Sébastien Lecornu a entamé ce dimanche 4 décembre sa 8ème visite en Nouvelle-Calédonie. Mais cette fois ci, pas d’avenir institutionnel au menu des discussions. Le ministre des Armées est venu s’entretenir avec ses homologues du Pacifique Sud lors du sommet qui se tient du 4 au 6 décembre.
Sébastien Lecornu rencontre également les forces armées de Nouvelle-Calédonie et les autorités locales puisque la France a décidé de renforcer sa présence militaire dans le pays.
Une présence militaire renforcée, pourquoi ?
Un déplacement malvenu pour le FLNKS qui fustige la "remilitarisation" de la Nouvelle-Calédonie.
"Ce n’est pas l’armée le problème, c’est ce qu’on en fait" répond Sébastien Lecornu pour qui il est important de préserver le Pacifique Sud des tensions internationales comme c’est le cas dans le Pacifique Nord.
" Les trois plus grandes marines de guerre du monde, la Fédération de Russie, la Chine, les États-Unis d’Amérique, montent en tension sur fond de dérèglement, la guerre en Ukraine, ce qui se passe au Proche-Orient. Au fond, on a cette responsabilité historique de regarder comment on fait pour justement qu’il n’y ait pas un effet de ricochet sur le Pacifique Sud".
Pour le ministre des Armées, l’enjeu dans le Pacifique Sud, c’est aussi "le réchauffement climatique, l’action en matière de sécurité civile des forces armées avec le dispositif Franz, la question de la pêche illégale… La question de la militarité, c’est un faux débat. Oui, nous allons remettre des moyens sur le Caillou pour ces missions".
Plus de coopération régionale
De 1640 militaires, l’effectif de l’armée devrait passer à 2000 à moyen terme en Nouvelle-Calédonie. Un renforcement annoncé en juillet dernier par le président de la République Emmanuel Macron lors de sa visite sur le territoire. Il s’agira notamment de renforcer la coopération régionale.
Avec l’Académie du Pacifique qui permettra de multiplier par six le nombre de stagiaires issus des armées amies. Ils passeraient rapidement de 40 à 240.
De nouveaux équipements arrivent également, des bateaux, et des nouvelles technologies comme les drones. Il s’agit, explique Sébastien Lecornu, d’être "capable d’augmenter le nombre de patrouilles pour protéger notre zone économique exclusive, notamment des incursions en matière de pêche illégale, mais comment aussi mettre plus de moyens au service des partenaires de la région. Donc au fond, c’est un agenda qui est pacifiste, fondamentalement environnemental, et qui participe aussi à notre souveraineté".
Les nouveaux navires par exemple, permettront à l’armée de pouvoir patrouiller en mer contre la pêche illégale, en lien aussi avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande, 160 jours par an contre 110 jours avec l’ancienne génération de bateaux.
"On a une montée en puissance à faire, on va le faire de manière très partenariale, de manière très solidaire. On assume une stratégie d’influence française dans la région, mais elle n’a rien de belliqueuse" assure le ministre des Armées.
Les relations franco-australiennes
Où en est-on aujourd’hui des rapports avec nos voisins australiens ? Les relations s’étaient tendues en 2021 quand le gouvernement de Scott Morrison avait rompu le contrat qui liait l’Australie à la France pour l’achat de sous-marins, leur préférant des bâtiments américains. Si les tensions avaient fini par se relâcher, c’est surtout la nouvelle équipe dirigeante en Australie qui a changé la donne. Le nouveau gouvernement australien "affiche sa francophilie" explique Sébastien Lecornu. La présence de Richard Marles, ministre australien de la Défense et vice-premier ministre, à Nouméa est un geste fort.
La France qui ne veut pas s’inscrire dans la logique des blocs, reste toutefois attentive à l’alliance Aukus (Australie, Royaume-Uni et États-Unis). "Nous l’observons, nous en avons pris acte, mais il est clair que lors de mes entretiens avec les différents partenaires cette semaine, nous aurons l’occasion d’y revenir".
Faire face aux changements climatiques
L’armée est en première ligne aussi dans la gestion des conséquences du réchauffement climatique dans la région.
" L’essentiel des missions qui peuvent très vite peser sur les forces armées des pays de la région et les nôtres en particulier, c’est très vite de la sécurité civile dans un milieu très hostile. C’est du génie, être capable de nettoyer un post-cyclone, c’est des capacités de projection pour mettre en protection des populations" explique le ministre des Armées. "On a malheureusement des épisodes qui sont de plus en plus durs, violents, pour nous-mêmes et pour les autres. On est loin d’une remilitarisation, on est plutôt sur un schéma de solidarité".
Collaborer avec les instances locales ?
" Discussions oui, consultation non. Chacun dans son rôle". C’est la réponse de Sébastien Lecornu interpellé par un internaute qui demande si l’orientation militaire en Nouvelle-Calédonie ne devrait pas faire l’objet de consultation des instances locales.
Il faut discuter avec les autorités locales, estime le ministre, qu’il s’agisse du gouvernement ou des maires qui ont eux aussi des compétences.
"Oui, il faut travailler avec tout le monde, mais les forces armées de Nouvelle-Calédonie, comme le haut-commissaire, ont cette habitude de créer justement du consensus autour de ces sujets. De toute façon, on est tous dans le même bain".
Et de souligner que le sommet des ministres de la Défense du Pacifique Sud "est bon pour l’image de la Nouvelle-Calédonie. Ce qui est fait depuis Nouméa participe aussi à un agenda régional qui n’est pas que bon pour la République française en son ensemble, mais évidemment aussi pour un agenda calédonien. Tout ça participe aussi à une réputation d’ensemble de la région et là aussi on est tous dans le même bateau".
L’avenir institutionnel abordé cette semaine ?
Les discussions sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie ne devraient en revanche pas être abordées lors du sommet. " Les alliés n’en parlent plus depuis le troisième référendum, sauf par curiosité en demandant quelle est la suite des discussions, comment les choses convergent, qu’est-ce qu’il se passe…"
Sébastien Lecornu qui entend rester à sa place en tant que ministre des Armées, même s’il a longtemps été un acteur du dossier calédonien en tant que ministre des Outre-mer : "J’ai tenu ces discussions au nom de l’État, elles sont difficiles, elles demandent beaucoup d’exigence et Gérald Darmanin s’engage complètement. Aujourd’hui, je m’astreins à ne pas perturber les discussions institutionnelles, c’est Gérald Darmanin le chef de mission".