ans, il accompagne 180 victimes réunionnaises du Mediator. La plupart des parties civiles qu'il représente demandaient réparation pour un préjudice d'anxiété : sans avoir contracté de maladie liée à la prise du Mediator, elles vivaient dans l'angoisse de développer un jour une pathologie.
Alain Antoine ne voulait pas faire appel de la condamnation du groupe Servier. Il considère que les victimes ont obtenu une compensation financière satisfaisante. "J’estime que les parties civiles ont été largement entendues", explique-t-il. Ses clients ont obtenu de 30 000 à 50 000 euros. Mais puisque le laboratoire et le parquet ont décidé de faire appel, les victimes qu'il représente n'ont pas eu le choix et n'ont pas pu se retirer de la procédure.
Il n’existe pas de délits pour sanctionner ces voyous. Les juges ont joué avec ce qu’ils avaient à disposition, c'est-à-dire le délit de tromperie aggravé. Tromperie aggravée, c’est un commerçant qui vous vend du bourgogne en vous faisant passer ça pour une belle bouteille de bordeaux.
Maître Alain Antoine, avocat de plusieurs dizaine de victimes réunionnaises dans l'affaire du Mediator
"C'est très angoissant"
Faire appel "est un jeu dangereux", estime l’avocat, qui se dit "inquiet". À l'issue de ce nouveau procès, les juges peuvent confirmer les indemnisations ou demander aux parties civiles de rembourser, en partie ou en totalité, les sommes qui leur avaient été accordées lors du premier procès. Or l'argent a déjà été versé en 2021. "C’est extrêmement anxiogène pour les victimes, insiste maître Alain Antoine. Si la cour d’appel devait réduire ou annuler les indemnisations, se posera le problème du remboursement. Vous imaginez ? C’est de l’argent qui est déjà dépensé, c'est très angoissant."
En faisant appel, on joue l’indemnisation qui a été accordée aux victimes. On est fébrile, les gens ont déjà reçu leur indemnisation. Alors quand on leur dit qu’un jour tout ça peut s’envoler…
Maître Alain Antoine, avocat de plusieurs dizaine de victimes réunionnaises dans l'affaire du Mediator
Comme lors du premier procès en 2019, les victimes réunionnaises qui ne se rendront pas à Paris pourront assister aux débats depuis La Réunion grâce à une web radio. Le procès en appel devrait durer plusieurs mois et s'achever le 28 juin prochain.